La relation enseignant-élève : ses liens avec la réussite scolaire
J’ai choisi cette semaine de commenter une étude Québécoise portant sur la relation enseignant-élève. Son titre :
« la relation enseignant-élève positive : ses liens avec les caractéristiques des enfants et la réussite scolaire au primaire »
Bien que cette étude ait été menée au Québec, je pense que ses résultats sont tout à fait transposables à ce qui se passe chez nous.
Vous trouverez le texte original de l’étude ici.
Le premier constat fait par l’étude est le suivant :
«Ainsi, les élèves qui font l’expérience d’une relation positive avec leur enseignant obtiennent de meilleurs résultats et font preuve d’une motivation et d’une participation plus grandes en classe (…). De plus, ces élèves possèdent un plus haut niveau de compétences sociales et adoptent davantage de comportements appropriés en classe (…). Des études révèlent aussi que ces relations sont susceptibles d’influencer l’adaptation comportementale et affective des enfants ainsi que leur motivation à investir dans leur apprentissage scolaire (…). En fait, une relation chaleureuse et ouverte entre l’enseignant et l’élève favoriserait le fonctionnement social, affectif et scolaire de l’enfant, tandis qu’un niveau élevé de conflits et de désaccords entre l’enseignant et l’élève nuirait au développement de ce dernier (…). Enfin, une relation enseignant-élève positive au cours des premières années du primaire est associée à de multiples indicateurs de réussite éducative à long terme, non seulement sur le plan scolaire (…) mais aussi sur le plan socioaffectif (…)»
Tous ces constats sont appuyés sur de multiples études … La question que je me pose est quand même : est-il nécessaire de faire des études aussi multiples et complexes pour se rendre compte qu’une bonne relation enseignant-élève facilite l’apprentissage, donne confiance et permet de réussir ?
Parfois je suis surprise du temps et de l’argent dépensé pour constater ce qui me semble être une évidence …
La relation enseignant-élève comme le résultat d’une interaction
N’aurait-il pas été plus intéressant de chercher ce qui constitue une bonne relation enseignant-élève ? De comprendre les éléments qui la constituent afin d’aider les enseignants dans leur métier pour qu’ils puissent construire cette bonne relation avec leurs élèves ?
Enfin bref … Je suis surprise aussi de lire que l’étude fait le constat que :
«la qualité de la relation enseignant-élève n’est pas seulement fonction des habiletés relationnelles de l’enseignante mais est aussi le résultat d’un processus interactif entre celles-ci et les caractéristiques des élèves»
Tiens donc … La relation serait le résultat d’une interaction 😉 …
Oui une relation est interactionnelle, cela me parait une évidence mais visiblement, ce n’en est pas une pour tout le monde.
Une relation se construit à 2 et chacun a sa part de responsabilité dans cette relation et ses caractéristiques. Aucun des 2 n’est entièrement responsable des difficultés rencontrées mais chacun peut contribuer à ce que les choses s’améliorent. C’est évidemment aussi le cas pour la relation enseignant-élève.
Qui est l’adulte dans la relation enseignant-élève ?
Ceci dit, concernant les enfants, il me parait plus logique de penser que les adultes ont plus de responsabilités concernant la relation et que ce sont eux qui doivent faire l’effort de changer leur fonctionnement pour améliorer les choses, l’enfant n’ayant ni le recul ni les compétences pour le faire. Les enfants ne sont pas des adultes en miniature. A trop attendre d’eux des choses irréalistes nous les maltraitons. J’en ai parlé dans l’article « quand nous attendons des enfants qu’ils se comportent comme que des adultes« .
Là encore, donner des clés aux enseignants pour les aider à savoir créer une relation positive et constructive, même avec des élèves «difficiles», permettrait de favoriser un climat positif favorisant la réussite scolaire des enfants. Savoir créer une bonne relation enseignant-élève n’est pas une opération magique. Cela requiert des connaissances et des compétences qui peuvent s’acquérir.
Un constat d’inégalité est fait aussi dans cette étude qui été plus surprenant à mes yeux :
«D’autres caractéristiques des enfants (ex. : le sexe) et de la famille (ex. : le statut socioéconomique) ont aussi été identifiées comme étant associées à la qualité de la relation enseignant-élève. Ainsi, les enseignants entretiendraient de moins bonnes relations avec les garçons et les enfants issus de milieux moins favorisés»
En gros, comme aurait pu le dire Coluche, mieux vaut être une fille riche qu’un garçon pauvre pour réussir à l’école … Bonjour l’égalité :-/ … Mais là encore, des clés pour savoir construire une relation constructive et positive pourrait aider énormément à dépasser ces difficultés.
Mais le plus intéressant est à venir :
«Ces analyses révèlent, une fois les autres caractéristiques considérées, que seuls les comportements d’inattention et les problèmes émotifs sont significativement associés au sentiment de confiance et d’efficacité de l’enseignant»
Cela signifie pour moi que les enseignants se sentent moins efficaces et moins en confiance lorsque l’enfant a des comportements qui les mettent en échec professionnellement.
Se sentir confiant et compétent est important pour la relation enseignant-élève
Cela parait assez logique : lorsque vous êtes confronté à un enfant qui ne fonctionne pas «comme les autres» et où votre approche habituelle ne donne pas de résultats, il y a de quoi se remettre en cause professionnellement, surtout si on a coeur de faire bien son métier et de donner leur chance à tous les enfants.
