Et si on communiquait autrement entre parents et enseignants ?
Il y 3 semaines, 21 jours jour pour jour, votre enfant a fait sa première rentrée. Ce jour-là, malgré un peu de stress, c’était (presque) le monde des bisounours. Tout le monde il était beau, tout le monde il était gentil : la maitresse avait l’air trop sympa, les copains trop mignons, votre enfant très heureux de faire ses débuts dans le monde des grands, youpi tralala, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes …
Oui mais voilà, patatras ! Le bonheur fut de courte durée : l’instit’ a crié, les autres ont bousculé, l’enfant pleure tous les matins, … Il ne veut plus y aller, il hurle peut-être même à vous en fendre le coeur quand vous le déposez. Et quand on dit le mot « école » apparait sa moue déconfite …
Ecole = lieu où la pureté de notre enfant va se corrompre au contact d’un monde vil et malfaisant
Et vous voilà, le bide tordu et la larme à l’oeuil, persuadé-e de l’abandonner dans la gueule du loup.
Que faire, à part noyer sa culpabilité dans des litres de café ou sous le gras et le sucre du pain au chocolat ? Que faire à part pleurer dans sa voiture ou appeler les copines pour leur avouer notre désespoir ?
Doit-on écouter son enfant, réagir vivement auprès de l’instit’ et/ou des autres enfants ? L’enfant se sentirait soutenu et entendu si on fait ça. Mais il peut aussi entendre « Danger grave à l’école ! » (Ben oui, si les parents interviennent, c’est que c’est grave !). Et alors on aggrave la situation alors que ce n’était peut-être qu’un mauvais moment à passer …
Doit-on alors minimiser ce qu’il vit ? On pourrait lui dire qu’il s’écoute un peu trop, que ce n’est pas si grave … Ca pourrait l’aider à passer par dessus ces petits tracas. Oui mais ne va-t-il pas se sentir abandonné face à des situations difficiles si on fait ça ?
Autant de questions qui nous trottent dans la tête toute la journée (et la nuit), rendant les lendemains matins encore plus difficiles (à tous points de vue) …
Soyons sérieux 2 minutes : est-ce qu’on n’aurait pas un peu survendu le truc de l’école ? Vous savez genre « ah mais ça va être trop génial l’école ! Tu auras plein de super copains et tu vas apprendre plein de trucs !!!« .
Dans notre bonne intention de donner envie à l’enfant, on a peut-être un peu trop idéalisé l’école. On a un peu oublié de lui dire au passage que bon oui, globalement ça peut être super chouette. Mais aussi que c’est pas forcément rose tous les jours. Et du coup, il est d’autant plus déçu qu’il s’attendait à un truc trop génial alors que, en vrai, y a du bon et du moins bon.
Pas forcément du traumatisant et du gravissime. Mais du pas très confortable, voire du désagréable.
Pour le prochain enfant – ou la prochaine rentrée – pensez à lui demander comment il voit les choses lui de son côté avant de l’inciter à voir tout en rose. Des livres pour enfant peuvent aider aussi (voir en fin d’article).
Mais ce qui est fait est fait. La rentrée est passée, l’enfant va à l’école, il pleure et va falloir gérer …
Avec l’enfant qui a du mal avec l’école, on fait quoi ?
Ecouter l’enfant raconter ce qui a été difficile est une bonne chose. Pas question de lui laisser porter ses émotions difficiles seul sans aide. Mais lui demander ce qu’il a aimé ensuite est aussi une façon de l’aider à prendre un peu de recul.
Astuce : si l’enfant a vécu la journée comme vraiment pourrie, il se reconnaitra mieux dans la formulation « qu’est-ce qui a été le moins pire ? » plutôt que dans « qu’est-ce que tu as bien aimé ? » (il risque de répondre « rien !!!« )
Parfois, l’enfant nous raconte un évènement. Et son récit nous fait monter la moutarde au nez !!! Nous voilà prêt-e à bondir et à sortir nos griffes pour défendre notre petit face à l’horrible monde qui l’entoure. Pourquoi ne pas prendre le temps de simplement lui demander « Et toi, tu en penses quoi de ce qui s’est passé ? » …Vous seriez surpris-e du nombre de fois où l’enfant répond « Oh ce n’est pas très grave » ou bien « il jouait, il ne m’a pas vu » ou encore « La maitresse était fatiguée mais elle est gentille quand même. »
Cela vous permettra de montrer votre écoute, tout en aidant l’enfant à faire la part des choses en grande partie de lui-même. C’est une compétence utile pour s’adapter au monde et apprendre à se révolter contre ce qui est vraiment injuste.
