Le grand méchant Si
Dans notre langue, il existe un mot, un mot tout simple, un mot de 2 lettres dont l’usage est très courant mais qui nous pose sans que nous nous en doutions de sacrés pièges …
Ce mot, ce tout petit mot, c’est le mot SI.
Le grand méchant SI …
Vous allez me dire qu’un si petit mot ne peut pas faire grand chose et qu’après tout c’est un mot souvent utilisé. Et pourtant …
D’après le dictionnaire « SI » est une conjonction de subordination qui introduit une hypothèse, une condition. Un mot bien anodin donc …
Mais qu’est-ce que cela donne dans notre vie quotidienne ?
A un enfant qui nous tape ou nous serre un peu fort :
« si tu continues à me faire mal, je vais me fâcher ! »
A son conjoint :
« si tu continues à te comporter comme ça, je te quitte. »
A un collaborateur :
« si vous n’atteignez pas vos objectifs, la prime va vous passer sous le nez. »
Et quel est le problème ?
Une hypothèse est émise … « si tu continues », « si tu ne viens pas », « si … » et la 2e partie de la phrase est SUBORDONNE à la 1e, donc dépendante.
« Si tu continues , je vais me fâcher »
« = je rends l’autre responsable de ma colère, c’est son comportement qui me met en colère. Il a donc tout le pouvoir sur moi. C’est déjà un premier problème. Quelle tentation pour n’importe qui de poursuivre pour voir si on a vraiment ce pouvoir-là ! Et quelle responsabilité pour un enfant – mais aussi pour être un adulte – d’être responsable des réactions de l’autre.
Le « SI » est souvent pour l’autre une incitation à la poursuite du comportement pour vérifier si nous sommes vraiment capable d’aller au bout de la menace cachée dans la 2e partie de la phrase. Il déclenche une réaction du genre :
« ah bon ? et bien on va voir si c’est vrai … »
Avec un enfant un
« si tu continues, je vais me fâcher »
déclenche souvent une réaction de curiosité : mon parent va se fâcher, mais à partir de quand ? Tout de suite là maintenant ou un peu plus tard ? et c’est bien vrai qu’il va se fâcher ? Et il va se fâcher comment ? fort, pas fort ?
Pour des enfants qui découvrent le monde et les règles relationnelles, quel meilleur moyen que d’aller au bout du si pour comprendre ce qui se joue là 😉 !
Avec un adulte, le « SI » a un peu le même effet. Mais il a aussi, comme avec les enfants, le pouvoir de déclencher la rébellion :
« si tu continues à te comporter comme ça, je te quitte »
entraine parfois une prise de conscience mais souvent aussi une attitude qui entraîne un
« je fais ce que je veux, tu ne me dicteras pas ma conduite ! ».
Mais là aussi c’est humain et bien naturel 😉 …
Le « si » a un autre effet : si la personne ne sait pas comment s’y prendre pour changer son comportement, alors elle est découragée par le « si » …
« Si vous n’atteignez pas vos objectifs » peut entrainer chez quelqu’un qui a beaucoup mis en oeuvre pour réussir mais qui est bloqué par des éléments de contexte ou même par un manque de compétence réel ou supposé un certain découragement … « Je le sais déjà que je ne vais pas réussir, inutile de remuer le couteau dans la plaie » en gros.
Oui mais alors … Comment faire autrement ?
Remplacer le « si « par autre chose aussi souvent que possible, et notamment par le « quand … ».
Par exemple :
« Si tu continues à me faire mal, je vais me fâcher ! »
peut être remplacé par :
« quand j’ai mal, je suis en colère »
= c’est un fait certain. L’enfant est moins tenté de continuer « juste pour voir ». Il ne continuera que si il a vraiment envie de nous mettre en colère.
« Si tu continues à te comporter comme ça, je te quitte »
peut être remplacé par :
« Quand je te vois te comporter comme ça, j’ai envie de te quitter».
La menace disparait, nous reprenons la responsabilité de nos ressentis. Ce n’est pas l’autre qui nous fait agir comme ceci ou comme cela, c’est nous qui choisissons.
Cela libère l’autre du poids induit par le « si … alors … » et cela nous libère nous aussi : c’est à NOUS de choisir, nous ne sommes plus dépendants du comportement de l’autre pour décider de la suite. Cela apaise souvent la colère liée à l’impression d’être dépendant de l’autre, de ne pas pouvoir résoudre le problème s’il n’y met pas du sien.
« Si vous n’atteignez pas vos objectifs, la prime va vous passer sous le nez »
peut être remplacé par :
« J’ai l’impression que vos résultats sont en-dessous des objectifs. On peut voir ce qui coince ensemble si vous voulez. »
Cela ouvre la discussion, ne contient pas d’accusation ou de responsabilité outre mesure …
Le « si » est très courant dans notre vie mais soyez attentif au message implicite qu’il peut véhiculer pour la personne à qui vous vous adressez.
Et lorsque vous essayez de faire changer une personne de comportement et que cela ne fonctionne pas, demandez-vous si vous n’êtes pas en train d’utiliser le « grand méchant SI » 😀 …
A lire en complément :
– Un article complémentaire en situation professionnelle sur le site glonadine : « l’importance du mot si »
– Quelques livres pour aller plus loin :
Image : Photos Libres
Merci beaucoup pour ce « cours de si » Sandrine (et en prime, une belle allitération 😉
Cela demande certainement pas mal d’entrainement avant d’arriver, naturellement, à remplacer le « si » par autre chose de moins menaçant… Nous allons nous y atteler !
A très bientôt
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J’ai l’impression de dire « quand » une phrase sur deux maintenant 😉
Et j’entends aussi « quand » dans la bouche d’autres personnes de la même maison ( petits et grands ) ….. 😉
Bonjour Sandrine, votre article et votre blog ont retenu mon attention et j’en apprécie son contenu que je vais suivre.
J’ai eu envie de compléter votre article en parlant de l’impact de l’utilisation du mot si dans le cadre d’une envie de changement professionnel. Si cela vous dit de le lire, c’est ici :http://glonadine.com/coaching/importance-du-mot-si/