La question de Margot : pourquoi c’est si difficile de choisir ?
Comme pour Adèle la semaine dernière, j’ai écouté la réponse donnée par Claude Halmos sur France Inter à ta question : « pourquoi c’est si difficile de choisir ? »
Et comme la semaine dernière, j’ai eu envie de compléter cette réponse que je trouve très partielle pas forcément aidante pour toi et tes parents.
PS : La semaine dernière Adèle se demandait pourquoi elle s’énervait quand elle n’arrivait pas à faire quelque chose. Si ça t’intéresse, tu peux lire l’article ici.
Vous pouvez réécouter l’émission de France Inter ici :
A la radio, on t’a expliqué plusieurs choses : que choisir c’est renoncer et que la vie, ce n’est pas toujours fromage ou dessert et qu’il faut bien se faire une raison. Et aussi que choisir, ça s’apprend.
Je suis d’accord avec tout ça … mais une question me vient, qui t’es surement venue aussi d’ailleurs :
Choisir, ça s’apprend d’accord … mais comment on apprend à choisir ?
Parce que si quelque chose s’apprend, soit on y arrive spontanément, soit on a besoin d’un peu d’aide pour apprendre à le faire. C’est comme le vélo : soit tu as trouvé spontanément ton équilibre et roule ma poule, soit tu as eu besoin qu’on te donne quelques astuces et indices pour y arriver.
Et je crois que l’objet de ta question est précisément là : comment est-ce que je peux apprendre à choisir ?
Tu sais, je crois moi aussi, comme Claude Halmos, que cette question est cruciale et que beaucoup d’adultes ne savent pas choisir. Tout simplement parce qu’on ne leur a pas appris. Ce qu’on leur a dit, c’est justement :
il faut choisir, c’est comme ça ! La vie, c’est pas fromage ou dessert !
et qu’on les a laissés se débrouiller avec ça.
Mais ce n’est pas aussi simple que ça parce que cette réponse oublie une partie très importante de nous nos émotions.
Alors je vais essayer de te donner quelques clés pour mieux comprendre ce qui rend si difficile les décisions qu’on a à prendre dans la vie.
Choisir, c’est renoncer.
C’est sur que si tu es invitée le même jour à l’anniversaire de tes copines Zoé et Léa – prénoms que j’ai choisis au hasard pour les besoins de mon article – aller chez l’une suppose de renoncer au plaisir d’aller chez l’autre.
Peut-être que Zoé a un super jardin et que Léa a prévu des activités géniales.
Peut-être que tu préfères Zoé comme copine mais que tes autres meilleures copines vont chez Léa.
Donc la 1e étape pour choisir, c’est effectivement déjà de se demander tout ce qui te fait envie dans les différentes options qui se présentent à toi, se mettre en contact avec le plaisir que tu anticipes chez l’une ou chez l’autre.
Mais renoncer, c’est aussi affronter une certaine tristesse, émotion avec laquelle nous sommes souvent mal à l’aise.
Ca peut déjà t’aider à réaliser qu’au fond, tu aurais plus de plaisir à aller chez l’une que chez l’autre.
Mais la plupart du temps, nous avons déjà fait cette étape des plaisirs. C’est assez facile. Mais ça ne nous aide pas à choisir.
Certes nous savons avec notre tête, rationnellement, qu’il va falloir renoncer. Mais quelque chose nous en empêche. Certains prétendent que c’est parce que nous aurions au fond de nous l’envie d’être tout-puissant et que c’est ce qui rendrait le renoncement si compliqué.
Pour ma part, je n’y crois absolument pas. Ce que je pense moi, c’est que ce qui rend le choix si difficile, c’est que
Choisir, c’est aussi prendre des risques …
Alors Margot, si tu veux apprendre à choisir, rappelle-toi juste que
Choisir, c’est renoncer à une option ET être prêt à assumer les risques de l’option qu’on a choisie.
Qui dit risques dit peur. Ben oui, tout simplement.
Un adulte ne comprendra peut-être pas quelle peur il peut y avoir derrière le fait d’aller chez Léa ou Zoé.
Mais je crois que je peux imaginer ça : Si tu vas chez Léa, peut-être que Zoé sera fâchée, et inversement. Il peut y avoir aussi d’autres risques : peut-être que tu préfères Zoé mais qu’il y a chez Léa des filles que tu n’aimes pas trop et qui risquent de te gâcher l’après-midi. Tu es la seule à savoir quels sont les risques qui te font peur dans chaque situation.