Et garder en tête qu’une aide imposée peut parfois faire plus de mal que de bien à celui qu’elle est censée aider.
Parent/enseignant, comment un conflit monte plus vite qu’une mayonnaise …
L’instit’ n’a peut-être pas du tout les mêmes convictions que vous en matière d’éducation. Ou peut-être que si. Vous n’en savez rien a priori.
Mais une chose est sûre : aborder l’instit’ bille en tête pour lui démontrer par
Céline Alvarez + (Isabelle Filliozat x les neurosciences)
qu’il/elle s’y prend mal n’est probablement pas la meilleure façon de régler le problème.
Si vous êtes persuadé-e que les instits en général n’y connaissent rien au développement de l’enfant, n’utilisent que des méthodes rétrogrades et traumatisent l’enfant, ça transpire avant même que vous ayiez ouvert la bouche … Et c’est dommage. Parce qu’alors la relation ne part pas sur de bonnes bases. Le climat général de prof-bashing actuel n’aide ni les parents, ni les enseignants, ni les enfants à nouer des relations sereines.
Quelque chose semble se passer mal pour notre enfant : l’inquiétude et la colère viennent gonfler notre ballon émotionnel. Zou, sur le champ de bataille ! Il faut absolument faire cesser cette torture inacceptable pour nos trésors. Sonnez trompettes, résonnez cors et tambours : l’autre partie – l’instit’ donc – doit prendre bien conscience de la gravité de la situation et y apporter illico la réaction appropriée (donc celle que NOUS espérons) !
Mais vous êtes vous déjà demandé-e ce qui se passait de l’autre côté ? Quand vous dites « Vous vous rendez compte ? vous avez puni mon enfant ! Vous pensez vraiment que ça va l’aider à changer de comportement ?« , ou même si simplement vous vous raidissez quand il/elle vous fait une remarque sur votre enfant, tout en pensant très fort « je ne vais surement pas faire ce qu’il/elle me dit.« , à votre avis, quelle conclusion en tire-t-il/elle ?
Je vous fiche mon billet que sa réaction ressemble à : « Encore un de ses parents qui prend le parti de son enfant et qui connait mon métier mieux que moi ! C’est pas gagné pour pouvoir travailler correctement cette année« . Et que sa prochaine résolution sera « Je vais devoir être encore plus ferme et intransigeant-e avec ces parents pour que ça marche.« . Et que vous savonnez la planche pour vous-même … et pour tous les parents à venir.
Donc bingo ! l’escalade vient de démarrer ! L’enseignant se sent agressé et incompris. Il insiste pour vous faire entendre son point de vue. Il le faut bien : on ne peut pas s’expliquer avec quelqu’un d’aussi émotionnel que vous. Plus vous montez dans les tours, plus l’enseignant-e se rigidifie. Plus il se rigidifie, plus vous avez la preuve que les enseignants sont vraiment des incompétents qui n’y connaissent rien à l’éducation, plus vous devenez agressif et émotionnel.
Plus vous tentez de faire prendre conscience à l’enseignant de son incompétence, plus vous activez ses défenses et moins il peut vous écouter.
Et boum la cocotte minute est en route, soupape bloquée. L’explosion sera pour bientôt, décembre au plus tard …
Et évidemment, l’inverse est vrai ! Du côté des enseignants aussi le ballon émotionnel en prend un coup. Oui, enseigner c’est stressant. Non, il n’y a pas de méthode magique du type « yaka » qui marche à tous les coups malgré ce que certains voudraient nous faire croire. Oui, gérer un groupe c’est complexe. Ajoutez à ça le prof-bashing et voilà l’instit’ sur la défensive avant même d’avoir dit bonjour au premier parent, en mode « pourvu que ça se passe bien cette année ! »
Et hop, on réagit au quart de tour à des reproches même pas encore formulés au lieu de répondre à l’émotion sous jacente avec empathie. Et du coup, quand le parent dit « mon enfant dit que ça se passe mal en classe », on répond « Ne vous inquiétez pas, ce n’est rien » en pensant « encore un qui écoute trop son enfant. Je ne suis pas sorti-e de l’auberge !« . Ce que le parent prend évidemment comme une preuve de votre incapacité à être empathique et à accueillir les émotions, les siennes et celles des enfants.
