Les 3 grandes limites de l’écoute active (épisode 4/4)
Mieux communiquer – et notamment améliorer la qualité de vos reformulations – suppose de comprendre les limites de l’écoute active. Ne pas les connaitre rend votre pratique de l’écoute active moins efficace. Dans cet article je vous parle donc des 3 grandes limites de l’écoute active.
Note : cet article est le 4e d’une série sur l’écoute active, destinée aussi bien à tout à un chacun dans les situations de la vie courante qu’aux professionnels de la relation d’aide ou de soin (coachs, psys, médecins, thérapeutes, etc).
Dans les 3 premiers articles je vous ai parlé du ballon émotionnel, une image pour comprendre les effets de l’écoute active. Dans le 2e, j’ai abordé la question de la posture nécessaire pour écouter vraiment et dans le 3e, j’ai parlé de la techniques de l’écoute active : quoi reformuler, comment, etc
Alors zou c’est parti pour découvrir ensemble les limites de l’écoute active et rendre votre pratique encore plus puissante.
A noter : cet article existe en version vidéo sur Youtube (vidéo disponible en fin d’article). Pensez à vous abonner à la chaine 😉.
Limites de l’écoute active, n°1 : votre disponibilité
Dans un article précédent, j’ai évoqué une limite dûe à notre propre disponibilité mentale : lorsqu’on est épuisé-e ou stressé-e, on est moins disponible pour écouter.
Il est possible de mettre temporairement de côté son stress pour se rendre disponible pour écouter. Ca demande un peu de pratique et de compétences en métacognition = se rendre compte de ce qu’on pense et de ce qu’on ressent. Ce n’est pas toujours facile mais ça s’acquiert et ça se perfectionne avec le temps.
Quand vous le faites (mettre votre stress de côté), restez en vigilance sur votre état mental pour vous assurer que vous restez bien disponible pour écouter.
Un 1er conseil : quand vous réalisez que vous n’êtes pas disponible pour écouter, dites le clairement.
Même des enfants en bas âge sont en capacité de le comprendre . D’ailleurs si on fait semblant, notre écoute active va vite atteindre ses limites et l’émotion de l’enfant va augmenter.
Je l’illustre souvent dans mes ateliers pour les parents en disant : « vous vous sentez comme ça 🤬 mais vous tentez de paraitre comme ça 🥰 … L’enfant sent l’incohérence et il se demande ce qui est vrai. Il va donc – inconsciemment la plupart du temps – faire tout ce qui est en son pouvoir pour vérifier ce qui est vrai entre le 🤬 ou le 🥰 . Donc il va casser le vase de la grand mère, crier, etc et logiquement c’est le 🤬 qui va ressortir … Après ça il sera en quelque sorte rassuré : il sait à quoi s’en tenir maintenant. »
Mon conseil pour mieux écouter : travaillez votre conscience de vos pensées et de vos émotions … et osez affirmer vos limites (promis, personne ne vous en voudra, au contraire !)
Limite n°2 : votre implication dans le problème
L’écoute active peut être pratiquée même quand on est en conflit avec la personne qu’on veut écouter. Elle est même un outil indispensable dans la résolution de conflit.
Hélas je vois trop de gens qui commencent par écouter sans avoir clairement formulé qu’ils avaient un problème. J’appelle ça de l’écoute active « sauvage ».
L’écoute active « sauvage » crée un climat de manipulation qui détériore la relation.
C’est d’autant plus dommage que l’intention est bonne : on le fait parce qu’on a la conviction que ça va être aidant. Et ça l’est … quand on utilise l’écoute active au bon moment !
N’oubliez pas que la résolution de problème ou la gestion de conflit ne peut réellement commencer que quand on est d’accord sur le fait qu’on n’est pas d’accord … ET qu’il faut y faire quelque chose.
Cessons aussi de croire que l’écoute active est forcément bienveillante . Parfois elle sert juste à dissimuler notre peur d’assumer nos besoins ou notre honte/ culpabilité de devoir brusquer ou de contraindre l’autre. Dans ce cas là encore, l’écoute active ne donnera aucun résultat probant.
J’en profite pour vous parler des livres de Faber et Mazlish qui sont vraiment très bien faits. Les différentes étapes de la résolution de problème sont très bien décrites dans le livre « Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour qu’ils parlent ». Pour les parents ce livre est une excellente base que je recommande (et pour les autres, même si vous n’avez pas d’enfants, c’est une bonne base de communication aussi).
