Les liens entre addiction et émotions

Les liens entre addiction et émotions sont nombreux et importants à comprendre si on veut se donner les meilleures chances de sortir d’une addiction (ou d’aider quelqu’un à en sortir). Voici mon point de vue les liens entre addiction et émotions.

15.08.31 addiction sensation emotion

« L’addiction consiste à mettre une sensation à la place d’une émotion. » – Michel Reynaud

A quoi sert l’addiction ?

L’addiction est souvent une façon de gérer – ou plutôt d’éviter – une ou des émotions désagréables : la peur, la culpabilité, la honte, …

La consommation de substances permet en effet d’atténuer ou de se distraire de l’intensité de certaines émotions. L’alcool par exemple est une excellent anxiolytique (mais qui, comme toutes les substances actives, n’est pas dépourvu d’effets secondaires).

L’évitement émotionnel est soulageant dans un premier temps. Lorsque l’émotion difficile se présente à nouveau, il est extrêmement tentant d’avoir recours à un moyen rapide et facile à mettre en oeuvre pour soulager cette douleur.

A noter : évidemment, en plus de l’effet soulageant de l’évitement, les substances ont souvent des effets euphorisants, apportent du plaisir qui renforcent leur attrait. Mais je vais me concentrer ici sur l’aspect émotionnel pour plus de clarté.

Une question à se poser pour mieux identifier les liens entre addiction et émotions

Lorsqu’une personne addict demande à se faire aider, on lui pose rarement la question de l’utilité de l’addiction : à quoi servent les consommations ?

Elles ne sont pas toutes équivalentes. Pour un fumeur par exemple, chaque cigarette a son utilité : les cigarettes plaisir (celles-là on peut les garder !), les cigarettes anti stress ou anti déprime donc anxiolitiques ou anti dépressives, les cigarettes automatiques (le geste se fait tout seul, …), …

Chercher à arrêter sans chercher un moyen plus efficace de gérer le moment de la consommation, c’est comme décider de partir demain gravir l’Everest sans plus de préparation : voué à l’échec !

Mieux vaut donc identifier quelles émotions sont remplacées par la consommation, ou plus simplement quelles émotions sont associées à la consommation, les agréables comme les désagréables.

Un autre exemple de liens entre addiction et émotions : la consommation d’alcool n’est pas qu’un moment festif, c’est aussi un moyen de gérer des moments difficiles : ennui, déprime, honte, …

Le cercle vicieux est d’ailleurs vite installé : je consomme de l’alcool pour éviter certaines émotions désagréables. Et quand j’ai décuvé, j’ai honte de moi pour avoir consommé … Ce qui peut m’amener à consommer à nouveau pour gérer l’émotion douloureuse qu’est la honte.

La dépendance est donc constituée aussi d’une dépendance émotionnelle : la consommation crée un évitement émotionnel qui me soulage à court terme mais renforce l’aversion pour l’émotion évitée et me renvoie le message que je ne suis pas capable de gérer sans consommer à nouveau.

La personne a donc de plus en plus de mal à faire face à ses émotions sans consommer à nouveau. La mécanique des addictions s’est mise en place.

Note : j’ai approfondi ce thème de l’évitement émotionnel et de ses pièges dans cet article.

Et même si, au départ, la consommation n’est pas un évitement émotionnel mais simplement une consommation « de plaisir », le même cercle vicieux peut s’installer et venir renforcer l’addiction : j’ai peu honte de moi d’avoir autant consommé et la substance vient me permettre d’éviter d’avoir à gérer cette honte. Pourtant la honte pourrait être un moteur pour faire attention à ma consommation.

Mais dans les addictions vraiment graves, d’autres émotions sont généralement en jeu.

Bref, quelle que soit l’addiction, je suis d’accord pour dire que, très souvent – mais pas toujours – l’addiction est un moyen de fuir une émotion désagréable en la remplaçant par une sensation physique différente.

C’est particulièrement vrai dans les addictions à des drogues dures qui procurent des sensations physiques quasi immédiates et extrèmement fortes. L’addiction peut alors dans ce cas devenir une addiction à la sensation elle-même, au vertige, au plaisir qu’elle procure, ce qui est encore une autre problématique.

Mais là où je mets un bémol à la citation de départ, c’est sur la différence entre émotion et sensation.

Une émotion EST une sensation

Une émotion est en effet aussi une sensation. Elle se ressent aussi physiquement et crée de l’inconfort.

L’addiction n’est donc pas seulement remplacer une émotion par une sensation, c’est plutôt remplacer une sensation désagréable par une autre sensation que l’on ressent comme moins désagréable à court terme.

C’est exactement le même phénomène qu’on observe dans les scarifications, les troubles de l’alimentation (notamment avec vomissements), et d’autres problématiques, pas seulement dans les addictions à des susbtances : la sensation physique créée vise à remplacer ou à diminuer le sensation désagréable de l’émotion.

Ce qui devient complexe, c’est que l’acte – consommation, scarification, … – n’est pas volontaire même s’il est conscient.

A un moment donné la personne a fait l’apprentissage, parfois fortuit, que l’acte en question lui apportait un soulagement au moins temporaire. Et cela devient donc une solution possible à son problème émotionnel

Ce n’est donc pas en voulant arrêter simplement l’acte addictif qu’on aura des chances de faire cesser une addiction mais en s’intéressant à ce que la personne gère précisément avec son addiction.

Un exemple concret de lien entre scarification et émotions

Je me souviens ainsi d’une jeune fille accompagnée qui se scarifiait. Elle expliquait comment tout cela avait commencé avec beaucoup de clarté : un jour, quand elle avait 14 ans, elle se sentait mal, mal aimée, rejetée. Et profondément triste, pleurant beaucoup. Elle était donc dans une douleur émotionnelle importante à ce moment là.

Elle se réfugie dans la salle de bains et commence à se raser les bras, sans intention de se faire du mal. Elle se coupe fortuitement, ce qui l’avait amené à moins ressentir la douleur psychique. Et dans les jours et les semaines qui ont suivi, les scarifications ont continué malgré elle.

Le problème de l’addiction arrive quand le contrôle sur l’acte nous échappe : la sensation désagréable initiale n’est pas forcément très forte mais je me mets à gérer toutes mes sensations désagréables avec mon addiction (au sens large) sans m’en rendre vraiment compte. Cela devient un mode automatique qui est parfois presque complètement déconnecté des sensations désagréables. L’intervention doit alors d’abord porter sur le mode automatique pour sortir de celui-ci. On pourra alors agir sur les consommations problématiques qui restent.

L’addiction n’est donc pas forcément un moment de plaisir sur le moment, mais une distraction, une façon de se concentrer sur une autre chose que la sensation/ l’émotion trop désagréable à vivre. Et c’est parfois adéquat de gérer de cette façon, au moins pendant un temps.

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One thought on “Les liens entre addiction et émotions

  • 8 septembre 2015 à 09:57
    Permalink

    En lisant ce billet je me suis pris un sacré coup sur la tête… C’est tout à fait vrai pour moi cette histoire de remplacer une sensation par une autre. Je suis en train de comprendre pas mal de choses sur mon fonctionnement, merci !

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