Vous la voyez l’escalade gros comme une maison ? Le parent se sent incompris, il pense que vous ne mesurez pas l’importance du problème. Donc il va se persuader que vous êtes incompétent-e et du coup grossir le trait : il le faut bien puisque vous minimisez !
Et plus il grossit le trait, plus vous vous renforcez dans votre conviction qu’il exagère et vous vous tentez désespérément de lui faire entendre raison …
Dans quelques semaines, le conflit sera ouvert et probablement violent.
Faut dire que, question communication, vous n’êtes pas très aidés dans l’Education Nationale, j’en avais déjà parlé par ici …
Comment on s’en sort pour mieux communiquer entre parents et enseignants ?
Et si les parents disaient simplement : « Je vous fais confiance pour gérer ça au mieux dans la classe. N’hésitez pas à me dire ce qui ne va pas. » ? Même si vous n’en pensez pas un mot, même si jusque là vous étiez dans une relation conflictuelle. Vous n’imaginez pas combien d’enseignants réputés ultra-ridigides et coincés dans leurs certitudes ont fini par se transformer en prof « pas si mal que ça finalement ».
Et si les instits disaient en substance : « Je comprends que quelque chose ne va pas de votre côté. Prenons le temps d’en parler tranquillement pour que vous soyez rassuré-e sur ce qu’il se passe. » ? Même si vous êtes persuadé-e que ces parents sont insupportables. Là aussi, vous n’imaginez pas le nombre de parents hautains et méfiants qui deviennent soudain des parents « avec qui on peut travailler ».
Oui mais l’enfant dans tout ça me direz-vous ?
Dans la veine de mon précédent article « la bienveillance n’existe pas », je me demande souvent ce qui est le plus difficile pour les enfants : supporter des méthodes d’éducation différentes de ce qu’ils connaissent ou bien devoir arbitrer chaque jour un conflit de loyauté entre leurs parents et leurs enseignants ?
Ceci étant dit, j’envoie tous mes chaudoudous à tous les enfants, les parents et les enseignants ! Ce premier mois de rentrée est souvent un peu bousculant pour tout le monde . Il faut bien trouver ses marques non 🙂 ?
Si on s’accordait le droit à l’erreur, d’être humain et qu’on repartait du bon pied dès demain ?
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Pour mieux communiquer entre parents et enseignants :
Sur ce blog :
- comprendre les mécanismes des conflits
- un problème avec un enfant : convoquons les parents !
- Et tous les articles de la rubrique « Education »
Ailleurs sur le web :
- L’article de Coccinelle Boutique sur le prof bashing
- Le blog de l’Instit’humeur : parce que ça fait du bien de voir les choses par l’autre bout de la lorgnette
- Et aussi le Café pédagogique, un site par les enseignants où il y a beaucoup – mais vraiment beaucoup ! – à apprendre sur les notions de pédagogie, d’autorité, de respect, de bienveillance appliquées dans un groupe (parce que les enseignants ne sont pas des rétrogrades coincés dans un autre siècle à qui il faudrait réexpliquer comment fonctionne l’enfant)
Quelques livres (pour l’enfant et l’adulte)
J’ajouterais, dans les options possibles en cas de conflits / incompréhension entre parents et enseignant : faire appel à l’association de parents d’élèves ! Ou à un autre tiers éventuellement (le papa s’il est plus zen, pas parce qu’il a des gros biscottos pour faire peur à l’instit’ !!!)
En tant que parent élue, il y a beaucoup à faire à la rentrée, pour expliquer aux nouveaux parents de PS comment fonctionne l’école.
Par exemple, on peut attendre de l’instit’ qu’il prenne un peu de temps au moment de la sortie pour une communication rapide, mais si vous avez beaucoup à partager ou de questions à poser, il faut prendre RV.