Quand on a peur de quelque chose, essayer de se raisonner et de se dire qu’on a tort d’avoir peur fonctionne très mal.
Maintenant tu te demandes peut-être comment se préparer aux risques 😉 ?
J’avais déjà écrit un article à propos de la peur et de son utilité. Si tu veux, tu peux le lire ici : « Le guide des Emotions : la peur, signal d’alarme ». Il te permettra de mieux comprendre comment fonctionne la peur et comment on peut l’utiliser.
Des questions utiles à se poser quand tu as un choix à faire :
Quels risques te sens-tu prête à prendre ?
Sais-tu comment tu vas gérer ces risques si ce pire arrive ?
Quand on est soi-même confronté à un choix difficile, il n’est pas toujours simple d’y voir clair dans ses émotions et de trouver des solutions, surtout quand on est en train d’apprendre à choisir.
C’est là que tes parents peuvent t’aider.
Comment tes parents peuvent t’aider à choisir
Si tes parents te poussent à aller à tel ou tel anniversaire, tu n’auras pas appris à choisir. Tu auras appris à renoncer. Et nous venons de voir que ce n’est pas la seule chose à apprendre pour savoir choisir.
En plus, le risque c’est que c’est LEUR choix à EUX que tu devras assumer et que tu resteras insatisfaite parce que tu n’auras pas eu la chance d’aller au bout de ta réflexion et d’être convaincue de faire le meilleur – ou le moins mauvais- choix. Ca ne t’aura pas aidée à affronter ta peur et tu te retrouveras à gérer des risques que tu n’as pas choisi d’assumer et pour lesquels tu ne sentiras pas prête. Tout ce qu’il faut pour gâcher la meilleure fête d’anniversaire du monde à vrai dire !
C’est une tentation fréquente pour nous les parents de penser que notre choix à nous est meilleur que celui de notre enfant. Nous nous considérons – à tort à mon avis 😉 ! – comme de grands sages avec beaucoup d’expérience et nous pensons souvent savoir mieux que nos enfants ce qui est bon pour eux. Nous avons certes plus d’informations que les enfants … mais nous ne sommes pas dans votre tête à vous.
Décider à votre place ne vous permet d’apprendre à savoir prendre des décisions par vous-mêmes. Cela vous apprend à vous soumettre.
Tes parents peuvent donc t’aider à mon avis en t’accompagnant dans l’exploration des plaisirs ET DES PEURS liés à chaque option.
Quand tu leur dis que tu hésites entre l’anniversaire de Zoé et de Léa par exemple, ils peuvent te dire
ah oui, c’est difficile de choisir. Qu’est-ce qui te fait envie chez Zoé ? Et chez Léa ? Et qu’est-ce qui t’embête si tu vas chez Zoé ? et chez Léa ?
Et quand tu soulèveras les risques de chaque choix, ils peuvent encore t’accompagner dans ta réflexion en te disant
Qu’est-ce qui pourrait aider si cela arrivait ?
Bien sur ils peuvent aussi te proposer des idées mais au final, c’est TOI QUI CHOISIS, non seulement à quel anniversaire tu vas, mais aussi ce que tu vas faire pour pallier aux risques de l’option choisie.
Je te donne un exemple : si ta peur, c’est que Zoé soit fâchée si tu vas chez Léa (ou inversement), peut-être que tu peux pallier à ça en l’invitant chez toi à un autre moment, en lui faisant une surprise qu’elle découvrira pendant son anniversaire, en organisant une super fête un autre jour avec Léa ET Zoé, peut-être que tout simplement tu vas réaliser que Zoé est moins susceptible que Léa et qu’elle ne prendra pas mal du tout que tu ailles chez Zoé, peut-être que tu iras en parler à Léa et à Zoé pour leur expliquer ton dilemne et qu’à vous 3 vous allez trouver une solution, …
Tu vois, à moi toute seule, j’ai déjà eu quelques idées mais je suis sure que tu peux en trouver des tas d’autres qui correspondront mieux à ta situation et à tes copines que tu connais bien mieux que moi !
Encore une fois, il me parait important que tes parents t’aident à trouver TA PROPRE SOLUTION à ces problèmes et non qu’ils plaquent LEUR solution.
C’est effectivement en faisant des choix que tu sauras que tu sais vraiment choisir et que tu prendras confiance dans tes capacités à choisir. Mais aussi en faisant ces choix dans des conditions qui te permettent de rester connectée aux vraies raisons qui rendent ces choix difficiles. Et ces raisons sont généralement émotionnelles.
