Complimenter, féliciter, est-ce si facile ?

J’avais abordé il y a déjà longtemps le sujet des compliments avec les enfants. Vous pourrez retrouver l’article « Compliments » ici.

Dans cet article, j’abordais l’effet parfois pervers des compliments habituels :

« c’est bien ! »

« c’est beau »

Mais je me suis rendue compte en participant récemment à une discussion proposée par le Gymnase du Management sur Viadeo que ces effets paradoxaux ne sont pas forcément connus en entreprise et que les moyens de les dépasser ne l’est pas forcément non plus.

Pourquoi complimente-t-on en général ?

La plupart du temps, on souhaite que la personne prenne confiance en elle, se sente capable et reconnue dans ses compétences.

Souvent aussi, on souhaite du coup que la personne se sente encouragée pour continuer à produire le comportement pour lequel on l’a félicitée, qu’elle persévère et même qu’elle s’améliore.

Quel est le problème avec les compliments et les félicitations habituels ?

Combien d’entre nous ne se sont pas demandés où voulait en venir une personne qui leur faisait un compliment ?

Combien d’entre nous ne se sont pas dit :

« ouh maintenant j’ai la pression pour faire aussi bien la prochaine fois ! Comment vais-je m’y prendre pour réussir aussi bien ? »

Combien d’entre nous n’ont pas répondu à un compliment par un :

« oh c’est pas grand-chose tu sais, il suffit de … » ?

Les compliments habituels – « c’est bien ! », « tu es vraiment compétent ! », … – peuvent produire ces effets paradoxaux car ils évaluent ce que nous sommes, ce que nous produisons.

Or si notre propre évaluation est différente de ce que nous renvoie l’extérieur alors nous serons déstabilisés par ce compliment ; il pourra nous angoisser, nous faire dénigrer notre propre comportement, nous faire dévaloriser la personne qui nous complimente :

« il ne s’est pas rendu compte que j’avais eu un coup de chance. »

« elle n’y connait rien, c’est pour ça qu’elle dit ça »

Evidemment ces effets paradoxaux dépendent de la confiance en nous que nous avons dans le domaine considéré. Si j’ai une bonne confiance en moi dans le sujet sur lequel on me complimente, je saurais relativiser un compliment un peu trop fort et prendre ce qui me semble juste. Je me féliciterai moi-même de façon réaliste au final.

Comme nous pouvons difficilement savoir quelle est l’estime d’eux des gens que nous côtoyons – et je vous garantis que certains, notamment en entreprise, cachent bien leur jeu ! – il devient aléatoire de complimenter uniquement de façon évaluative car cela peut mener à des effets tout à fait contraire à ceux attendus.

Si je veux que la personne se sente reconnue et capable et qu’elle commence à se demander où je veux en venir, alors j’ai raté mon coup …

Si je veux que la personne se sente encouragée et poursuive ses efforts et qu’elle commence à s’angoisser pour savoir comment elle va pouvoir faire aussi bien la fois suivante, alors là aussi j’ai raté mon coup.

Pourquoi avons-nous peur de féliciter ?

La plupart d’entre nous sentons bien que les compliments habituels – évaluatifs – ne sont pas la meilleure manière de faire pour encourager et valoriser. Et je pense qu’une des raisons pour lesquelles nous félicitons peu réside en partie dans ce sentiment.

Mais à cette raison viennent s’ajouter toutes nos peurs : la peur que l’autre en profite pour réclamer toujours plus notamment, la peur que l’autre « prenne la grosse tête », peut-être même la peur qu’il nous dépasse et prenne notre place parfois.

Et là encore, les compliments évaluatifs conduisent généralement à ce genre de comportements : lorsque je suis évalué et que je reçois un compliment, c’est que j’ai fait quelque chose de bien aux yeux de mon évaluateur et je reçois le compliment comme une « bonne note », une récompense. Et le problème des récompenses est que je vais avoir besoin de toujours mieux.

Comme me l’a dit une personne qui participait à l’un de mes ateliers :

« maintenant qu’elle a croqué la petite carotte, il va falloir en trouver une plus grosse la prochaine fois ! ».

Et le compliment, la reconnaissance va devoir être toujours plus gros, toujours plus important, aller toujours plus loin puisque la personne complimentée progresse et mérite toujours mieux.

De plus, l’évaluation suppose un rapport entre les 2 personnes où l’une – l’évaluateur – est en position haute et l’autre – l’évalué – est en position basse. Et si, de fait, le rapport hiérarchique suppose cette différence de niveau, personne n’aime se voir rappeler – même au travers d’un compliment – cette différence de niveau et cette « infériorité » de position.