Avis aux parents (et aux managers) : mieux vaut être occasionnellement autoritaire en imposant son choix que de simuler une écoute active pour faire croire à l’autre (enfant ou salarié) que vous le respectez.
Je vous invite à lire les chapitres « management » et « éducation » du livre « Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens ». Sa lecture est d’utilité publique. Ces 2 chapitres – et le reste du livre – sont très éclairants sur les limites des démarches dites participatives ou de l’écoute.
Mon conseil pour dépasser ces limites de l’écoute active : soyez transparent sur vos intentions pour éviter des attitudes manipulatoires et assumez vos besoins sans chercher à les enrober de pseudo-bienveillance.
Limite n°3 : la disponibilité de la personne que vous écoutez
L’écoute est inefficace quand l’autre est totalement débordé émotionnellement.
Quand le débordement émotionnel est trop intense, l’écoute active est totalement inutile : dans cet état, le cerveau ne capte plus grand chose. Bien au contraire, les mots, les bruits, la lumière, deviennent des excitants qui empêchent de se calmer.
Cela vaut particulièrement pour les enfants en bas-âge. Au moment où un enfant de 3 ans est en train de se rouler par terre en hurlant, l’écoute active ne sert plus à grand chose (elle peut servir avant ou après).
Dans ces situations, il ne reste plus qu’à attendre que la tempête se calme en stimulant le moins possible ce cerveau dépassé. Cela signifie généralement arrêter de parler, réduire les bruits, la lumière, etc.
En formation, j’illustre cette limite de l’écoute active avec ce graphique :
Si vous voulez télécharger l’image des niveaux d’envahissement émotionnel, c’est par ici.
L’écoute active n’est utile que dans les zones d’envahissement modéré. Quand la personne – adulte ou enfant – est hors limites, ça ne marche plus ou très difficilement.
Important : chez les adultes, le retrait est plus souvent présent que chez les enfants. Dans les accompagnements de couple, les attitudes type « argumentation rationnelle » sont parfois des attitudes défensives traduisant un envahissement émotionnel.
Ce qui m’amène directement aux limites de l’écoute active liée à la motivation de l’interlocuteur :
On ne fait pas changer quelqu’un qui n’a pas de problème.
Si son débordement émotionnel n’est pas un problème pour l’autre – ou pas un problème suffisant pour le motiver à changer – vous aurez beau écouter, il ne se passera rien.
Pratiquer l’écoute active quelqu’un qui n’a pas envie que les choses changent, ça ne sert à rien !
En clair, l’écoute active est efficace quand l’autre est motivé à changer quelque chose, même si ce n’est pas exactement la même chose que vous. cf la limite n°2 : on ne peut résoudre un conflit que si on est 2 à reconnaitre qu’il y a un problème et qu’il faut faire quelque chose pour que ça change.
Dernière chose à noter : l’écoute active ne fait pas changer les gens. L’écoute active permet aux personnes écoutées de retrouver leurs compétences « de base » .S’ils l’avaient déjà, la solution à leur problème leur redevient alors accessible.
Mais il se peut aussi que la solution ne soit pas accessible car il eleur manque des informations, des compétences, un apprentissage (souvent le cas chez les enfants). L’écoute devra alors être suivi d’outils permettant l’acquisition de ce qui mange.
C’est dans ces situations – personne non motivée à changer, personne manquant de compétences / apprentissages / connaissances – que les outils complémentaires du questionnement et du changement de cadrage sont utiles.
Mais ce sera pour une autre série d’articles 😁
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La version vidéo de l’article pour ceux qui préfèrent écouter et regarder
Pour aller plus sur l’écoute active
Sur ce blog, les 3 articles précédents au sujet de l’écoute active :
- Les effets de l’écoute active 1/4
- La posture et les freins à l’écoute active 2/4
- 4 clés pour une bonne technique d’écoute active 3/4
Des livres pour approfondir le sujet :
- Savoir écouter ça s’apprend – Christel PetitCollin : un livre simple avec des exercices concrets pour développer sa technique d’écoute
- Petit Traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens – Joule et Beauvois : un livre d’utilité publique !
- « Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour qu’ils parlent » et encore mieux (plus axé sur l’écoute, même pour les grands malgré le tittre !) « Parler pour que les petits écoutent » de Faber et Mazlish : des livres très concrets et réalistes pour améliorer sa communication vers les enfants (utiles pour les parents et toute personne en contact avec des enfants)
Vous pouvez prendre rendez-vous avec moi pour un accompagnement ou une supervision. ou encore me faire savoir si vous seriez intéressé-e par une formation à l’écoute active (en présentiel).
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