Peut-on être critique quand on veut être bienveillant ?
Préambule : Je ne donne ni conseils ni solutions. Ma particularité est de proposer des expériences et des manières différentes de voir. C’est ce que vous trouverez dans cet article. Ce sont ces expériences qui vous aideront à changer concrètement les choses … A vous de vous jouer maintenant 🙂 …
« On n’est pas dans le monde des bisounours« . Ca doit être la critique que j’ai le plus entendu concernant la bienveillance. Cette vision « monde des bisounours » est aussi celle qui piège le plus les managers, les parents et toute personne aspirant à la bienveillance.
Bienveillance semble rimer avec accueil inconditionnel des comportements, renforcements positifs même quand l’autre fait un peu n’importe quoi. Même en entreprise, cette idée est très présente : encourager, féliciter, se concentrer sur le positif, en oubliant ce qui ne va pas. Critiquer, juger, émettre des réserves ne serait pas bienveillant, comme si on ne pouvait pas être critique quand on veut être bienveillant.
Quand on aspire à la bienveillance, on peut se retrouver coincé-e par cette idée : comment alors faire progresser, évoluer les gens si on ne peut pas leur dire que ce qu’ils font ne va pas ?
Un petit rappel : la bienveillance n’est pas de la complaisance
Pour moi, la bienveillance ce n’est pas seulement accorder de l’importance au positif, à ce qui va bien. La bienveillance n’est pas de la complaisance. Loin de là. Tout valider en s’extasiant est loin d’être bienveillant.
Etre bienveillant, c’est aussi être exigeant. On n’est pas bienveillant si on ne l’est pas un minimum.
Ce n’est pas bienveillant de laisser un enfant, un collaborateur ou n’importe qui d’autre, végéter dans son comportement sans l’aider à progresser. Et par progresser j’entends : l’aider à faire les apprentissages dont il a besoin (ou simplement à prendre conscience qu’il y a quelque chose à changer).
Un environnement bienveillant propose de la « nourriture » pour la personne qui y vit : elle lui propose des défis, lui montre qu’il est possible de faire encore mieux ou en tout cas différemment, qu’il est possible d’appronfondir, d’aller plus loin.
La bienveillance n’est pas dans l’absence de remise en cause ; elle est dans la possibilité laissée à l’autre de continuer à progresser ou d’abandonner ses efforts.
J’en profite pour relayer un excellent article de l’excellent (oui je me répète mais ce site le mérite » site « Apprendre à Eduquer » : « Un tableau pour définir la bienveillance« . L’article est très parlant et vaut vraiment le détour pour approfondir le sujet de la bienveillance.
Etre critique quand on veut être bienveillant, c’est possible … et ça doit être adapté
La critique – au sens de pointer ce qui peut être amélioré – est nécessaire à la bienveillance. La manière dont on l’exprime, le cadre dans lequel ça se pratique vont tout changer à la perception qu’en aura la personne concernée. C’est aussi la possibilité laissée à l’autre d’exprimer ses blocages, ses réticences, sa non-envie qui feront la bienveillance. C’est encore la posture encourageante, comme le souligne fort justement « Apprendre à Eduquer » – « tu ne sais pas encore faire mais tu vas y arriver et je vais t’aider » – qui rend la critique bienveillante.
Une autre dimension rentre en compte pour estimer la posture critique : le niveau d’expertise de la personne critiquée. Eric Barker – dans « Barking up the wrong tree » (livre que je vous recommande absolument par ailleurs, je vous en dis plus en fin d’article) – l’explique très bien :
« Novices seek and need positive feedback because it keeps them working at something they are not very good at. (…) As someone becomes an expert, they deliberately seek out negative feed-back so they know how to keep improving now that their mistakes are fewer and subtler. »
« Les novices recherchent le feed-back positif. Ils en ont besoin car cela les encourage à poursuivre leurs efforts dans un domaine où ils ne sont pas très bons. En devenant expert, vous cherchez délibérément le feed-back négatif afin de savoir comment continuer à vous améliorer, maintenant que vos erreurs sont moins nombreuses et plus subtiles. »
Le débutant a besoin de compliments et d’encouragements. Il se trouve en situation d’échec régulier, sans savoir trop le pourquoi du comment. C’est très décourageant. Ca l’est d’autant plus si on n’a pas le contrôle sur le comportement concerné. C’est particulièrement vrai pour les enfants en bas âge (qui ont très peu de contrôle sur eux-même). C’est vrai aussi pour quelqu’un qui débute professionnellement ou sur un nouveau poste (premier poste de manager, nouvelle entreprise, etc).