Comment pallier à ces inconvénients des compliments évaluatifs ?

Comme je l’expliquais dans mon article sur les compliments aux enfants, les compliments descriptifs permettent de pallier aux inconvénients principaux des compliments évaluatifs habituels.

Un compliment descriptif, c’est quoi ?

Un compliment qui parle de ce que la personne a fait, des comportements que vous avez observés, un compliment qui parle aussi de l’effet produit par ces comportements sur vous.

Pour ceux qui connaissent la communication non violente, Thomas Gordon parle de message-je d’appréciation.

Sentez-vous la différence entre :

« Tu as bien travaillé sur ce rapport »

et

« le rapport que tu m’as préparé m’a vraiment aidé à présenter le dossier au comité de pilotage : j’y ai retrouvé très facilement les projections annuelles, les chiffres présentés sous forme de graphiques très clairs pour moi. Merci beaucoup. »

Dans le 1er cas, la personne peut se dire « j’ai bâclé mon travail, je n’ai pas si bien travaillé que ça. » ou au contraire «  c’est tout ce qu’il/elle trouve à dire avec le temps que j’y ai passé ? »

Dans le 2e cas, il est probable que la personne va reconnaitre en elle-même que oui, cela elle l’a fait. Et même si elle a une mauvaise opinion de son propre travail, elle reconnaitra que ces choses-là, au moins, étaient réussies et elle se sentira encouragée à refaire la fois prochaine.

Et si toutefois la personne avait une haute estime du travail accompli, elle se dira probablement que vous avez au moins remarqué ces éléments qui étaient primordiaux pour vous et là encore se sentira probablement encouragée à faire encore mieux la fois suivante sur ce plan-là au moins.

Pour celui qui complimente, le compliment descriptif est un peu moins facile car il demande plus d’attention à ce qui est vraiment important pour nous, à ce qui nous semble être la compétence à valoriser. Mais les quelques secondes prises pour être attentif et bien reconnaitre ce qui nous touche sont à mon avis inestimables en termes de qualité de la relation qu’elles créent. La personne complimentée sent en effet que vous avez été VRAIMENT attentif et que vous n’avez pas complimenté comme « vite fait sur le gaz », juste parce qu’il le fallait bien.

Et on touche là à la reconnaissance de la personne, si attendue en entreprise.

De plus, le compliment descriptif supprime pour une bonne part la différence de niveau – position haute/basse – dont je parlais plus haut et là aussi, cela contribue à ce que la personne se sente vraiment reconnue et estimée en tant que tel.

Mais la reconnaissance fera l’objet d’un prochain article 😉

Et vous, qu’en pensez-vous ?

Comment complimentez-vous ? Est-ce facile, difficile, fréquent … ?

Et si vous mettiez en pratique – y compris en vous félicitant vous-même de cette façon ! – et que vous veniez nous faire part de ce que vous avez ressenti ?

Sandrine Donzel

Parentalité, couple, communication, développement personnel ? Votre vie ne ressemble pas à ce qui est décrit dans les livres ? Pas de panique et bienvenue dans la VRAIE VIE, celle qui est abordée sur ce blog ! Je vous y propose des outils concrets, pragmatiques et REALISTES pour répondre à vos interrogations. Bonne lecture !

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3 thoughts on “Complimenter, féliciter, est-ce si facile ?

  • 28 juin 2012 à 11:11
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    J’ai pensé très fort à toi ce matin, Arthur (4 ans) a mis son pantalon de pyjama tout seul! Je l’ai encouragé, j’ai reconnu que c’était difficile et j’ai même fait la petite récapitulation après. La récapitulation a eu un effet moyen, certainement car il n’y a pas autant de passif avec la mise du pantalon. Alors j’ai rajouté « est-ce que tu es fier de toi? ». Oui il l’était, j’ai dit que j’étais fière de lui aussi.

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  • Ping :S Comm C, le blog » Blog Archive » Lundi 16 novembre 2009 : compliments !

  • 4 mars 2016 à 05:39
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    Ce matin je me suis complimenté « descriptivement » rires …

    je travaille seul, je n’ai pas de client et j’oeuvre pour obtenir un financement,
    mes interlocuteurs ne complimentent pas, si parfois ! en rajoutant on ne peut pas vous financer 🙂 …
    Suis-je sur la bonne voie ? Salutations Grenobloise 😉

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