La ténacité : comment différencier ténacité et obstination ?

Comment faire la différence entre ténacité et obstination ? La ténacité est nécessaire pour atteindre ses buts dans la vie et surmonter les obstacles. Mais quand nous persévérons sans succès, nous ajoutons de la souffrance. Comment savoir à quel moment il faut persévérer et quand il faut lâcher prise ?

15.09.07 tenacite raison Kervel

« La ténacité peut avoir raison de la raison elle-même. » – Paul Kervel

La ténacité, une clé de la réussite dans la vie

La ténacité est une qualité dans la vie. La ténacité, c’est ce qui nous aide à venir à bout des obstacles. Sans elle, nous ne réussissons rien ou pas grand chose.

En effet, quoi de mieux que de savoir ce que l’on veut et de s’y tenir ? Les blogs d’efficacité personnelle sont d’ailleurs remplis de gens qui avaient une idée et ont persévéré envers et contre tout, et même envers et contre tous.

Sans une certaine dose de ténacité, j’arrêterai de rédiger mes articles, découragée à chaque manque d’inspiration ; je n’irai pas courir plus de 500 m, découragée par mon souffle court et mes jambes lourdes ; …

On peut varier à l’infini les exemples : la ténacité est effectivement une qualité essentielle dans la vie.

Elle est le signe de la force de caractère et la maitrise de soi nécessaire pour arriver à ses fins. Evidemment qu’il faut de la force, de la persévérance … et parfois un peu d’inconscience pour réussir les choses difficiles, et même pour ce qui semble simple.

Avoir le goût de l’effort – j’avais déjà abordé le goût de l’effort par ici … – est sans aucun doute primordial pour la réussite.

La confusion entre volonté et envie

Simplement, nous confondons parfois volonté et envie.

La volonté est de l’ordre du mental, de la « raison » – bien qu’elle ne soit parfois pas très raisonnable. Elle est dans le contrôle : les choses doivent se passer comme JE l’ai décidé même si ça doit être désagréable pour moi. Me projeter dans mon objectif m’amène des sensations désagréables, de contrainte.

L’envie, elle, est de l’ordre des émotions, du « coeur ». Elle est dans « les tripes ». Me projeter dans mon objectif m’amène des sensations agréables de plaisir. Ca me fait envie tout simplement.

J’ai parlé de ce sujet par ailleurs dans un Tedx intitulé « Moins de volonté pour mieux réussir » que vous pouvez voir ici :

Quand on a envie, les efforts nous paraissent moins ardus, moins difficiles à tenir. L’envie nous facilite la vie … mais elle ne se décide pas : on a envie ou pas et on ne peut rien faire pour se forcer à avoir envie (j’en parle dans mes articles sur le désir sexue, à lire dans la catégorie « Couple »)

Mais lorsque l’objectif est uniquement fixé par la « raison », alors il y a de forts risques qu’il ne soit pas tenable sur le long terme car il oubliera la part émotionnelle sans laquelle je ne peux continuer longtemps.

Lorsque nous confondons volonté et envie, nous pouvons alors avoir des comportements parfaitement déraisonnables qui peuvent créer beaucoup de souffrance chez nous et chez les autres.

Et il n’en reste pas moins qu’à certains moments, il y a des efforts à faire pour atteindre son objectif, du travail pour acquérir des compétences et surmonter les obstacles.

Pour réussir, il est utile d’avoir un juste équilibre entre les 2 : comme je le dis plus haut, impossible d’atteindre un objectif sans ténacité.

J’ai expliqué dans l’article « avant j’étais bordélique » combien un but pouvait nous « piéger » : à trop vouloir être moins bordélique, je me sabotais moi-même en interprétant toutes mes difficultés comme étant des preuves de mon manque de volonté.

Comme nous le disons souvent dans l’approche interactionnelle et stratégique que je pratique, il est parfois nécessaire d’abandonner son but pour mieux l’atteindre. Ou du moins de transformer un but conscient – pour reprendre l’expression de Gregory Bateson – qui est de l’ordre de la volonté en but plus « émotionnel », plus motivant.

Ainsi Philippe voulait absolument réussir « quelque chose de grand » ce qui l’empêchait de faire toutes les petites choses parce que ce n’était jamais à la hauteur de ses ambitions  … et il ne faisait donc plus rien.

Ainsi Catherine voulait absolument « ne pas être égoïste » et faisait donc tout pour les autres, subissant évidemment des abus dans beaucoup de ses relations … et elle finissait ainsi par devenir la méchante qu’elle ne voulait surtout pas être.

Et les exemples peuvent se multiplier à l’infini …

Comment distinguer les moments où le lâcher-prise devient nécessaire et faire la différence entre ténacité utile et obstination dangereuse ?

