l’enfant, le pré-ado ou l’ado râleur, comment gérer ?

Bientôt les vacances ! « Chouette » nous disons-nous, « Plus de contraintes horaires, des activités cool pour faire plaisir aux enfants … Enfin de bons moments en perspective !« .

Ce qui est, si j’en crois mon expérience, une position remarquablement optimiste. Tout parent doté de pré-ados – ou d’ados, ou simplement d’enfants râleurs – comprendra que je parle de cet âge merveilleux auquel presque tout ce que nous proposons est forcément nul et non avenu. Forcément car nous sommes de vieux cons des gens qui ne comprennent rien aux intérêts de la nouvelle génération.

Comme tout bon parent attentif à ses enfants, généreux – et optimiste donc ! – nous organisons de sublimes sorties en famille. Un bel endroit, des activités diverses possibles, le beau temps. Nous mettons toutes les chances de notre côté pour que tout le monde y trouve son compte.

Pas de bol, l’enfant/le pré-ado/l’ado (rayez la mention inutile ou gardez les 3 si vous avez les 3) ne voit pas cette fantastique sortie du même oeuil que nous. Et il nous le fait savoir. Clairement. Il – elle si c’est une fille, la râlerie n’étant pas genrée – râle, soupire, traine la patte.

C’est nul.

Y a même pas de wifi.

C’est trop dur (version pour la rando)

L’eau est trop chaude/froide (versions pour la plage)

Y a personne d’intéressant.

En variante enfant, voire bambin, ça peut donner :

je veux pas faire le manège.

ou bien simplement un enfant qui rechigne à aller se baigner, qui ne joue pas avec sa ribambelle de jeux de plage et ne s’intéresse aucunement à toutes les possibilités extraordinaires que lui offrent cette sortie.

enfant et pré ado raleur comment gérerQuel manque évident de reconnaissance pour notre investissement parental ! Quelle frustration – ou quelle inquiétude ! – d’avoir un enfant qui ne sait pas profiter des chouettes moments de la vie ! On peut même à se demander si nos enfants ne sont pas dépressifs à les voir agir de la sorte.

Les ados frustrés, quelle frustration !

Et cette frustration teintée d’inquiétude nous amène assez classiquement à essayer de convaincre notre enfant/ado qu’il/elle a absolument tort. Nous tentons désespérément de lui ouvrir les yeux sur tous les (très) bons côtés du merveilleux endroit que nous avons choisi. Les superlatifs sont alors de mise pour faire prendre conscience à l’enfant de la formidable chance qu’il a d’être là.

Mais, à l’évidence, cela ne fonctionne pas vraiment. Nous n’obtenons généralement à ce régime que plus de râleries, ou bien un silence agaçant, voire même des pleurs chez les plus petits. Ce qui ne fait que nous agacer et/ou nous inquiéter encore plus. Notre ballon émotionnel commençant à déborder, nous sommes tentés d’insister lourdement à coup de culpabilisation :

Vous ne vous rendez pas compte de la chance que vous avez ! Y a plein d’enfants qui ne sortent jamais de chez eux !

Ou encore

Puisque c’est comme ça, je ne fais plus rien avec vous ! Vous vous ennuyerez et vous regretterez toutes ces sorties. Ce sera bien fait pour vous !

Si, sur le fond, cette dernière phrase est tout à fait juste, elle est aussi tout à fait inutile. Oui, on profite mieux des bonnes choses quand on en a été privé. Mais on n’a jamais vu un ado, ni même un enfant, s’écrier après ce genre de tirade : « oh oui, chers parents, heureusement que vous êtes là pour me faire prendre conscience de mon ingratitude et de ma fâcheuse tendance à me plaindre régulièrement !« . Mais nous ne pouvons pas nous empêcher de le dire, au cas où l’exception commencerait par nôtre enfant :-). Sait-on jamais …

Parent essayant désespérément de dérider un ado frustré et râleur … Gare aux coups de griffe !

via GIPHY

Et si les ados étaient frustrés justement parce qu’on essaye de leur prouver qu’ils ont tort d’être frustrés ???

Si leur agacement venait du fait que nous essayons de leur dicter ce qu’ils doivent ressentir ? lls doivent avoir du plaisir, alors même qu’ils n’en ont pas. Ils doivent faire semblant de s’amuser même s’ils ne s’amusent pas. Comme s’ils devaient s’amuser comme NOUS l’avons imaginé.

Nous avons raison d’avoir envie d’un peu plus de reconnaissance pour nos efforts ; nous avons raison aussi d’avoir envie que nos enfants apprécient ce qu’ils ont. Mais le plaisir ne se décrète pas, pas plus que le désir ! Plaisir et désir n’obéissent jamais aux ordres.

Chaque injonction à apprécier et à s’amuser … devient précisément un obstacle précisément à savourer et à profiter.

Alors il faudrait juste être à l’écoute de leurs émotions ?

