L’Ego un concept à mettre à la poubelle
L’Ego un concept à mettre à la poubelle. Oui, carrément. Vous pensez peut-être : « Non mais là, elle exagère.« . Non, je n’exagère pas. Je vous explique dans cet article de quoi on parle quand on utilise le mot ego et par quoi on peut très utilement le remplacer.
La notion d’ego existe dans 2 domaines distincts : la spiritualité et la psychologie. Les 2 ont des fondements et des implications différentes. Les confondre peut entrainer des risques réels.
« OK, mais distinguer spiritualité et psychologie ce n’est pas si compliqué . » Détrompez-vous : les spiritualités modernes cachent bien leur jeu. Elles se présentent comme du « développement personnel » ou des soins « alternatifs » par exemple. Et on n’y voit que du feu. Je parle de spiritualité car il s’agit bien de croyances, qui ne sont fondées sur rien d’autre que des opinions personnelles.
L’Ego dans la spiritualité (ou développement personnel), une notion très problématique
Dans ces nouvelles formes de spiritualité, l’Ego est une « fausse représentation de soi« , une sorte de masque interne qui nous empêche d’accéder à nos « vrais » désirs, notre « vraie » personnalité. Chaque approche y va de ses outils pour accéder à cette « vraie » nature, à ce « feu sacré » (ou n’importe quelle autre dénomination donnée à cette « vraie » nature) : les approches énergétiques, psychologisantes, certains tests de personnalité, la méditation, les affirmations positives, etc. Cette couche serait celle ajoutée à notre « vrai moi » par l’éducation, les normes sociales, le mental, etc. Et tout cela serait forcément nuisible et faux.
Une fois cet Ego « dissous », on accède enfin au plein épanouissement, à la pleine réalisation de son potentiel. Au paradis en résumé. La seule différence avec les religions classiques, c’est qu’ici, le paradis est promis pour cette vie-ci et non pour une hypothétique vie suivante. Séduisant et tentant non ?
Quel mal y a-t-il à développer sa spiritualité ? Absolument aucun … à condition que chacun reste à sa place. La spiritualité, c’est de l’ordre du religieux. Qu’une religion s’occupe de notre philosophie de vie, de l’éthique de nos actes, ça me va. Qu’une religion commence à prétendre prendre soin de notre santé mentale ou physique, c’est très problématique. Prendre en charge la santé sur base de faits non vérifiés est clairement dangereux, j’y reviendrai.
La chasse à l’Ego ou la chasse au paradis perdu ?
« Mais après tout, chercher à accéder à sa vraie nature, ça ne peut pas faire de mal. Tu cherches la petite bête là, non ?« .
Pour commencer, la notion de « paradis perdu » constitue un énorme piège pour notre cerveau : elle conduit dans une impasse psychologique qui ne mène pas au bonheur.
En effet, nous sommes en perpétuel changement (effet de la plasticité du cerveau). A quel âge alors dois-je situer le « vrai » moi ? A 2 ans ? à 10 ans ? à 14 ans ? à 20 ans ? à 30 ans ? Bref, vous avez compris le dilemme : chercher un « vrai moi » dans le passé n’a aucun sens. D’ailleurs chercher un « vrai moi » tout court non plus n’a pas de sens. Dans l’article « « qui suis-je ? » est une question absurde« , j’évoquais déjà l’impasse dans laquelle cette question conduisait.
Se poser des questions sur soi, expérimenter pour découvrir sur ce qui nous plait MAINTENANT, agir sur ce qui ne nous convient pas, ça marche (et encore faut pas en abuser !). Chercher à retrouver une « vraie nature », c’est prendre le très gros risque de se perdre dans une quête sans fin et de de passer à côté du pas mal de bonheurs. Là aussi vous pouvez lire en complément mon article « La chance, le bonheur et la satisfaction … A la poursuite du bonheur perdu« .
Ajoutez à ça que notre cerveau a la fâcheuse manie de s’habituer à tout. Plus une chose est habituelle et régulière, plus le plaisir qu’elle nous procure diminue. Donc le grand kiff perpétuel une fois qu’on aura enfin trouvé nos vrais désirs, c’est une grosse connerie. Qui peut mener à de très très grosses dépressions.
En bref, raison n°1 qui fait de l’ego un concept à mettre à la poubelle :
Imaginer qu’on peut retrouver son « vrai soi » est un chemin bien tracé vers l’enfer d’une torture psychologique sans fin.
L’Ego de la spiritualité, une vision profondément dualiste de l’humain
Autre problème : le caractère profondément dualiste de cette vision spirituelle de l’Ego (aussi appelé le mental ou « les peurs »). Considérer l’Ego comme un ennemi à abattre, c’est nous couper en 2 et perpétuer l’éternelle lutte entre le « Bien » et le « Mal ». Une part de nous devient mauvaise et il faut la combattre.
