Adolescence : les écrans, l’arbre qui cache la forêt

Préambule : Je ne donne ni conseils ni solutions. Ma particularité est de proposer des expériences et des manières différentes de voir. C’est ce que vous trouverez dans cet article. Ce sont ces expériences qui vous aideront à changer concrètement les choses … A vous de vous jouer maintenant 🙂 …

Les écrans par ci, les écrans par là. Les écrans semblent être la préoccupation majeure des adultes,  plus encore que celle de leurs enfants (si j’en crois ceux-ci). Certains professionnels semblent aussi prendre un malin plaisir à relayer des informations alarmistes et pas toujours vérifiées, aggravant la culpabilité des parents et détériorant encore plus les relations entre parents et ados.

Les écrans sont un sujet important pour moi, aussi bien professionnellement que personnellement. J’ai des ados à la maison, ils utilisent des écrans. Etant une mère pas totalement négligente, je me pose aussi des questions. Dans mes accompagnements, les écrans reviennent aussi comme un sujet d’inquiétude et donc de conflit récurrent entre parents et ados.

Le point sur l’impact des écrans sur le cerveau de nos enfants

Alors reposons les bases d’une réflexion saine (non pourrie par une culpabilité démesurée je veux dire). D’abord la réalité de ce qu’on sait aujourd’hui de la nocivité des écrans. Contrairement à certains propos inquiétants, NON la nocivité de l’écran en tant que tel n’est pas prouvée (quel que soit l’écran).

OUI l’usage des écrans est positivement corrélé à des troubles divers chez les enfants. Traduit en langage courant, cela donne : les enfants utilisant beaucoup les écrans présentent plus de troubles. MAIS cela n’implique pas un rapport de cause à effet.

Un exemple de corrélation positive sans rapport de cause à effet : La distance entre le Japon et les Etats-Unis a augmenté de 3 cm par depuis 1945. Dans le même temps, la taille moyenne des Japonais a augmenté de 15 cm. Ces 2 données sont corrélées positivement : elles augmentent en même temps. En conclure que les Japonais grandissent grâce à leur éloignement des Etats-Unis serait un peu tiré par les cheveux serait un peu tiré par les cheveux non ? (source : Sesame) Alors ne faisons pas la même erreur de raisonnement avec les écrans.

Ce dont nous sommes sûrs à cette date, c’est que le principal problème c’est que les écrans privent nos enfants de choses très utiles à leur développement : des interactions avec d’autres enfants, des interactions avec des adultes, des manipulations avec leurs mains et leurs corps, des activités créatives, des activités physiques.

Ce n’est pas ce qu’ils font sur les écrans qui pose problème. C’est ce qu’ils ne font pas pendant qu’ils y sont.

Les adolescents et les écrans : et si la nocivité des écrans était un faux débat ?

Ceci étant posé, ce débat autour de la nocivité – réelle ou supposée – des écrans masque des questions à mon avis bien plus pertinentes, notamment ce qui concerne l’adolescence. Les réponses à ces questions nous aideraient concrètement à réfléchir à l’utilisation des écrans des adolescents.

Je commence par la première : quand l’usage d’un produit pose problème (addiction), la première question à se poser est :

A quoi sert ce produit ?

Pour les écrans, c’est la même chose : quelle est l’utilité des écrans pour nos ados ? « Aucune ! » aurions-nous envie de répondre spontanément. C’est pourtant faux et je vous propose quelques pistes de réflexion à ce sujet.

La fonction sociale : les adolescents ont besoin de faire « bande »

Les adolescents font bande. Ils aiment se retrouver entre pairs. Cela fait partie de la construction

les adolescents et les écrans : et leur besoin de faire groupe alors ?

de leur identité : ils ne sont plus des enfants en admiration devant leurs parents ; ils cherchent leur voie en tant qu’êtres indépendants. Cela passe par se comparer avec ses pairs, ses copains du même âge. Cela passe par avoir des comportements de défi, de comparaison, d’évaluation. Cela passe par tester ses limites, par oser certaines choses, etc.

Aujourd’hui, une partie du « faire bande » se passe virtuellement : sur les réseaux sociaux (plutôt pour les filles), sur les jeux en ligne type Fortnite (plutôt pour les garçons). C’est là qu’ils retrouvent leurs potes, qu’ils échangent, qu’ils se chambrent, qu’ils se soutiennent.

