Pour rassurer une personne angoissée, arrêtez de répondre à ses questions.

Notre cerveau aime ce qui est prévisible et anticipable. L’incertitude angoisse, la certitude rassure. Par le passé, nous utilisions le marc de café, les boules de cristal ou les entrailles d’animaux ou les oracles pour dissiper l’incertitude. Aujourd’hui, nous avons un antidote plus efficace : la connaissance, l’information.

Nous avons toutes et tous expérimenté l’efficacité de cette démarche : l’examen blanc réduit l’anxiété liée au déroulement de l’examen réel, savoir si votre belle-mère est plutôt cool ou plutôt strict réduit votre peur de faire des gaffes lors de votre 1e rencontre, savoir comment va se dérouler votre opération chirurgicale diminue votre angoisse, etc.

Pour nous rassurer – et rassurer les autres – nous faisons donc facilement le raccourci : si tu as toutes les infos, tu seras rassuré-e.

Votre enfant est angoissé et vous pose 10 000 questions par jour ? Vous répondez en espérant qu’il atteindra enfin le niveau de connaissances qui lui permettra d’être rassuré.

Vous angoissez face à une décision importante (quitter votre partenaire par exemple) ? Vous cherchez des tas d’infos (dans le passé, dans le futur, dans les témoignages, les livres, etc), espérant avoir L’information qui vous assurera de prendre LA bonne décision.

Vous avez un problème de santé ? Vous voilà chercher partout les infos sur les conséquences, les causes, les traitements, etc, espérant mettre la main sur LA garantie que vous serez soulagé-e physiquement et moralement.

Vous avez des enfants et envie d’être le meilleur parent possible ? Vous dévorez les livres, des conférences, des blogs, etc, espérant trouver LA technique pour savoir quoi faire au bon moment.

Cette logique « connaissance vs angoisse » a des limites : nous ne vivons pas dans un monde certain mais dans un monde probabiliste.

Cette réalité statistique est difficile à appréhender pour notre cerveau qui préfère le binaire – oui/non, blanc/noir, sur/pas sur – et a beaucoup de mal avec la nuance et avec les statistiques.

Une partie de nous espère encore en la certitude. Elle va donc chercher encore et encore des infos. Son objectif : rassurer une autre partie de nous qui, elle, angoisse. Cette partie-là, elle, a parfaitement compris la réalité probabiliste du monde. Et c’est bien ce qui l’angoisse.

Paradoxalement, plus elle est informée, plus elle perçoit l’ampleur de ce qu’elle ne sait pas. Les informations ne rendent pas le monde plus certain. Bien au contraire. Autrement dit : plus vous cherchez de réponses, plus vous trouvez de questions.

Ce n’est donc pas la quantité ou qualité des informations qui nous rassure : c’est notre capacité à supporter l’incertitude, la nuance, les zones grises.

La recherche d’informations devient donc à la fois le moyen de se rassurer et la source de l’angoisse. A ce stade, pour rassurer une personne angoissée, mieux vaut arrêter de répondre à ses questions.

Cet article est le 2e d’une série sur les différentes manières de rassurer une personne angoissée. Vous trouverez le 1er article de la série ici (les liens vers les suivants sont à la fin de cet article).

Au début les réponses rassurent suffisamment …

Il y a quelques quelques semaines, mon fils a eu un pépin de santé. Au tout début, nous avions de bonnes raisons de penser que c’était bénin mais lui commençait à penser que c’était grave (tumeur). Nous avons donc pris rendez-vous chez le médecin pour rassurer tout le monde (après tout il aurait pu avoir raison). Plusieurs examens plus tard, le diagnostic est confirmé et il est à peu près rassuré. Tout le monde (nous, les médecins, etc) a répondu à ses questions. Nous en sommes encore au stade où la connaissance a apaisé son angoisse.

Il a confiance dans le diagnostic posé. Il comprend que ce n’est pas grave, que ça ne fait pas mal, c’est juste un peu gênant de temps à autre. Et que, si ça ne disparait pas spontanément, il devra peut-être subir une intervention chirurgicale légère.

Quand les réponses aux questions ne suffisent plus à rassurer une personne angoissée

C’est là que les choses se compliquent : mon fils se retrouve à nouveau face à une zone d’incertitudes et il se pose des tas de questions pour réduire son niveau d’inquiétude : comment on sait qu’il faut opérer ou pas, comment ça se passe une opération, c’est quoi les risques, etc). Toutes ces questions sont valables et méritent d’être posées. Donc il les pose. Et nous lui répondons ou nous cherchons avec lui les réponses.

Sauf qu’une fois qu’il a toutes les réponses, il n’est pas apaisé pour autant. Et que de nouvelles questions apparaissent. Au fond, rien de ce que nous pourrons dire ou faire ne peut le rassurer complètement. Il cherche une certitude dans un monde probabiliste. Mais PERSONNE ne peut lui dire avec 100% de fiabilité s’il va ou non se faire opérer. Donc il stresse et, pour stresser moins, il pose de nouvelles questions (ou les mêmes plusieurs fois).

A ce moment-là, nous avons fait tout ce qui était médicalement à faire pour le moment. Nous ne pouvons que nous en remettre à la nature / la providence / le hasard (appelez-ça comme vous voudrez) pour la suite. Il n’y a plus de réponses possibles, il n’y a plus que l’incertitude.