Je ne sais pas si cette façon de voir contribue au bien-être de certains personnes (par définition les gens qui vont bien ne viennent pas me voir). Par contre, je reçois TOUS LES JOURS à mon cabinet des gens qui se battent contre eux-mêmes et qui vont très mal. Ils font pourtant exactement ce qui est préconisé dans ces approches spirituelles : traquer les manifestations de leur Ego et chercher à les faire disparaitre.
Et je passe beaucoup de temps à leur rappeler que se battre contre soi-même est généralement une très mauvaise idée. La partie de nous qui gagne, certes, c’est nous. Mais la partie de nous qui perd, c’est encore nous. Un bon moyen de se créer de la souffrance.
Quant à penser que le mental serait nocif et les émotions positives, j’ai déjà abordé ce sujet dans l’article : « Il n’y a pas de différence entre émotions et raison« . De la même façon, l’idée que certains émotions seraient positives et d’autres négatives (portées par l’ego) est une vision inadaptée de notre fonctionnement. J’en ai parlé dans « Il n’y a pas d’émotions négatives« .
Raison n°2 pour faire de l’ego un concept à mettre à la poubelle
La vision dualiste qu’implique l’Ego au sens spirituel amplifie – et parfois crée de toutes pièces – des difficultés psychologiques.
Le risque est alors grand de se priver d’une prise en charge adaptée pour des difficultés bien réelles : troubles alimentaires (c’est l’Ego qui me fait manger trop), burn-out (c’est l’Ego qui me fait trop stresser), dépression (c’est l’Ego qui fait que je ne suis jamais assez heureuse), violences conjugales (c’est l’Ego qui m’empêche de voir les bons côtés de cette relation), etc.
Tant que je crois que c’est mon Ego qui est responsable de tout ça, je me bats contre moi et je ne vais pas vers une approche efficace.
Raison n°3 qui fait de l’ego un concept à mettre à la poubelle
« Oui mais » me direz-vous « peut-être les gens qui souffrent s’y prennent-ils mal … Ils ont besoin d’une aide pour y voir plus clair. » Oui, et c’est précisément un danger supplémentaire de ces approches spirituelles. Comme dans toute religion, il y a des « guides », des gens plus clairvoyants, plus avancés. Ces gens-là savent mieux que nous ce qui relève de l’Ego et ce qui relève de notre « vraie nature ».
La vision qu’implique la notion d’ego empêche d’accéder à une prise en charge adaptée.
Quand on est bien perdu dans cette bagarre contre soi (et on finit forcément par être perdu), c’est rassurant de trouver quelqu’un qui a des clés pour définir ce qui vient de l’Ego ou ce qui vient du « vrai moi ».
En passant, j’ai fait une petite recherche Google sur « comment savoir si c’est notre ego qui parle ou notre vrai moi« , c’est assez édifiant. Et ça, c’est la porte ouverte à l’emprise. Les coachs / thérapeutes / formateur.ices (devrais-je dire les gourous) dictent les attitudes qui relèvent de l’Ego et celles qui sont du « vrai moi ».
Se pose là une question cruciale : si ce que je ressens comme étant mon « vrai moi » ne correspond à la vision qu’en a le/la coach, c’est lequel le bon ? La contradiction est interdite : si on n’a pas la même vision, c’est forcément notre Ego qui parle.
Donc Raison n°3 pour faire de l’ego un concept à mettre à la poubelle :
Tel qu’il est défini, le concept d’ego implique des risques d’emprise et de prise de pouvoir par les gens qui prétendent le définir.
En résumé, à partir du moment où une approche considère une partie de vous comme un ennemi à abattre et vous incite à découvrir votre « vrai vous », c’est de la spiritualité déguisée et non de la psychologie.
Pour aller plus loin sur le sujet, je vous recommande les podcasts de Meta de Choc. Je vous mets en lien des épisodes particulièrement passionnants en fin d’article.
Et en psychologie, l’Ego est aussi mettre à la poubelle ou il y a un truc à sauver ?
En psychologie, l’ego (sans majuscule), c’est simplement la représentation qu’on a de soi. Ce concept-là est neutre a priori.
Cependant, par extension, le mot « ego » de la psychologie est devenu le synonyme de représentation fausse de soi (et plus généralement de sur-estimation de soi, cf le « gros ego » dont je parle plus bas).
Je suis très gênée par cette idée de représentation fausse (que ce soit en + ou en -). Notre représentation de nous-même est, par définition, fausse : notre cerveau évalue très mal les choses. Par exemple, notre jugement est modifié par les émotions ressenties au moment où nous jugeons. Donc avoir une vision « juste » de nous-même ne correspond à aucune réalité accessible. Et puis juste par rapport à quoi ou à qui ? QUI définit la vision « juste » et la vision « fausse » ?
