Comment vouloir être bienveillante m’a (presque) rendue maltraitante …
Dans le cadre de la journée de la non violence éducative du 30 avril 2016, j’ai démarré un programme intitulé « 30 jours pour mieux gérer ma colère avec mes enfants » auquel vous pouvez vous inscrire en cliquant ici.
Sophie me dit d’emblée :
Je souhaite être bienveillante avec mes enfants. Je sais ce que ça fait de se faire crier dessus sans arrêt. Je ne veux pas que mes enfants vivent ça. Mais malgré tous mes outils, toutes mes connaissances et ma bonne volonté, je n’y arrive pas. Souvent je crie et je fais des choses terribles avec mes enfants. Je m’en veux horriblement. Mes colères sont terribles.
C’est avec cette introduction somme toute assez classique que commence un de mes rendez-vous (et beaucoup commencent de la même façon). Quand je demande à cette maman lesquelles de ses colères sont excessives et lesquelles sont juste humaines, elle me regarde incrédule.
Ce n’est visiblement pas pour ça qu’elle est venue me voir. Elle pensait que j’allais lui donner la baguette magique qui allait lui permettre de ne plus jamais s’énerver.
Sauf que moi, je ne fais pas dans les miracles … et, dans la mesure du possible, j’essaie d’éviter d’inciter les gens à aggraver leurs problèmes.
Bienveillance éducative et maltraitance : comment vouloir être bienveillant avec ses enfants peut-il aggraver le problème entre eux et nous ?
Evidemment je suis à 200% convaincue de l’intérêt de la bienveillance éducative. Evidemment aussi je suis convaincue des bienfaits de l’écoute active, d’une approche responsabilisante et des outils de l’éducation non violente. Mais – car il y a un mais – ces approches oublient souvent un paramètre important de la relation parent-enfant : le parent.
Etre à l’écoute, se rendre disponible, avoir recours aux outils de l’éducation non violente demande une certaine disponibilité – pour ne pas dire une disponibilité certaine – au niveau émotionnel. Et donc des compétences émotionnelles. Ce qui n’est pas facile pour les êtres humains normaux que sont les parents.
Dans beaucoup de cas, savoir s’arrêter, prendre du recul, réfléchir suffit. Mais parfois, comme dans le cas de Sophie, ça ne suffit pas.
Et même ça aggrave le problème. Bienveillance éducative et maltraitance sont parfois plus intimement liés que nous le pensons.
A chaque fois qu’elle crie, Sophie se juge sévèrement – « je ne devrais pas crier sur mes enfants, ce n’est pas bon pour eux » – et elle prend la résolution de mieux se maitriser. Et donc de ne pas se mettre en colère.
Mais comme les enfants sont champions du monde pour tamponner les cases de notre carte de fidélité, les occasions de sentir la colère monter sont légion. Comme elle ne veut pas s’énerver, Sophie pense qu’elle ne doit pas être en colère.
Bienveillance éducative et maltraitance : comment la colère est devenue la cause du problème …
Quand elle sent la colère monter face à ses enfants, que fait-elle ?
Elle la réprime. Elle la refoule à l’intérieur d’elle-même et essaie de se convaincre qu’elle ne doit pas se mettre en colère. Alors elle prend sur elle. Elle encaisse, encore et encore.
Comme ces journées – presque tous les jours – où elle passe 1h30 à jouer avec son petit de 2 ans. Parce qu’il a envie.
- Mais vous n’avez pas envie, vous, de faire autre chose à un moment donné ?
- ben si, me dit-elle, mais c’est bien pour lui que je joue avec lui
- et que se passe-t-il ensuite ?
- j’essaie de passer à autre chose après … mais il n’a pas envie. Je cherche des solutions pour que ça se passe bien pour lui, de m’adapter. Ca me demande beaucoup d’énergie. Je suis épuisée. Et puis enfin de journée, j’explose pour un rien.
Comme beaucoup de gens, Sophie s’imagine que la colère peut s’effacer sur simple décision volontaire de notre part. Ce qui n’est pas le cas évidemment.
On ne peut pas juste supprimer la colère par un coup de baguette magique. La colère, comme toutes les émotions, est utile, même si elle est désagréable à vivre. A chaque fois qu’elle fait cela, Sophie prend le risque d’accumuler sa colère qui finira par exploser.
En acceptant d’observer ses colères et en les classant en « excessives » ou en « humaines », Sophie s’est rendue compte qu’une bonne partie de ses « crises » étaient plutôt la conséquence de la façon dont elle gérait sa propre colère.