Ce n’est pas forcément suffisant non plus – ou alors il faut une dose de patience qui ne m’est pas accessible. Dans ces situations, écouter donne à l’enfant l’espoir que nous allons changer d’avis. Alors il déverse, il déverse, il déverse … et rien ne se passe. Où plutôt ni lui, ni nous n’observons de changement : nous ne changeons pas d’avis, il se plaint toujours. Et tout le monde est frustré. Jusqu’au moment où l’un des 2 finit par craquer. Généralement nous, qui arrivons à bout de patience. Nous risquons alors d’être plus violents qu’il ne faudrait …

Et surtout, surtout l’écoute seule n’est pas forcément responsabilisante.

Etre toujours écouté peut créer une sorte de dépendance, voire de dévalorisation : « quand il n’y a personne pour m’écouter, je ne suis pas capable de gérer, de prendre du recul. « . Cela peut même créer une sorte d’angoisse des émotions : « les émotions sont tellement difficiles à gérer qu’il me faut impérativement quelqu’un pour m’aider.« . Ou complètement dé-responsabiliser : « ce sont les autres qui doivent m’aider à trouver des solutions, moi je ne peux pas.« . Il peut aussi y avoir quelque chose du ressassement. On l’observe chez les personnes déprimées, voire dépressives, qui ont tendance à se plaindre beaucoup et à beaucoup parler de leurs problèmes autour d’elle. Quand on leur demande si ça les aide, elles répondent « oui, à court terme en tout cas. Il y a des gens qui sont là pour m’écouter … mais à long terme, bof. J’ai l’impression de toujours ressasser les mêmes problèmes et j’ai l’impression que ça m’enfonce encore plus. »

Avec les ados frustrés, comment concilier écouter et responsabilisation ?

Il existe pourtant un moyen d’allier écoute et responsabilisation … En montrant à l’enfant qu’il a le choix ! Mais attention, en lui posant un vrai choix, avec les avantages et les inconvénients de 2 options proposées. Et étant préparé à la possibilité qu’il choisisse la voie qui nous semble la plus mauvaise (et avec les ados, c’est généralement ce qu’ils font les premières fois, juste pour vérifier que nous leur laissons vraiment le choix).

La dernière fois qu’une situation similaire m’est arrivée, j’avais emmené mes enfants en randonnée en montagne. Ils aiment généralement beaucoup cela. Ce jour-là, nous étions en vacances dans un camping, près de chez mes parents, un camping qu’ils affectionnent tout particulièrement. Il faut dire que c’est un vrai petit paradis pour les familles ! Quand ils sont là-bas, ils voudraient y passer leurs journées entières. Mais ce jour-là, j’avais donc prévu une randonnée.

Ils sont montés dans la voiture tant bien que mal. Ils n’ont rien dit du trajet (une performance soit dit en passant !). Mais arrivés sur place, ils ont commencé à se plaindre dès la sortie de la voiture : « j’ai pas envie« , « j’ai mal aux pieds », « c’est trop loin« , « on voulait pas venir, on voulait rester au camping« , etc, etc.

Leur grand-mère, pleine de bonne volonté, commençait à leur dire qu’ils allaient trouver ça top, que la balade était très jolie, qu’ils auraient une super belle vue d’en-haut … Peine perdue, ils râlaient de plus en plus, insistant sur le fait que la journée allait être pourrie, qu’elle aurait été bien meilleure s’ils étaient restés au camping et qu’on n’avait qu’à faire la balade sans eux.

Je suis donc intervenue pour leur montrer que j’avais compris à quel point ils étaient déçus. Mais aussi pour leur faire passer le message qu’ils allaient devoir faire avec leur frustration :

Les enfants, votre journée est pourrie. Mais genre vraiment pourrie : vous ne pouvez pas voir vos potes du camping, ni faire du trampoline toute la journée. Donc oui, c’est vraiment pourri !

Maintenant, vous avez le choix. Soit vous faites en sorte que cette journée soit pourrie de chez pourrie en râlant, en pestant. Alors nous allons être fâchés contre vous, nous allons râler aussi, voire même vous gronder. Et alors oui la journée sera vraiment mais vraiment pourrie.

Soit vous essayez de faire en sorte que la journée soit un tout petit moins pourrie que pourrie. Mais vraiment un tout petit moins. Pour ça, il va falloir que râliez un peu moins et que vous commenciez à marcher. Il y a une toute petite chance que ça améliore les choses, mais ce n’est pas garanti.

Je vous laisse choisir. Pendant ce temps, je marche devant avec mamie.

A noter : il est essentiel d’avoir l’air le plus détendu possible lorsqu’on dit cela ! (je vous accorde que ce n’est pas le plus simple, d’où l’idée de le faire quand votre émotion à vous n’est pas encore trop haute)

ado râleur comment gérer : la puissance du choix

Nous sommes donc parties, en évitant soigneusement de nous retourner (mais en jetant quand même un coup d’oeil en cachette mine de rien, genre je regarde le paysage). Ils se sont assis sur un tronc d’arbre, l’air maussade. Ils nous ont regardé nous éloigner, l’air mauvais, en se massant les pieds. Quand nous sommes arrivées à une distance suffisante pour qu’ils puissent se relever sans perdre la face (ou pour qu’ils commencent à s’inquiéter), ils se sont relevés et ont marché la tête basse et l’air accablé. Comme la montée était rude, nous les avons attendus quelques minutes un peu plus haut pour leur donner de l’eau. Ils ont bu sans mot dire – et sans maudire non plus d’ailleurs.