Plutôt que raisonner en terme de représentation juste ou fausse, pourquoi ne pas nous demander plutôt si notre représentation de nous est plus aidante ou plus handicapante.
Et les gens qui ont des problèmes d’ego alors ??? Quand on dit « cette personne a des problèmes d’ego« , que fait-on ? attribue des problèmes relationnels à une qualité intrinsèque à la personne. Cette vision essentialisante ne permet pas d’accéder à une solution. C’est la faute de l’autre et basta.
Qu’est-ce qui se cache derrière css fameux « problèmes d’ego » ?
Ca vaut donc la peine d’aller voir ce qui se cache vraiment derrière ces fameux « problèmes d’ego ». Sinon on a un mot mais pas de solution.
Souvent, « les problèmes d’ego », c’est la conséquence d’un manque de compétences émotionnelles et relationnelles et de l’escalade relationnelle qui s’ensuit. Ca parle notamment des difficultés à réguler sa peur, sa honte et sa culpabilité d’une manière relationnellement adaptée. Ca donne quelque chose comme ça :
Je fais quelque chose de pas top.
➡️ J’ai honte de ce que j’ai fait ou j’ai peur des conséquences si ça se sait. Pour diminuer mes émotions désagréables, j’ai tendance à cacher ou minimiser ce que j’ai fait.
➡️ Quelqu’un me fait remarquer que j’ai fait ce truc pas terrible.
➡️ J’ai honte ou j’ai peur des conséquences, et pour diminuer mes émotions désagréables, j’ai tendance à cacher ou minimiser.
➡️ L’autre insiste, je freine (cf étape précédente) et finit par me reprocher d’avoir un problème d’ego, pensant souvent que c’est là le meilleur moyen de provoquer une réaction de ma part
➡️ Je suis agacée par ce que je perçois comme un jugement, je rejette la faute sur l’autre. Ma honte ou ma peur sont dissimulées sous la colère et je n’ai plus aucune raison de changer. Au passage j’ai appris que se mettre en colère permettait de réguler la honte et la peur. Début des « problèmes d’ego » à répétition, fin de l’histoire.
Ces fameux « problèmes d’ego » posent donc des questions sociétales sur l’éducation : comment on apprend à nos enfants à réguler leurs émotions en général et leur honte en particulier ? C’est une émotion sur laquelle j’ai déjà écrit plusieurs articles (voir dans les ressources). Ca pose aussi la question des stéréotypes culturels et de genre véhiculés autour de nous. Un exemple : les petits garçons étant moins incités que les filles à se montrer conciliants et dans le compromis dès la petite enfance, est-il surprenant que cette notion de « problème d’ego » semble plus présente chez les hommes que chez les femmes ? (pour en savoir plus sur ce sujet, je vous renvoie à mon article sur les stéréotypes de genre dans la petite enfance).
Je constate aussi autre chose : les « problèmes d’ego » de nos interlocuteurs se dissolvent très souvent dans nos compétences relationnelles (capacité d’écoute, de reformulation et de questionnement stratégique, utilisés avec éthique et bienveillance évidemment
Alors l’ego un concept à mettre à la poubelle ou pas ?
Vous l’aurez compris, l’ego est une notion finalement assez peu utile. A part créer des problèmes et fermer le dialogue, je ne vois pas très bien à quoi elle sert.
Et vous, en quoi vous est-elle utile 😉 ?
Pour aller plus loin au sujet de la vision spirituelle de l’Ego notamment, et des ressources permettant de faire autrement
Sur ce blog :
- les articles sur la honte, et notamment :
- La honte chez l’enfant, une émotion oubliée
- Le guide des Emotions : la honte compagne indésirable
- et la plupart des articles de la rubrique « Avec ses émotions »
- l’article « la pensée positive, si positive que ça ?«
- l’article « le bien-être au travail n’a pas que des avantages«
- et bien d’autres à découvrir sur ce blog !
Mon « Guide des Emotions » vous apportera aussi des outils supplémentaires sur la compréhension des différentes émotions.
Un livre à recommander absolument pour se sortir de toutes les croyances spirituelles sur l’ego et les émotions : « Eloge de la lucidité » d’Ilios Kotsou, à lire AB-SO-LU-MENT
Pour comprendre comment fonctionne la spiritualité moderne, je vous invite aussi à écouter le passionnant podcast « Meta de Choc« . En lien avec le thème de cet article, je vous conseille plus particulièrement les épisodes suivants :
- les 8 épisodes des « chroniques de la spiritualité moderne » disponibles ici
- et notamment la conférence donnée par l’autrice sur « les dangers de la pensée positive » qui résume très bien le propos.
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Bonjour c’est interressant néanmoins je suis tout à fait en désaccord avec votre point de vue general qui semble par ailleurs très binaire dans le sens dualiste au possible et très réactif.. il semble évident que bous confondez spiritualité avec pratiques mixée en tous genre..et que vous ́n »avez pas creusé la question