Par contre, quand vous avez face à vous un expert, les choses changent : l’expert connait bien sa pratique. Il sait mieux évaluer où il a des manques et ce qu’il doit travailler. L’expert sait aussi qu’il a des angles morts = les endroits où il ne perçoit pas que ça ne va pas. Pour garder sa motivation et son plaisir, il a lui aussi besoin de continuer à progresser.
On retrouve ici la notion de bienveillance = exigence = ce que je fais doit m’apporter une certaine dose de défi et de progression sinon je m’ennuie et je végète.
Alors, si vous voulez faire plaisir à un expert, dites-lui ce qu’il pourrait améliorer dans sa pratique. Il appréciera d’autant plus vos compliments qu’il saura que vous ne faites pas que le brosser dans le sens du poil mais que vous pouvez aussi l’aider à s’améliorer.
Si vous ne faites que des retours positifs à un expert, vous allez probablement perdre de la crédibilité à ses yeux. Cela arrive souvent avec nos enfants d’ailleurs (et nos ados encore plus souvent).
Etre critique quand on veut être bienveillant est une nécessité
Je le redis : le regard critique, l’exigence sont des conditions sine qua non de la bienveillance. Céline Alvarez, dans « Une année pour tout changer » ne dit rien d’autre.
La difficulté de la bienveillance – ou plutôt de la bien-traitance (j’ai expliqué la différence dans cet article) – réside dans l’équilibre et l’adaptation permanente qu’elle demande. Réajuster sa posture encore et encore, face à l’évolution de l’enfant ou de l’adulte qu’on a en face de soi. C’est aussi cela qui demande beaucoup d’énergie et de recul et qui complique encore la mise en oeuvre d’une attitude bienveillante.
Savez-vous être critique ET bienveillant 🙂 ?
Vous le savez, je ne donne ni conseils ni solutions. Ma particularité est de proposer des expériences et des manières différentes de voir (c’est ce que vous trouverez dans mes accompagnements, mes conférences et sur ce blog). Pour que cet article vous soit profitable, je vous invite à en compléter la lecture par plusieurs expériences :
- Une expérience de réflexion : dans quel(s) domaine(s) vous sentez-vous novice ? Et expert ? Votre entourage vous apporte-t-il les encouragements et/ou critiques dont vous auriez besoin ?
- Une expérience de réflexion encore : quand vous êtes expert dans un domaine mais que le contexte (fatigue, burn-out, etc) diminue votre performance et vous rend « novice », êtes-vous plutôt encourageant ou critique par rapport à vous-même ?
- Une expérience d’action : et si vous deveniez plus exigeant-e avec une personne de votre entourage avec qui vous êtes (trop) tolérant ? Et si vous deveniez plus encourageant avec quelqu’un avec qui vous étiez exigeant-e ?
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Etre critique quand on veut être bienveillant, des ressources complémentaires
Sur ce blog :
- Bienveillant oui, mais bientraitant, pas si sûr
- comment complimenter efficacement un enfant
- Comment complimenter efficacement un adulte
- et bien sûr pas mal d’autres articles sur ce blog
Ailleurs sur le web :
- Un tableau pour définir la bienveillance chez Apprendre à Eduquer
Quelques livres :
- Barking Up the Wrong Tree – Eric Barker : L’auteur démonte un tas d’idées reçues sur le succès, la réussite et autres. Un bon antidote aux guides de développement personnel simplistes qui vous indiquent comment tout réussir en 3 leçons (malheureusement pas traduit en français à ce jour).
- Pour ce qui concerne le challenge des enfants dans l’apprentissage : les livres de Céline Alvarez « les lois naturelles de l’enfant » (dont certains points sont discutables malgré tout) et « Une année pour tout changer » (que je n’ai pas lu de manière approfondie mais qui me semble intéressant)
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