A noter que c’est précisément ici (ou face à des angoisses plus fortes pour des problèmes plus graves ou plus handicapants) que nous pouvons facilement nous retrouver abusés par des gourous, ou des charlatans qui nous promettent ce que nous espérons tant entendre. Ce n’est pas le remède miracle que nous achetons, c’est la certitude promise qui nous apaise.

Bref, mon fils cherche encore à dissiper l’incertitude. Il revient donc inlassablement avec ses questions. Parfois j’y réponds patiemment pour la 10e fois, parfois je l’envoie paitre, commençant à percevoir que nous sommes au bout des connaissances possibles : la réponse qu’il cherche n’existe pas. Il pleure régulièrement à cause du stress que lui cause cet évènement (presque tous les jours à une période).

Comment couper court aux questions pour rassurer une personne angoissée ?

Sentant bien qu’il est en train de s’enfoncer dans l’angoisse, je lui pose la question suivante : « Quand tu poses tes questions, tu veux connaitre un peu mieux ce qui va se passer ou tu veux avoir la certitude de savoir ce qui va se passer ? … parce que si c’est le 2e, je crois que ça ne marche pas : tu as toujours des questions qui reviennent non ? »

Cette question est importante : elle l’amène à réfléchir à l’objectif et à vérifier l’efficacité de sa tactique pour être moins angoissé. Et il se rend rapidement compte que cette tactique est inefficace.

Il part un peu agacé mais pas perplexe : il s’est fait prendre en flagrant délit de son mode de fonctionnement habituel. Je l’avais déjà expliqué dans l‘article « comment j’ai réagi quand mon fils a voulu arrêter le sport » où on a affaire exactement au même mécanisme.

Il a réfléchi quelques jours puis il est revenu avec cette proposition :

Bon maman, c’est vrai que mon truc ça me stresse. J’ai bien vu que, quand je vous pose des questions, des fois vos réponses me rassurent me font du bien et des fois ça me stresse encore plus. Faut que j’arrête de poser des questions mais je n’y arrive pas. Alors je vais utiliser un mot de passe. Quand je dirai « saucisson » et qu’après, je pose des questions, vous répondez normalement. Par contre, quand je pose des questions sans dire « saucisson », alors vous répondez « mais de quoi est-ce que tu parles ??? » comme si mon problème n’existait pas et que vous ne compreniez pas de quoi je parle.

Pourquoi arrêter de répondre à ses questions rassure mon fils ?

D’abord et avant tout parce qu’il a ressenti qu’il AUGMENTAIT son inquiétude en posant des questions. Il pourrait juste arrêter de poser des questions … sauf que 1 – c’est hyper dur de s’empêcher de poser des questions quand on stresse et 2 – parfois il sait que ses questions ont bien un but précis et ne vont pas le faire vriller. Mieux vaut qu’il garde la possibilité de poser des questions. L’utilisation du mot de passe l’aidera à nous faire comprendre qu’il a besoin d’une vraie réponse et qu’il est en mesure d’entendre la réponse. Cela rejoint ce que j’évoquais dans mon article « on ne peut pas rassurer une personne angoissée » : c’est bien LUI qui se rassure en écoutant nos réponses et non nos réponses qui le rassure.

Quand il n’est pas en capacité d’écouter les réponses, il me demande d’être cassante, presque « méchante » avec lui en l’envoyant paitre. Cette attitude peut sembler violente hors de ce contexte bien spécifique. Mais être cassante est plus rassurant sur 2 aspects :

  • elle traduit ma propre sécurité face à la situation : il sait que je trouve ses questionnements légitimes, mais il voit que je ne partage pas son stress = je reste un point de repère solide pour le guider
  • elle lui fournit un support pour couper court très fermement à la spirale de questions

Au moment où j’écris cet article, plusieurs semaines se sont écoulées depuis cet épisode. Mon fils n’a PAS utilisé le mot de passe mais il a cessé de poser des questions. Il reparle de son problème de temps à autre mais il n’a plus jamais pleuré à son propos. Il attend patiemment de voir ce qu’il se passe (il semblerait que ce soit en voie de disparaitre sans intervention chirurgicale). Il est moins gêné par le problème en question (ou peut-être est-il simplement moins centré sur toutes les sensations associées).

Arrêter de répondre à ses propres questions, une technique très efficace pour se rassurer

Le plus drôle est qu’il m’a proposé spontanément est exercice que j’utilise souvent en thérapie. Il peut s’adresser à des enfants, des ados ou des adultes sous des formes différentes. La technique du mot de passe n’est pas forcément nécessaire mais les points clés sont :

  1. Avoir obtenu l’accord de la personne pour tenter quelque chose qui peut peut-être l’aider à angoisser moins (voir le 1er article de cette série sur « On ne peut pas rassurer une personne angoissée » ici).
  2. avoir mis en évidence l’aggravation de l’angoisse liée aux questions, a minima l’avoir questionnée même si la personne n’a pas dit « oui c’est vrai ça m’inquiète encore plus« )
  3. mettre en place un moment d’exutoire bien cadré où toute l’angoisse pourra être exprimée si le besoin s’en fait sentir (les moments où il utilise mot de passe dans notre cas)
  4. et le reste du temps, refuser fermement de répondre aux questions qui viennent, tout en leur donnant rendez-vous dans le moment d’exutoire prévu (attention les points 4 et 5 sont liés, on ne peut pas faire l’un sans l’autre).

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Sandrine Donzel

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