A noter : essentiel aussi le détachement et l’absence d’intérêt pour le choix que fait l’enfant ! Chaque attention que vous portez rajoute une occasion de repartir dans le sens de la râlerie … Et prouve aussi que nous ne leur laissons pas un VRAI choix et que nous ne leur faisons pas confiance mais que nous les contrôlons encore.

Nous avons poursuivi notre marche, nous devant papotant gaiement, eux derrière trainant la patte. Au bout de 20 minutes de ce petit jeu, nous avons soudainement été dépassés par 2 mini-chevaux au galop qui exploraient les alentours du sentier en se prenant pour la maman jument et son poulain. Ils ont fait l’intégralité de la randonnée en courant (3 heures quand même) et ils étaient ravis à l’arrivée.

Les responsabiliser est dans ce cas une bonne manière pour eux de voir à quel point ils se pourrissaient la vie tout seuls. Et arrêter de ressasser leurs ressentiments.

A noter : Primordial encore : NE SURTOUT PAS faire remarquer à l’enfant qu’il a finalement passé une bonne journée pour lui prouver que vous aviez raison et qu’il valait mieux arrêter de se plaindre ! Sinon vous mettez par terre tout le beau travail de responsabilisation accompli ! Les leçons les mieux retenus sont celles qu’on apprend tout seul 🙂

Cela nous évite aussi à nous, parents, de nous énerver face à des enfants aussi déraisonnables … Mais cela suppose aussi de prendre le risque que nos enfants fassent « le mauvais choix » (ils auraient pu continuer à râler).

Seriez-vous prêts à tenter l’expérience du choix avec vos pré-ados, ados et enfants lors de leur prochaine râlerie ?

Et je prévois un article sur les enfants qui râlent … mais qui en fait ont le trouillomètre à zéro 🙂 …


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Ados et enfants frustrés et qui râlent : pour aller plus loin !

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6 thoughts on “l’enfant, le pré-ado ou l’ado râleur, comment gérer ?

  • 5 juillet 2017 à 18:01
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    héhé !
    c’est un peu ma maniere de faire :p
    qu’auriez vous fait si les enfants etaient restés en bas ?
    🙂

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    • 6 juillet 2017 à 15:18
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      J’aurais continué à marcher 🙂 …
      Ils étaient en sécurité en bas. Ils auraient y rester si c’était leur choix (et se seraient royalement ennuyés :-D, ce qui était juste parfait pour une prochaine randonnée).
      Mais, comme j’en avais fait le pari, ils ont avancé lorsque la distance entre eux et nous a été suffisante :-).

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  • 2 août 2018 à 16:33
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    Bonjour Sandrine, suite à votre défi du mois de Juillet, je’en suis venue à lire cet article que je trouve, comme toujours, très claire et pertinent. Sauf qu’une question m’est venue: pour moi, si j’avais été confrontée à la même situation, le fait de leur laisser le choix aurait été, avant de monter dans la voiture de leur laisser le choix de la ballade ou le choix de rester au camping, et bien sur ils auraient choisi le camping! sauf que moi j’aurais été hyper frustrée de partir faire une rando sans eux puisque c’était précisément une sortie dans le but d’un partage familial! Mais là ça aurait été un vrai choix, et pas qu’à mon avantage… Tout ça pour dire que si je vais en camping avec ma petite famille et que mes enfants se font des amies, je sais pertinemment que si je leur laisse le même choix que celui que vous leur avez proposé je ne suis pas vraiment honnête avec mes enfants car je sais que forcément eux ils préféraient rester au camping! Conclusion: comment faire pour leur présenter les choses de façon à être honnête et avec eux et avec soi?

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    • 2 août 2018 à 22:18
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      Bonsoir

      Je suis très honnête avec eux : ce jour-là, il n’était pas acceptable pour moi de les laisser au camping. Le choix que je leur propose est de choisir entre se pourrir la journée pour de bon, sachant qu’elle est vraiment pourrie à la base puisqu’ils ne font pas ce qu’ils voulaient et profiter malgré tout de ce qui leur est offert.
      Je n’ai aucun remord à imposer des choses, notamment lorsque je sais que si je n’impose pas, cela va ME rendre désagréable et agressive. Ca peut être aussi le cas quand je limite les écrans ou la consommation d’aliments gras, sucrés et industriels.

      Je me sens tout à fait honnête dans cette situation. Je fais en sorte d’avoir un contexte qui me permette de rester bienveillante avec eux malgré tout. Un autre jour, j’aurais pu faire un autre choix.
      Je n’ai pas de baguette magique et aucun moyen de trouver à tous les coups une solution qui satisfasse pleinement tout le monde.

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