A retenir : si je n’arrive pas à faire quelque chose, c’est qu’une émotion m’en empêche. Et c’est généralement la peur qui nous retient pour nous protéger.
Ce que je constate chaque jour, c’est que, adulte ou enfant, on choisit plus facilement quand on a compris les mécanismes émotionnels qui rende les choix difficiles.
Voilà Margot, j’espère que cela t’aide un peu à mieux comprendre comment on fait pour choisir et que cela va aussi aider tes parents à t’accompagner dans tes choix.
Pour réécouter la réponse donnée sur France Inter à Margot, c’est ici :
Pour aller plus loin à propos de choix et de parentalité :
– Une conférence Ted à propos de choix difficiles, passionnante (elle n’existe qu’en anglais à l’heure où j’écris cet article mais une retranscription française devrait bientôt être disponible) :
– Sur ce blog, les articles du Guide des Emotions : « Le Ballon émotionnel« , « La peur, signal d’alarme« , « La colère, cette inconnue qui vous veut du bien » (d’autres articles sont à venir)
– une bibliographie, à propos d’émotions et de parentalité. A noter : si vous ne voyez pas les liens ci-dessous, c’est parce que votre navigateur considère ces liens sponsorisés vers Amazon comme de la publicité :
Et évidemment si vous souhaitez qu’une vision plus pragmatique et plus positive de la relation adulte-enfant soit véhiculée dans les médias, n’hésitez pas à relayer cet article sur les réseaux sociaux 😉 …
Et retrouvez tous les articles de la série « Dis Pourquoi » par ici.
Photo Credit: atelier renskeherder via Compfight cc
Merci encore une fois pour cet article.
Je pense que c plutôt fromage ET dessert, car avec un OU on est déjà face a un choix..
Merci pour cet article ! C’est vrai qu’on a souvent tendance à penser que nos choix sont meilleurs pour nos enfants que les choix qu’ils feraient eux-mêmes… Moi, c’est souvent l’impatience qui me pousse à choisir pour eux ; je trouve ça difficile de prendre le temps de les aider à trouver leur propre solution, ça demande du temps, de l’énergie et de l’envie… Ceci dit, les voir gérer leurs émotions et leurs problèmes, c’est assez magique…
J’avais un choix à faire ces derniers temps, il a été fait mais dans la douleur. Cet article m’aide à comprendre pourquoi car j’ai identifié mes peurs.
Merci. (c’est surement car je m’appellle Margot aussi qu’il m’a tant parlé 😉 )
J’aime beaucoup comment tu décris l’accompagnement pour que les enfants puissent être autonomes dans leurs choix et leur prise de décision. Après, je n’y vois pas toujours cette dimension de peur qui peut être présente comme dans ton exemple mais il me semble pas toujours. Je repense à mon garçon qui samedi se préparait avec joie pour aller faire un tour à un petit vide grenier puis coup téléphone, son super copain lui propose d’aller dans un parc de jeu. Il fallait donc choisir! Les larmes sont de suite apparues car tout simplement il voulait faire les deux. il me semble que pour lui c’était simplement l’idée de renoncer qui le mettait à mal et rendait le choix difficile.Une des options a été reportée au final et tout est rentré dans l’ordre.
Pour en revenir aux solutions choisies dans ton exemple de l’anniversaire de Zoé et de Léa, je rajouterai la solution de choisir « les deux mon général! » Souvent en effet, on oublie qu’au lieu de 2 options on en a 3, A ou B ou A+B. Dans le cas de A+B ce serait un moment à l’anniversaire de l’une puis aller à celui de l’autre. Je ne dis pas que ce serait la meilleure des solutions mais cela en fait une autre et cela touche aussi la question de la quantité et de la qualité.
La question du choix est en effet un sujet vaste et hyper intéressant, je repensais bêtement aux émotions que cela peut susciter chez moi quand je dois choisir au restaurant. Je mets trois heures et je dois affronter la peur liée au risque d’être déçue! Je pense que le succès des restaurants type restaurant asiatique est lié qu’on annule le problème difficile lié au choix en permettant de tout goûter. Et en même temps, même si dans un premier temps on peut être séduit par la formule, je trouve que personnellement on gagne plus en qualité si justement on passe par des étapes de sélection pour ne retenir que l’essentiel dans son assiette et du coup être davantage dans la qualité. A méditer…
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