Et cela me confirme que c’est là que nous devons faire porter nos efforts car l’étude montre clairement que :
«le sentiment de confiance et d’efficacité ressenti par l’enseignant est associé positivement au rendement scolaire de l’enfant vers l’âge de 10 ans et cela, même en tenant compte du sexe, du niveau de revenu du ménage et de problèmes de comportement.»
En gros, si l’enseignant se sent en confiance et compétent dans la relation avec un enfant, quel que soit son sexe, son milieu social, ses difficultés de comportement, alors l’enfant réussit mieux à l’école et vice-versa (on en revient à l’aspect interactionnel de la relation).
Comment construire une relation enseignant-élève positive ?
En gros, donnons aux enseignants des outils pour mieux gérer les relations avec leurs élèves, donnons-leur de vraies compétences relationnelles et communicationnelles, montrons-leur que nous leur faisons confiance et nos enfants réussiront mieux à l’école !
L’aspect des compétences relationnelles, émotionnelles et communicationnelles est très peu, voire pas du tout abordé dans la formation, si j’en crois les enseignants avec qui j’échange régulièrement autour de la communication.
Et je crois sincèrement que les efforts de l’Education Nationale devraient porter principalement autour de ces aspects.
Mon expérience personnelle et professionnelle me dit qu’une fois ces compétences de base relationnelles acquises, la partie pédagogique est énormément facilitée et qu’il ne s’agit alors que d’une question «technique» beaucoup plus facile à régler puisqu’il est plus facile de transmettre à quelqu’un avec qui on a déjà une bonne relation …
Pour moi, il s’agit d’apprendre les outils qui permettent de construire les bases d’une relation ouverte et respectueuse.
Ces formations et ces outils existent déjà mais supposent pour beaucoup un changement de point de vue profond sur la façon de considérer l’autre en général et l’élève en particulier.
Ce n’est sans doute pas le plus facile mais lorsqu’on constate à quel point cela facilite et améliore la vie au quotidien, ce choix mérite d’être considéré.
Alors à votre avis, rêve ou utopie les formations à la communication et une approche vraiment interactionnelle de celle-ci pour les profs ?
Pour aller plus loin à propos de la relation enseignant-élève
Sur ce blog :
- Tu verras, c’est super l’école : comment rassurer un enfant inquiet
- A propos de harcèlement scolaire :
- A propos de la relation aux enfants : tous les articles de la rubrique Education
Quelques livres (liens affiliés) :
Merci Sandrine pour cette réflexion. Pour moi ce n’est pas une utopie puisque certains profs se sont déjà lancés dans cette belle aventure. Je vote pour l’effet ‘boule de neige’ positif d’ici 5 à 10 ans.
Certains chercheurs québécois sont très en avance sur nous concernant l’adaptation socio-scolaire de l’enfant. Ils observent, étudient, utilisent des méthodologies adaptées, des statistiques inférentielles non-linéaires et non-paramétriques, qui permettent de mieux comprendre les constellations de facteurs façonnant les trajectoires développementales.
Cela leur évite de donner la parole à des pédopsychiatres surmédiatisés qui assènent leurs vérités sans aucune autre argumentation solide que leur croyance théorique. Ainsi, un certain S. C. a t’il prétendu que si les filles réussissaient mieux à l’école que les garçons, c’était une conséquence de la sur-représentation des femmes dans le corps enseignant, ceci nuisant aux processus d’identification des garçons, etc… Du blah-blah résultant d’une application pure et simple d’une grille de lecture issue du modèle psychanalytique, et que les études infirment depuis des lustres.
Les enseignants n’ont pas de cours de pédagogie et la psychologie de l’enfant demeure un enseignement optionnel… Bien que le contexte scolaire et socioculturel soit assez différent entre le québec et la france, les résultats de ces études devraient permettre de construire un corpus d’enseignement obligatoire pour tous les futurs enseignants et éviterait ainsi bien des maladresses.
D’autres études québécoises montrent que le système à considérer est plutôt enseignant-élève-parents, et que c’est en agissant sur cette relation triangulaire que l’on peut davantage modifier les potentialités d’adaptation socio-scolaire et cogntives de l’enfant.
Merci pour ce commentaire détaillé et auquel j’adhère totalement !
Je cotoie beaucoup d’enseignants qui suivent les ateliers que j’anime à titre personnel mais tous me disent que ce qu’on leur enseigne de la psychologie de l’enfant n’est quasiment pas utilisable en classe.
On leur inculque la plupart du temps des notions psychanalytiques mal digérées qui ne les aident pas au quotidien.
Il est temps effectivement que la formation des enseignants change 😉 …
Et l’approche des parents autour de l’école aussi bien sur !
Au plaisir d’échanger avec vous à nouveau !
C’est une bonne réflexion que vous lancer. Il y a une grande différence entre la théorie et la pratique et pour que l’enseignant soit bien former il doit être formé lors de cas réels.
Une formation peut permettre de se former au travers de jeux de rôles et permettre aussi, par son format, des mises en pratique « réelles » avec un suivi lors de la session suivante. C’est de cette façon que je conçois ce genre de formations en tout cas.
Si ce type de formation vous intéresse, j’en propose autour de la relation adulte-enfant – voir sur http://www.scommc.fr – et mes collègues du CRISS – http://souffrance-scolaire.fr – en proposent de plus spécialisées encore autour du harcèlement et de la souffrance scolaire.
Merci pour cet réflexion, c’est très intéressant!!