Si nous voulons réduire l’usage des écrans, cela amène des questions concrètes :

Où et comment les adolescents peuvent-ils faire bande actuellement en-dehors des réseaux sociaux et des jeux en réseau ? Quels espaces ont-ils pour cela ?

Seriez-vous OK pour que les ados du quartier fassent bande en bas de chez vous ? Qu’ils se regroupent en se criant dessus, en se chamaillant, en se chahutant ? Vous sentez comment nous, les adultes, sommes mal à l’aise avec l’idée de croiser une bande d’adolescent-e-s en train de se jauger et de se comparer. Rassurez-vous, ça n’a rien de nouveau : les bandes d’adolescents ont toujours fait peur (voir cet article sur « La bande à l’adolescence » de Jean-Louis Le Run consultable ici ).

Moi aussi ça me perturbe. Pourtant n’est-ce pas à moi de gérer mes angoisses autrement ? Et si je choisis de ne pas laisser les ados faire bande dans la rue, puis-je leur reprocher de faire bande virtuellement ?

Cette première question nous amène directement à une 2e :

La fonction d’intimité : les adolescents ont besoin d’espaces où évoluer sans le regard des adultes

les adolescents et les écrans : et leur besoin d'intimité ?

Là encore, l’intimité, l’espace personnel sont des notions qui prennent toute leur importance à l’adolescence. Le jeune qui grandit commence à ressentir plus fortement le besoin de protéger son intimité, de ne pas tout dire ni tout montrer à ses parents. Il s’agit encore une fois d’une manière de construire son identité et surtout son autonomie, de se prouver sa capacité à agir, penser, exister en-dehors de ses parents et des adultes.

« Pas de souci ! » pensez-vous, « je préserve son intimité et son autonomie« . En êtes-vous si sûr-e ? Prenez un agenda hebdomadaire. Coloriez en rouge tous les moments où votre ado est sous la supervision plus ou moins directe d’adultes. N’oubliez rien, coloriez en rouge :

  • les moments où il est en cours
  • les temps de repas (pris à la maison ou en milieu scolaire)
  • les temps de transport avec vous ou un autre adulte sauf s’il se déplace seul (les transports en commun compte dans les temps d’autonomie)
  • les activités extra-scolaires (sportives, artistiques, etc)
  • les rendez-vous réguliers (médecin, orthophonistes, psychomotricien, etc)
  • les temps en famille
  • les temps chez d’autres adultes / famille (amis, grand-parents, etc).

Que reste-t-il ? Combien de temps par semaine votre adolescent passe-t-il en réelle autonomie ? SANS ADULTE qui le supervise de près ou de loin ? A quel autre endroit que sur son écran peut-il être en totale autonomie et faire ce dont il a envie ?

Là encore, nos angoisses d’adultes reviennent à la charge : laisser un adolescent seul, sans adulte, ce serait prendre des risques. Ce serait lui faire prendre des risques (« quoi, un ado seul dans la rue ? mais les mauvaises fréquentations, mais les mauvais choix, mais …« ).

Je n’ai pas là non plus de bonne ou de mauvaise réponse. Mais si je choisis de minimiser les risques pour mon ado, puis-je lui reprocher d’avoir besoin de s’isoler sur son écran pour exercer son autonomie ?

La fonction de challenge : les adolescents ont besoin de savoir de quoi ils sont capables

les adolescents et les écrans : et leur besoin d'autonomie et de challenge ?

Encore une fonction liée à l’identité et au développement de sa connaissance de soi, de son confiance en soi. Une fonction essentielle pour les ados en pleine construction.

Que proposons-nous comme challenges ou comme émotions fortes à nos enfants et nos adolescents ?

Aucun ou presque aucun. Leurs vies sont entièrement prises en charge par les adultes qui les entourent. Eviter les risques a un prix : celui de les priver de l’intense fierté qu’il y a à les surmonter.

Pour vivre ces émotions fortes, associées à l’autonomie et à l’indépendance (« j’ai peur mais j’apprends que je suis capable d’affronter« ), que leur reste-t-il d’autre que le jeux et les films à grand spectacle où ils vivent cela par procuration ?

