#Je suis Charlie … Les gentils et les méchants
Lorsque les évènements de janvier 2015 ont eu lieu, les enfants ont posé des questions. Et j’ai entendu/lu/vu beaucoup d’adultes dire
Des méchants ont tué des gentils
Les méchants et les gentils
Et je dois dire que je n’aime pas cette définition des évènements.
Ce que je crois, c’est que, quand on résume la situation à « des méchants ont tué des gentils« , on simplifie abusivement des situations et des êtres humains complexes. Et on donne une image bien simpliste du monde divisé entre les « gentils » et les « méchants« , le « bien » et le « mal« .
Et cette image, bien que séduisante et facile à manier, crée à mon avis plus de problèmes qu’elle n’en résoud.
Parce que évidemment les « gentils » doivent éliminer les « méchants » qui cherchent à détruire le monde « gentil ». Mais qu’est-ce qui fait la différence entre un gentil qui tue un méchant et un méchant qui tue un gentil ?
Et puis quelle est la définition du monde parfait ? Et quel prix est-on prêt à payer pour vivre ce monde parfait ? Y a-t-il des gens à sacrifier pour ce monde idéal ?
Ceux qui ont une idée précise de comment devrait fonctionner le monde pour être « bien » ont généralement une vision justement très dualiste : les « gentils » qui font tout bien comme il faut et les « méchants » qui font tout de travers. Qui décide qui pense « bien » ou « mal » ? Où commence la dictature dans ce cadre ?
En construisant un monde aussi manichéen que cela, on crée l’opposition, la lutte, le combat, l’exclusion. Parce que ces « méchants » qui ne font pas comme il faut, il va bien falloir les faire disparaitre ou les rééduquer pour qu’ils fonctionnent correctement … et là commence la morale. Et les problèmes aussi. Y compris sous couvert de bienveillance et de non violence.
J’ai constaté cela aussi dans le monde de la parentalité dite « bienveillante ». Ce dualisme y est présent là aussi, entre les « bons » parents qui ont compris et qui appliquent la « bonne éducation » et les « mauvais » parents qui, eux, pratiquent une éducation rétrograde. J’ai déjà ici dans l’article « les bons ou les mauvais parents » mon refus de cette vision simpliste, jugeante et manichéenne encore une fois.
Comment se faire aider quand on est considéré comme « mauvais » ?
Je pense même que c’est précisément cette vision dualiste qui empêche un grand nombre de personnes de pouvoir chercher à résoudre leurs problèmes. Si mon fonctionnement est jugé comme inadéquat, mauvais, je ne peux plus en parler. Je ne peux plus – ou difficilement – demander de l’aide … et je me prive donc du moyen même de le résoudre.
C’est ce que j’avais évoqué aussi dans l’article « Une mère digne de ce nom ne ferait jamais ça ». Croire que ce genre de comportements violents est le lot d’une minorité est une illusion. C’est au contraire en sachant que ces comportements sont en grande partie une question de contexte que nous pourrons le mieux nous en prémunir.
Et quel impact sur les enfants ?
Lorsqu’un enfant entend « des méchants ont tué des gentils« , il commence à voir le monde sous cet angle très manichéen. Il cherche à comprendre qui sont les méchants et qui sont les gentils. Il commence à classer et à catégoriser ceux qui l’entourent : les gentils/les méchants, les sots/les sages, les intelligents/les bêtes, les beaux/les moches, les populaires/les sans amis, …
Et ici précisément commencent l’exclusion et la moquerie.
Et puis l’enfant cherche à se classer lui-même dans l’une ou l’autre catégorie. Et là commence la peur de soi-même, la lutte contre la part émotionnelle en soi, pour tuer le « méchant » en nous.
Et en psychothérapie, cette lutte contre soi-même, cette tentative pour faire taire cette part émotionnelle en nous qui nous amène à avoir envie d’avoir des comportements irrationnels – violence, toc, crises de panique, … – est une des causes principales des problèmes que les êtres humains rencontrent.
Et si nous passions à une vision moins dualiste du monde ?
Et si nous nous réconcilions déjà avec nous-même pour commencer 🙂 ?
Ce serait un grand service à rendre à nos enfants ! Et il me semble que ce serait un grand pas vers un peu plus de bienveillance dans le monde en général …
Et chaque fois que les choses semblent se poser en l’opposition de 2 pôles, réfléchissons-y à 2 fois avant de tomber dans le piège de la dualité.
Et pour expliquer ces évènements dramatiques, peut-être pouvons-nous juste dire que parfois on croit très fort qu’on a raison. Et que, quand on croit très fort qu’on a raison, on veut que tout le monde pense comme nous. Alors on essaie de convaincre tout le monde. Mais quand des gens ne veulent pas nous écouter ou semblent faire exprès de faire le contraire de ce qu’on dit, on finit par penser que, si les choses vont de travers, c’est de leur faute. Alors on essaie de les faire changer ou de les faire taire à tout prix. Et que c’est précisément là que commence la violence. Non pas dans le bien et le mal mais dans la croyance que, pour avoir raison, il faut que l’autre aie tort … et dans l’idée que si l’autre ne partage pas mon point de vue, alors il suffit d’insister pour le convaincre.
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Ouhahou ! C’est tellement vrai ! Merci de partager avec nous ces analyses. Elles m’aident à faire grandir mes enfants … et moi aussi !!!
En plein dans le mille d’une des choses qui m’a beaucoup gênées quand on a parlé de cette fusillade à mes enfants en maternelle… On a beau remettre les pendules à l’heure autant que faire se peut ensuite, l’impact de la manière dont on leur en a parlé en premier est fort.
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