Rituels et routines, baguette magique pour sécuriser l’enfant anxieux ?
Tout bon parent qui se respecte s’est entendu dire que les rituels et les routines étaient essentiels pour l’enfant. Et gare à vous si vous dérogez à cette injonction, vilains parents qui ne respectent pas les besoins de leur enfant.
« Plus le quotidien de l’enfant est prévisible, plus il se sent en sécurité. »
« L’enfant a besoin de la sécurité que procurent les rituels et les routines. »
« La routine donne à l’enfant une sensation de sécurité. »
« L’enjeu du rituel dépasse la sécurité affective. Il permet d’anticiper et joue ainsi un rôle dans la création de la pensée. »
Malgré toutes mes recherches, je n’ai pas trouvé une seule critique à l’égard des routines et des rituels. Pas la moindre précaution à prendre, ni le moindre avertissement.
Genre le rituel, c’est LE truc magique qui va résoudre tous les problèmes de sécurité des enfants ? Purée, mais que ne m’a-t-on dit ça plus tôt ! (ah si pardon on me l’a dit mais ça n’a pas forcément marché)
Donc mon avis sur la question n’est pas aussi tranché que ce que j’ai pu lire et entendre par ailleurs. Je ne crois pas à la baguette magique (ça vous étonne 🙂 ?).
Et je vais vous expliquer pourquoi rituels et routines peuvent faire pire que bien pour certains enfants anxieux et dans quels cas les rituels et les routines peuvent aider …
Quelle différence entre routine et rituel ?
Voici mes définitions de ces 2 mots :
Routine : procédure qui revient régulièrement d’une façon identique.
Son avantage est que sa répétition et sa prévisibilité rendent son déroulement automatique au bout de quelques temps. Faire les gestes routiniers demande alors moins d’efforts pour les parents et pour l’enfant ! On ne se pose plus de questions, on le fait. Donc la routine facilite la vie. Avec les plus petits, ça vaut donc le coup d’en installer quelques-unes autour des gestes comme le lavage de dents, de mains, la toilette, etc. On démarre de façon ludique et plus le temps passe, moins le ludique sera nécessaire, une fois l’habitude installée. Déroger à la routine a aussi un côté très sympa : ça fait un peu « jour de fête » :-).
Rituel : routine plus spécifiquement destinée à sécuriser l’enfant (histoire du soir, calin, …)
Dans la suite de cet article, je parlerai plus spécifiquement des rituels.
La prévisibilité est confortable pour la plupart d’entre nous. Tout changement – même minime – implique toujours une part de stress. Ne rien changer est une bonne façon d’éviter une sensation désagréable. Et c’est précisément là que le bât blesse. Le rituel – qui revient toujours à l’identique – constitue un havre de prévisibilité. Prévisible donc rassurant ? rien n’est moins sûr …
Dis-moi comment tu gères ta peur et je te dirai quel anxieux tu es …
L’étiquette « Anxieux » simplifie abusivement les stratégies de gestion de la peur. Il n’y a pas un seul type d’enfant anxieux, ni une seule façon de gérer l’anxiété.
Dans tous les cas, l’anxiété a à voir avec la façon dont nous gérons la peur. Schématiquement, il y a 2 grandes manières de gérer sa peur (qu’elle soit aigüe – panique – ou chronique – anxiété diffuse) : l’évitement ou le contrôle.
L’évitement consiste à éviter d’affronter l’objet de sa peur. Dans certaines conditions, éviter est tout à fait approprié : s’il me manque des compétences pour gérer la situation, il vaut mieux éviter. Un peu de préparation et je pourrai plus facilement affronter ce qui me fait peur.
Mais continuer à éviter peut être problématique. En effet, l’évitement nous évite une sensation désagréable sur le moment. Super ! Mais il nous envoie aussi un message délétère : « si tu as évité, c’est bien que tu n’es pas capable de gérer !« .
Et donc, plus on évite, plus on a peur.
Le contrôle est une stratégie tout aussi pernicieuse. En théorie, le contrôle permet de se préparer et donc de partir en ayant réduit les risques d’échec. C’est donc une bonne chose, tout comme l’évitement quand je ne suis pas du tout prêt.
Mais parfois la croyance dans le contrôle devient une pensée magique : j’imagine qu’en refaisant encore et encore le même geste, je finirai par être totalement et intégralement rassuré-e. Une fois mon contrôle bien mené, je ne ressentirai plus rien de désagréable. Or rien n’est moins vrai : nous ne sommes jamais totalement rassurés mais nous prenons le risque d’essayer. Du coup, si, malgré mon contrôle, je ressens encore de la peur, je m’imagine que c’est parce que je n’ai pas suffisamment bien contrôlé … et j’augmente mon contrôle, je le refais encore et encore.
Avec le contrôle, je finis par m’imaginer que tout sera prévisible. Et j’attends de mon contrôle un soulagement qui ne vient jamais.