Quand je prends en charge et que je protège mon ado, je l’empêche de vivre certains apprentissages. Puis-je ensuite lui reprocher d’avoir besoin d’autres supports pour se développer ?

Les écrans chez les adolescents, un problème bien plus complexe qu’il n’y parait

Les écrans chez les adolescents est un sujet bien plus complexe qu’il n’y parait. Le réduire à un simple problème d’autorité des parents ou d' »imbécillité » des ados qui ne sauraient pas comment s’occuper autrement est simpliste. Cela n’amène vers aucune solution concrète ou réaliste.

Ma proposition d’expérience : mes quelques questions vous permettront de voir le problème plus largement et vous amèneront à parler différemment des écrans avec vos ados :-). 

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Sandrine Donzel

Parentalité, couple, communication, développement personnel ? Votre vie ne ressemble pas à ce qui est décrit dans les livres ? Pas de panique et bienvenue dans la VRAIE VIE, celle qui est abordée sur ce blog ! Je vous y propose des outils concrets, pragmatiques et REALISTES pour répondre à vos interrogations. Bonne lecture !

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5 thoughts on “Adolescence : les écrans, l’arbre qui cache la forêt

  • 4 novembre 2019 à 08:49
    Permalink

    Bonjour à vous,

    J’apprécie beaucoup cette approche constructive et fondée sur une approche claire et étayée de l’adolescence. Donc merci beaucoup pour cet article.
    Je me permets un complément sur la question des écrans et des enfants: je participe cette année au groupe de recommandations du collège national des sages-femmes sur les messages de prévention pendant la grossesse et les premiers temps avec l’enfant. Pour les tout petits (0-3 ans) l’usage des écrans (tablette, téléphone, télévision, dessin animé) non médiatisé par un adulte (dans ce cas, l’adulte participe réellement à l’activité) est en lien avec des difficultés spécifiques, particulièrement en ce qui concerne l’acquisition du langage. Par ailleurs, les neuro-sciences montrent que chez les plus jeunes d’entre eux, le fonctionnement des neurones miroirs est perturbé par l’exposition à des visages via un écran, car ils ne réagissent pas aux mimiques du tout petit. Ce qui amène le groupe d’expert à signaler que jusqu’à 3 ans (et donc bien sûr particulièrement chez les bébés), l’exposition à l’écran doit être limitée aux seules activités conjointes avec un adulte interagissant avec l’enfant et pour des périodes brèves. Sinon, le message est clairement pas d’écran avant 3 ans.
    Bonne journée!

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    • 4 novembre 2019 à 09:55
      Permalink

      Je vous invite à regarder la vidéo de M. Alexanian qui fait le point sur les écrans (« trop c’est combien ? »), il parle de ces normes. Le problème est le manque d’interactions avec les autres, pas l’usage de l’écran en lui-même.

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  • 4 novembre 2019 à 14:49
    Permalink

    Bonjour, j’adore toujours ce que vous faites mais simplement dans cet exemple pour ma part je trouve que vous ne prenez pas en compte le temps passé sur écran, les temps où on a le sentiment qu’il n’y a pas d’interaction réelle entre ado.
    Et la solution dont vous parliez: trouver un lieu de vie dans chaque quartier-pas forcément devant notre pas de porte- auto-géré par une asso d’ados. Cela permettrait de responsabiliser ces ados en recherche d’autonomie et répondrait à un besoin naturel de se retrouver en bande sans adulte. Bonne journée

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  • 4 novembre 2019 à 21:24
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    Bonjour,
    Merci pour ces pistes de réflexion très intéressantes !
    J’ai une fille pas encore ado mais dyspraxique. Elle apprend donc à taper à l’ordinateur pour pouvoir compenser ses difficultés d’écriture à la main… Alors tout cela m’interroge, pas tellement par rapport aux différentes fonctions que vous citez (c’est encore un peu tôt vu son usage actuel !), mais plus particulièrement sur les risques, que vous n’évoquez pas me semble-t-il, pour la rétine et les rythmes biologiques…

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    • 11 novembre 2019 à 16:42
      Permalink

      Je n’évoque pas ces risques mais j’en ai parlé dans d’autres articles (notamment ceux sur le sommeil il me semble :-)). Vous pouvez les retrouver en parcourant le blog.

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