Mettre un enfant au coin, efficace ou pas ? bienveillant ou pas ?

Mettre un enfant au coin – ou ses variantes : la chaise de la réflexion, l’isolement, aller dans sa chambre, … – est une des punitions les plus couramment utilisées. Cette punition semble anodine, voire même tout à fait utile : quoi de mieux en effet que de réfléchir à ce qu’on a fait de mal pour s’amender ?

Mettre un enfant au coin, à quoi ça sert ?

Mettre un enfant au coin en guise de punition n’est ni efficace, ni aidant pour l’enfant. Nous pouvons, à la place, proposer un coin doux et serein pour s’apaiser et se calmer en cas de tempête émotionnelle.Toutes ces techniques sont utilisées dans une intention tout à fait respectable : amener l’enfant à se calmer quand il a des comportements violents (crises, tapes, …) et/ou l’inciter à réfléchir sur ce qu’il a fait.

Derrière mettre un enfant au coin, l’idée est donc d’aider l’enfant à acquérir des compétences émotionnelles – se calmer – ou à développer son sens des responsabilités. Encore une fois l’intention est bonne. Mais la forme ne me semble ni bienveillante … ni efficace.

Imaginez que votre chef vous aie vraiment mal traité (type harcèlement) et que vous lui fassiez savoir – certes de façon un peu excessive, vos mots dépassant votre pensée – mais après tout vous vous sentez vraiment exploité depuis des mois et vous avez besoin que cela soit entendu.

Imaginez aussi qu’un appareil électroménager important de la maison soit en panne, que le service après vente vous fasse vraiment des misères et que vous preniez votre téléphone pour leur faire savoir votre façon de penser à leur sujet.

Imaginez maintenant que, dans l’une ou l’autre de ces 2 situations, la personne en face de vous vous dise d’un ton autoritaire : Allez vous calmer et allez réfléchir à ce que vous êtes en train de me dire.

Il y a de fortes chances que votre sang ne fasse qu’un tour et que vous ayiez envie de rétorquer que c’est tout réfléchi et que vous allez passer à l’échelon supérieur pour faire savoir ce qu’il se passe. Sous le coup de l’émotion, il y a peu de chances qu’un « allez vous calmer ! » vous apaise et vous aide à vous comporter différemment. C’est l’expérience du ballon émotionnel.

L’injonction d’aller vous calmer et de réfléchir à de fortes chances de mettre le feu aux poudres …

Mettre un enfant au coin, est-ce bienveillant ?

Lorsque le comportement non acceptable de l’enfant a des racines émotionnelles, l’envoyer au coin n’est pas bienveillant car cela ne l’aide généralement pas à acquérir les compétences émotionnelles dont il a besoin. Cela fonctionne dans de très rares cas dont je parlerai plus bas.

La limite entre la bienveillance et la violence éducative ordinaire est parfois fine. Seule la victime peut dire si elle se sent maltraitée ou non. Et cette parole est impossible pour un enfant : il est dépendant de ses parents et peut donc difficilement prendre le risque de dire qu’il se sent mal face à certaines réactions ; de plus, s’il se sent impuissant à résoudre le problème auquel il est confronté, il peut se sentir abandonné et angoisser de la suite ; pire encore, les enfants font généralement une confiance aveugle dans leur parents et ils ne peuvent pas s’imaginer qu’il est possible de faire autrement que d’être laissé à soi-même quand les choses vont mal.

Envoyer un enfant au coin pour le punir a donc, comme toute punition, des conséquences négatives possibles.

J’ajouterai que, quand notre intention est de « faire mal » – humilier un peu, faire un peu honte, … – pour faire réagir l’enfant, cette attitude est tout sauf bienveillante. Viser à « faire mal » est de la violence éducative ordinaire.

Mettre un enfant au coin, est-ce efficace ?

Oui mais, me direz-vous, c’est bien joli la violence éducative ordinaire mais y a quand même des choses qu’il faut recadrer. Alors mieux vaut utiliser le coin plutôt que taper. Certes … Mais mettre un enfant au coin, lorsque cela est utilisé dans sa forme punitive (pour « faire mal » afin d’entrainer une réaction), n’est pas plus efficace que n’importe quelle autre punition.

Lorsque l’enfant est recadré uniquement sur la forme – mis au coin parce qu’il a crié, tapé, … – et pas aidé sur le fond, il risque d’avoir du mal à changer de comportement. Tout comme ce jeune garçon de 12 ans qui s’est fait exclure 3 jours de son collège parce qu’il insultait les autres sans arrêt. « Oui mais je me fais tout le temps provoquer ! » m’a-t-il dit. Chose qu’il n’avait jamais dite aux adultes qui ne cherchaient qu’à lui dire d’arrêter de dire des gros mots sans l’aider à agir autrement …Et il a passé ses 3 jours d’exclusion à ruminer l’injustice dont il était victime sans avoir d’aide pour solutionner son problème.

(et juste encaisser sans répondre n’est pas possible et ne conduit qu’à aggraver le problème. C’est exactement ce que faisait ce jeune. Nous sommes là dans une situation de harcèlement.)