Au rendez-vous suivant, les colères avaient déjà largement diminué : Sophie m’a dit « je me rends compte que j’accepte les émotions de mes enfants, mais pas les miennes. Ils ont le droit d’être en colère, d’être tristes, … mais pas moi. Et au final, je finis par exploser. Vouloir à tout prix être bienveillante m’a presque rendue maltraitante.«
Nous avons pu alors travailler seulement sur les colères jugées excessives. Et Sophie a pu mieux assumer qu’à certains moments, elle avait elle aussi des émotions. En les respectant mieux, elle a pu rester plus sereine avec ses enfants et devenir finalement plus bienveillante avec ses enfants qu’auparavant.
Encore une fois, ne nous trompons pas : je ne vous invite pas à ne plus vous soucier de l’impact sur vos enfants de vos comportements … mais à bien vérifier que vos colères ne sont pas simplement la conséquence de votre mode de gestion de vos émotions.
C’est une première étape pour mieux gérer sa colère.
Pour vous aider, voici notre programme « stop aux colères – j’arrête de m’énerver »
La bienveillance résiste souvent mal à l’usure du quotidien. On a tous les outils dans notre besace mais le moment venu, ce qui nous vient, ce n’est pas ce qu’on voudrait (enfin si, des fois quand même !!!).
Mon constat de thérapeute et d’accompagnante parentale : nous connaissons très mal notre colère … ce qui nous amène à essayer de la réguler de manière peu efficace (je me mets dans le sac car ça a aussi été un travail de connaissance pour moi).
C’est pour vous permettre de mieux connaitre votre colère pour enfin retrouver un peu de sérénité que j’ai conçu ce programme.
Garanti 0% culpabilité et 0% « il suffit de lâcher prise » ! A découvrir ici :
Vous pouvez aussi vous aider de mon Guide des Emotions : un guide en version numérique à télécharger avec des clés de compréhension du processus émotionnel et 8 émotions de base décryptées (le contexte déclencheur, le message et des questions et exercices pour vous aider à y voir plus clair).
Bienveillance éducative et maltraitance : Pour aller plus loin au sujet de la gestion de la colère
Sur ce blog :
- avez-vous votre carte de fidélité ?
- le guide des émotions : la colère, cette inconnue qui vous veut du bien
- je m’énerve trop, je crie trop sur mes enfants
- le ballon émotionnel
- et l’intégralité du programme « Mieux gérer ma colère avec les enfants » ici
Ailleurs sur le web :
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Merci, je te rejoins dans cette analyse pour l’avoir expérimenté plus d’une fois !
(https://etsisite.wordpress.com/2016/04/06/et-si-jetais-encore-parfois-violente/#more-402)
Ping :30 jours pour mieux gérer ma colère avec mes enfants ... - S Comm C, le blog
C’est impressionnant comme certaines lectures peuvent tomber à point nommé ! En ce moment je suis plus qu’épuisée, je me mets en colère sans arrêt, je me mets à crier pour des broutilles… Et plus je culpabilise de m’énerver, plus je m’énerve parce que je m’efforce de contenir tout ça !
Alors merci… merci beaucoup pour votre article qui, aujourd’hui, allège un peu mon cœur de maman.
Merci pour ce bel article !
Bonne journée
Merci…
Bonjour Sandrine,
Ton article est très intéressant et montre la limite de la théorie. C’est sûr que sur papier, pratiquer l’éducation bienveillante avec ses enfants parait évident, logique et presque simple. Dans la réalité, nos émotions ne se préoccupent pas de la théorie et la balayent même d’un revers de main. En effet, la bienveillance envers ses enfants commence par la bienveillance envers soi-même et nécessite d’accepter ses émotions.
Bonne journée
Merci Sandrine pour le programme « 30 jours pour mieux gérer ma colère avec mes enfants » et pour cet article.
Pour ma part, je me rends compte que la colère survient souvent lorsque j’aimerai que mes émotions (surtout les négatives) soient accueillies autant que je tente d’accueillir celles de mes enfants et de mon conjoint. Je trouve cela particulièrement frustrant qu’on n’accepte pas que je puisse être fatiguée, triste, frustrée, contrariée (etc.) alors que moi, avant toute chose, j’accueille les émotions des autres, quitte à en prendre un peu à mon compte et à faire baisser par la même occasion ma « jauge à bonheur ». Cette injustice me révolte et je finis par la faire payer à qui est là ou qui me contrarie (pour une broutille souvent) à ce moment-là ! Pour le conjoint, je lui ai déjà expliqué que j’aimerai qu’il accueille un peu mieux mes émotions plutôt que de vouloir les réprimer (parce que ça le contrarie aussi) mais comment expliquer cela aux enfants (3, 8, 10 ans) ?
Bonne journée,
oui c’est pile le grand problème avec la violence : la déception … Ca tombe bien, c’est un des sujets prévus dans les prochains mails (et un article sur le blog aussi à ce sujet !)