Le compte-rendu, chaque soir, de chaque activité + pipi + repas + dodo de junior, ça se fait en crèche ou chez nounou, pas à l’école… Et oui, je suis la première à trouver ça très frustrant ! 😛
Ensuite, il est important de se rendre compte que les enfants ne sont pas en tête avec un adulte à l’école : il y a 1 à 2 adultes dans chaque classe, qui comptent au mieux 20 enfants (chez nous, ils sont 28 par classe)… Donc il est impossible de tout voir, tout le temps.
Ce qui présente des inconvénients en cas de conflits entre enfants : comment savoir qui a fait quoi ? C’est impossible, et c’est important d’en prendre conscience en tant que parent, ce qui est parfois difficile quand il n’y a qu’un seul enfant (les parents de fratrie se rendent vite compte que c’est peine perdue de savoir qui a commencé quand leurs rejetons se battent).
Ce qui induit que nos petits seront confrontés à des « injustices » non « punies » (en tant que victime, témoin… ou acteur !).
De même que leurs parents ont sans aucun doute accéléré ou grillé un feu quand ni képi ni radar n’étaient dans leur champ de vision… C’est la métaphore que j’utilise, pour aider les parents à relativiser, pour ensuite mieux accompagner leurs enfants : le monde n’est pas parfait, et c’est parfaitement bien comme ça. Au lieu de générer de l’angoisse, on peut aussi le voir comme une formidable opportunité de se positionner dans le monde : respecter les consignes bénéfiques pour tous par sa propre volonté (et pas par peur du gendarme), prendre confiance en soit pour savoir se protéger soit-même, développer son empathie et son courage pour venir en aide à un camarade… S’il y a toujours une intervention extérieure, impossible de développer ses qualités !
Cette relative absence de l’adulte, dans un milieu très protégé, présente donc aussi des avantages : l’autonomie, la responsabilité s’acquiert en faisant confiance et en lâchant prise. Et à 3 ans, mine de rien, ils ont déjà de grandes capacités, pas toujours exploitées à la maison !
Alors, parfois, il faut travailler à re-tisser des liens de confiance entre parents et enseignants, mais aussi entre les parents et leur enfant, et redonner confiance aux parents dans leur rôle d’éducateur. Car mine de rien, les parents se sentent vite jugés (par l’enseignant, les autres parents), et surtout très démunis face aux réactions des enfants qu’on ne comprend pas, leurs récits pas toujours clairs ou leur mutisme, et encore plus face à une remarque de l’enseignant…
D’autant plus si les remarques ne sont pas pédagogiques et en public : que faire d’un « c’était dur, aujourd’hui ! » lâché devant tout le monde à la sortie de classe ?
C’est un des points qui manque, à mon sens, dans la formation des enseignants : comment peuvent-ils améliorer la situation en classe en communiquant habilement avec les parents ? On en parle souvent en réunion, dans notre école. C’est difficile pour tout le monde !
Ahah, j’aime bien l’équation de
Celine Alvarez + Filliozat x neurosciences !!
Bonjour, je suis jeune enseignante en maternelle. Nous sommes bien sûr toutes différentes mais nous essayons de faire au mieux, oui parfois nous sommes fatigués et les élèves aussi, donc ça peut être compliqués (pensez à 2 adultes pour des classes allant jusque 35 élèves, tous niveaux maternelles confondus.. . Avec autant de caracteres et sensibilites differentes…). Officillement dans nos programmes, la « bienveillance » doit être appliquée, et beaucoup de travail autour des émotions, yoga ou respiration sont entrepris. De mon côté, quand je criais 3 fois (oui ça sert à rien de crier, je sais) on s’asseyais tous, et hop exercice de respiration de La petite grenouille, tout le monde se calmait et ça repartait. C’était pas l’idéal mais c’était déjà ça.. . Un élève n’arrivais pas à canaliser ses émotions. J’étais assez perdue, j’avais 30 autres élèves a m’occuper, j’en ai parlé avec la maman mais je sais qu’au sein de la classe ça ne devait pas être facile pour lui
A la fin de l’année les progrès étaient considèrables mais ça a été long. Essayez de demander comment travailler avec l’enseignante dans l’intérêt de votre enfant, on est censé travailler comme cela, ensemble dans l’intérêt de l’enfant.. . Je suis maman aussi et je sais qu’il est facile de se dire que c’est la faute de la maitresse qui ne fait pas ce qu’il faut… c’est juste qu’il faut essayer de travailler ensemble…