Oui mais, me direz-vous, nous ne harcelons pas nos enfants !

Ce n’est pas parce que vous ne harcelez pas que l’enfant ne se sent pas victime d’une situation. Qu’il ne ressent pas d’émotions. C’est pas votre intention qui compte : ce sont vos actes ET la façon dont l’enfant les interprête. Et là-dessus, vous n’avez pas de prise, pas de contrôle. Vous pouvez expliquer des choses mais vous ne pouvez pas décider de la façon dont votre enfant va vivre les choses.

En gros, chaque fois que l’enfant vit le coin comme une négation de ce qu’il ressent, comme une façon de lui interdire d’exprimer ce qu’il a besoin d’exprimer, alors le coin devient une punition.

Et comme toute punition, mettre un enfant au coin a des effets secondaires désagréables : dégradation de la relation, sentiment d’injustice, …  Vous trouverez dans ces 2 articles plus de précisions sur les effets secondaires de la punition : « punir ça sert à quoi ? » et « la punition efficace ça existe ? »

La plupart du temps, un enfant mis au coin passe son temps à râler et à ruminer sa vengeance contre ceux qui l’ont injustement envoyé là. Ou bien il enregistre qu’on peut payer ses dettes : je fais une bêtise = je vais au coin et ça efface la bêtise. Donc je peux recommencer autant de fois que je veux … (c’est souvent le cas des enfants qui se mettent tout seul au coin).

Le coin est donc, souvent, sur le long terme, une punition inefficace et pas vraiment bienveillante.

Mettre un enfant au coin, dans quel contexte ça peut marcher ?

Malgré son inefficacité et son manque de bienveillance, il m’arrive cependant de proposer l’isolement comme outil pour aider un enfant. Comment est-ce possible ?

Il vaut mieux que le coin soit cadré à l’anglo-saxonne et non à la française. Quelle différence ?

Chez nous le coin est clairement quelque chose de contraint et d’humiliant, donc de punitif. Chez les anglo-saxons, le coin – ou time out – est un endroit pour s’apaiser. Un endroit calme, serein, agréable avec des coussins, des jeux calmes, des outils pour gérer ses émotions (pictogrammes, crayons et feuilles de papier, bâton de pluie, bouteille à paillettes, …).

Dans ce contexte, aller au coin n’est plus une contrainte ou une punition : c’est une aide. L’enfant sous le coup d’une émotion violente peut y aller, en compagnie de l’adulte, calmement, presque tendrement, pour s’apaiser, se poser. Une fois revenu au calme, il sera en capacité de réfléchir à ce qu’il a fait. Mais UNE FOIS REVENU AU CALME SEULEMENT.

L’incitation à aller « au coin » n’est alors plus une gronderie mais une aide. Elle sera d’autant plus efficace si elle est positive et agréable : « pour le moment, c’est dur pour toi, tu pourrais aller trouver un peu de calme dans le coin et tu reviendras quand ça ira mieux. » formulé doucement, avec le sourire et si possible en touchant gentiment l’enfant.

De cette façon, la chambre peut tout à fait être utilisée comme un endroit pour s’apaiser … ou se protéger …

C’est aussi très utile pour les enfants qui ont besoin de s’apaiser seuls – oui ça existe 🙂 ! Chez certains enfants, la présence de l’adulte, même si elle est contenante ou bienveillante, ne permet pas l’apaisement. Ces enfants ont besoin d’isolement. Ils ne sentent pas abandonnés ni impuissants si on les laisse seuls. Je me souviens de cette petite fille qui me disait « quand je m’énerve, je veux que ma maman me laisse tranquille. Elle, elle vient et elle me demande des choses. Mais moi je veux être toute seule. » Evidemment, la maman croyait bien faire en proposant son aide mais ce n’est pas ce dont la petite fille avait besoin. Et la maman se trouvait bien impuissante face à cette enfant dont la colère et les crises augmentaient en intensité plus la maman essayait de lui offrir de l’écoute. Parfois mieux vaut cesser toute interaction avec l’enfant que de tenter de l’apaiser.

Mettre au enfant au coin … et si les adultes montraient l’exemple ?

L’idéal est que le coin soit aussi utilisé par les adultes quand ils sentent la moutarde leur monter au nez. Les enfants apprennent énormément par l’exemple. Ils utiliseront donc plus facilement cet endroit pour aller s’apaiser seuls s’ils voient que les adultes le font.

Quoi de plus rassurant pour un enfant que de voir son parent aller s’apaiser pour éviter de lui crier dessus ou de lui taper dessus ?

Je me souviens ainsi d’un enseignant, participant à un de mes ateliers, qui avait installé un tapis de méditation dans sa classe. Lorsqu’il sentait qu’il s’énervait, il allait s’y installer pour prendre du recul et s’apaiser. C’était très efficace pour lui, mais aussi pour les enfants de sa classe qui comprenaient immédiatement qu’ils étaient allés trop loin et se calmaient illico. Evidemment, le tapis était aussi utilisable par les élèves dès qu’ils en ressentaient le besoin : dispute, énervement sur un exercice, …

Une belle idée non 🙂 ?

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Sandrine Donzel

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