La vraie difficulté est d’arriver à distinguer les moments où nous avons raison de persévérer de ceux où nous devrions cesser de nous entêter et changer notre fusil d’épaule. Ces moments sont compliqués par la culpabilité, la peur, la tristesse, la colère. Bref toutes les émotions associées au fait de renoncer à quelque chose.

Cesser de persévérer suppose de reconnaitre qu’on s’est peut-être trompé jusque là ou bien entraine qu’on doive renoncer à quelque chose qui nous tient à coeur, parfois simplement à une certaine image de nous-même. Ou même à un objectif autour duquel on a construit un part de sa vie.

Que ce soit à titre personnel ou à titre professionnel, je n’ai pas d’outil clé en main pour savoir quel est ce moment où on va trop loin.

Simplement lorsque la situation nous fait souffrir de façon importante, il est peut-être temps de nous poser et de voir les choses autrement.

Une autre astuce, soufflée par mon collègue diététicien et thérapeute Florian Saffer :

si votre objectif est de réduire ou de supprimer quelque chose il y a des risques que cet objectif ne soit pas durable, ni tenable sur le long terme. Si votre objectif est d’ajouter quelque chose, d’augmenter votre répertoire, alors il y a plus de chances que cela fonctionne.

J’ajouterai que formuler votre objectif en termes concrets, positifs et visualisables simplifie la tâche. Ainsi, ne plus avoir peur, souffrir moins, se mettre moins en colère, stresser moins … sont souvent des objectifs coinçants. Par contre, affronter plus souvent, se créer plus de moments de joie, etc, constituent des objectifs potentiellement plus efficaces.

Et une dernière astuce pour la route : pour les situations où vous avez des doutes, celles qui vous pèsent, amusez-vous à remplacer les « il faut » et les « je dois » par des « je choisis de … parce que j’ai envie de/ça me fait plaisir de … » (et surtout pas par « parce que je veux … » !)

Je vous invite aussi à vous poser ce qu’on appelle dans le modèle de Palo Alto la question du but conscient :

Si j’avais la certitude que malgré tous ce que je peux faire ou dire, je n’atteindrai jamais mon objectif, quelles sont les options et que ferais-je de différent ?

Un exemple concret de la différence entre ténacité et obstination

Un exemple concret : Isabelle est en couple recomposé avec Philippe. Ils s’aiment visiblement, la relation est bonne. Mais Philippe n’accède pas à sa demande de vivre ensemble. Elle en est très triste, vivant cela comme le signe qu’il ne tient pas suffisamment à elle. Par moments, elle lâche prise en se disant que Philippe a vécu une séparation difficile et qu’il a besoin de temps. Mais la tristesse finit par être trop forte et elle relance Philippe, qui lui dit qu’il ne se sent vraiment pas prêt pour le moment.

Ces va-et-vient les font souffrir tous les 2 : Isabelle parce qu’elle est déçue et qu’elle a l’impression de gâcher la relation avec ses demandes, Philippe parce qu’il culpabilise de ne pas pouvoir répondre positivement à la demande d’Isabelle.

Quand je pose la question du but conscient à Isabelle, je lui propose aussi les différentes options qui vont avec : « Si vous aviez la certitude que quoi que vous fassiez Philippe ne vienne jamais habiter chez vous, que feriez-vous ? Vous seriez inévitablement très triste mais quelle serait votre choix ? je romps tout de suite parce que je ne veux pas perdre de temps avec quelqu’un qui ne veut pas s’engager ? Je profite de la relation telle qu’elle est actuellement en gardant en tête que je peux rompre à tout moment si je n’en veux plus ? Je me sens capable de vivre dans une relation sans qu’il vienne vivre chez moi ? ».

Je ne lui ai évidemment pas demandé de répondre immédiatement mais d’envisager en profondeur les différentes options, de s’y projeter en détail.

Lors de la séance suivante, sa réaction a été : « quand j’ai reçu votre mail avec le récapitulatif des options possibles*, j’ai ressenti une grande tristesse … mais finalement je me suis sentie profondément soulagée : je pouvais faire un choix et je ne me sentais plus coincée. La relation entre Philippe et moi s’est apaisée. »

*note = j’envoie un mail de synthèse à la fin de chaque séance d’accompagnement détaillant les points clés

On voit ici que les efforts d’Isabelle à obtenir le changement de Philippe relevaient plus de l’obstination que de la ténacité … et qu’ils la conduisaient même au résultat inverse de ce qu’elle souhaitait : ils abimaient la relation.

C’est en affrontant sa tristesse qu’Isabelle a pu lâcher prise.

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Sandrine Donzel

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