Ces 2 modes sont schématiques et on retrouve souvent un mix des 2 (ce qui est un bon équilibre … sauf lorsque le contrôle sert à éviter :-D).
Rituels et routines ne sont pas une baguette magique !
Vous me voyez venir ici à propos des rituels ?
En général, plus un enfant est anxieux, plus on recommande aux parents de mettre en place des rituels et des routines destinés – en théorie – à le sécuriser.
Les rituels peuvent aider les enfants qui sont dans l’évitement.
Ils leur donnent un peu de courage et de sécurité. Une fois armé de ce courage, il devient plus facile d’affronter la situation difficile (dormir seul, laisser partir papa ou maman à l’école ou à la crèche). Ils sont donc utiles pour ces enfants-là.
Ma proposition : construisez le rituel avec l’enfant s’il en âge de donner son avis.
Expliquez-lui simplement que ça peut servir à se sentir mieux avant de faire quelque chose de difficile (oui je sais, beaucoup d’entre vous m’ont demandé des histoires pour enfants au sujet des émotions, elles sont en préparation !). Proposez-lui de le faire jusqu’à ce qu’il se sente rassuré.
Mais, si un enfant est dans le contrôle, le rituel n’est rien moins qu’une nouvelle façon de contrôler. Un moyen qui renforce la croyance que tout doit être prévisible.
Le doudou peut par exemple devenir un moyen de contrôle … L’enfant panique alors plus parce qu’il croit que seul le doudou peut lui permettre de gérer son émotion. Perdre le doudou devient alors dramatique. Si vous-même paniquez lorsque votre enfant n’a pas son doudou, il y a peu de chances qu’il soit rassuré. La question « Où est le doudou ? » posée systématiquement par les parents ou les professionnels contribue alors à entretenir la dépendance de l’enfant par rapport au doudou … et à renforcer sa croyance dans son incompétence à gérer la situation, donc son anxiété.
De la souplesse dans les rituels est donc une EXCELLENTE chose.
Dans le cas des enfants « contrôlants », toute dérogation au rituel ou à la routine devient insupportable pour l’enfant. S’ensuivent alors pleurs, cris … et souvent crises de rage faussement attribuées à de la colère. L’enfant dans ce cas n’est pas en colère : il est en panique.
Pour éviter les crises – et pour sécuriser l’enfant qu’on sent par ailleurs anxieux – on va renforcer les rituels. Ce qui ne fait qu’aggraver le problème.
Ainsi, Lucas, 5 ans, avait besoin qu’on lui raconte par le menu comment allait se passer sa journée. Il avait besoin de savoir à quel endroit il allait mettre l’étiquette de son prénom sur le tableau de la classe, il avait besoin de savoir avant de sortir de la maison où il allait s’asseoir dans la voiture, qui serait là quand la famille rendait visite à des amis, … Et chaque situation imprévue déclenchait une crise de rage. Quel sale gosse qui veut toujours que tout se passe comme il veut LUI entendait-on la famille et les amis penser tellement fort qu’on pouvait les entendre.
Pour éviter les crises de rage – et pour le rassurer – ses parents le prévenait de tout, anticipait avec lui, pensant de bon coeur que la prévisibilité crée de la sécurité. Mais rien ne s’arrangeait. Au contraire.
Lucas n’est pas un cas rare. Et la mise en place de rituels renforcés pour aider ces enfants à gérer non plus, malgré la persistance de l’anxiété.
Faut-il totalement arrêter les rituels avec un enfant dans le contrôle ?
Arrêt total, pas forcément. D’autant plus que le rituel créant une illusion de sécurité, l’arrêt du rituel peut être mal vécu. Mais changer un peu le rituel, créer de l’imprévu dans le prévisible est une bonne solution.
Ma proposition : prévenez l’enfant que ça va être compliqué pour lui, qu’il va surement mal vivre la situation, pleurer, hurler, que tout ça est prévu.
Cette annonce rend prévisible la réaction de l’enfant. Alors qu’il la considérait comme imprévisible, elle devient prévue. Et donc moins difficile à supporter pour les petits contrôlants. Et ce faisant, ils apprennent à considérer leur angoisse comme normale et prévisible. Ce qui était précisément l’apprentissage dont ils avaient besoin ! Et hop le changement est en cours …
Attention, cette suggestion est surtout utile pour les plus petits et/ou les « contrôlants » les moins anxieux … Pour les plus grands et les plus anxieux, un prochain article est prévu 🙂 !
Cet article est le premier d’une série à propos des enfants anxieux. J’ai déjà plusieurs idées en stock mais vos questions, témoignages et expériences sont les bienvenues pour m’aider à enrichir mes articles et pour mieux répondre à vos attentes.
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Pour aller plus loin à propos de rituels et de routines pour les enfants
Sur ce blog :
- Le guide des émotions : la peur, signal d’alarme
- Mon enfant a peur des mouches
- J’ai peur de changer d’école
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