J’ai écris un bilan justement sur le même sujet ce matin. Après une énième nuit hachée, j’ai senti dès le réveil, le dragon en moi près à cracher sur tout et n’importe quoi.. alors j’ai écris un article, pour dire ce que je ressens mais aussi pour montrer que ce n’est pas toujours rose. Que malgré la meilleure volonté du monde, nous sommes faillible et il faut en avoir conscience. Il faut penser à soi, parent épanouit enfant épanouit 😉
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Merci pour cet article. j’en ai les larmes aux yeux tellement il résonne fort en moi. Je me sens très concernée par ce sujet, ayant peur actuellement de basculer du mauvais côté par épuisement…. Ces mots me permettent d’avancer.
Encore merci
Merci pour cet article.
Je pratique l’éducation bienveillante depuis 1.5 ans et moi aussi, au début, je me retenais de crier en pensant que ça allait à l’encontre de l’éducation bienveillante. Résultat : je criais plus qu’avant !
J’ai commencé à faire un travail sur moi avec la lecture de certains livres comme ceux d’Isabelle Filliozat et j’ai participé à des programmes de formation sur internet sur l’éducation bienveillante (avec un module sur les émotions des parents, sur nos réactions…) et un autre programme pour guérir de mon passé et tout ça m’a beaucoup aidé.
Effectivement, pratiquer l’éducation bienveillante nous amène à écouter, accepter, accueillir les émotions de nos enfants et c’est impossible à faire si on n’accepte pas nos propres émotions. Tout notre passé nous revient à la figure avec parfois une grande violence contre nous même ou nos enfants.
Pour être bienveillant avec nos enfants, il faut d’abord être bienveillant avec soi même et guérir son enfant intérieur, on ne le répètera jamais assez.
Bonjour Sandrine, un immense MERCI à vous, qui osez aborder le sujet sous cet angle. Il est vrai que l’éducation bienveillante est pour moi un idéal vers lequel je dirige ma route et celle de ma famille depuis plus de 4 ans. Mais il y a un fossé entre la « théorie » et la « pratique » et cela fait énormément de bien de lire que les outils ne sont pas évidents à mettre en place, que l’objectif visé nous éloigne parfois de cet objectif lui-même… Et je viens de prendre conscience pourquoi, depuis plusieurs années, je me sens de plus en plus en colère et je crie de plus en plus souvent sur mes filles… car je n’écoute pas mes propres émotions. Tout « simplement ». J’octroie à mes enfants le droit d’exprimer leurs émotions sans me l’autoriser à moi-même…Cela crée des tensions dans la famille, l’aînée s’adressant sur un ton agressif à la cadette (le même que je dois utiliser avec elles, donc…)
Etre bienveillant avec soi-même, oui, je le sais en théorie, mais j’ai vraiment du mal à l’être. Cela s’apprend. Lire les autres commentaire m’apporte également beaucoup, merci à toutes. JE n’avais pas entendu parler de ce défi et je le regrette, je l’aurais bien suivi !
Bonjour Sandrine,
Ce matin, dérapage avec mes enfants. La préparation pour l’école se fait sous tension mais se gère assez bien malgré des disputes entre les deux enfants de 6 ans et demi et bientôt 3 ans. Et là, grosse frayeur, les enfants se bousculent juste devant les escaliers qui mènent au garage. N’ayant vu que ma plus grande tirer son frère en arrière par la capuche, j’ai hurlé et giflé ma fille. Une grosse déception s’est emparée de moi et la honte m’a envahie. J’en ai voulu à ma fille et à moi-même. Elle est partie à l’école avec la joue rouge et le coeur bien triste et moi je l’ai menée avec la peur du regard des autres et que l’on me pense maltraitante alors que je fais l’apanage de l’éducation non violente. J’enrage envers moi-même.
Sur le moment, le sentiment d’échec est présent et nous le supprimerons jamais. Une fois cette sensation douloureuse traversée, il est intéressant de se demander ce qui nous a mis dans un état pareil (l’article de ce week-end sur les 5 étapes pour mieux gérer sa colère peut aider, à lire ici : http://blog.scommc.fr/5-etapes-pour-mieux-gerer-sa-colere/)
La culpabilité est une émotion normale quand nous traversons ce que nous vivons comme un échec. Elle attire notre attention sur le fait que nous aurions voulu faire mieux … et c’est donc ce vers quoi il est important de se concentrer : la prochaine fois qu’une situation similaire se présentera, que pourrais-je faire de différent ? Qu’est-ce qui pourrait m’aider à ce moment-là ?
Et aussi, qu’est-ce que je peux faire par rapport à mes enfants, si je l’estime nécessaire, pour revenir sur cet épisode avec eux mais avec du recul ?
(et un peu de calinothérapie pour traverser les moments difficiles ;-))
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