Comment gérer l’éducation quand on a peur que l’enfant préfère vivre chez son autre parent
Le SOS S Comm CUn petit rappel du principe du SOS S Comm C : vous m’envoyez des questions par mail à l’adresse sandrine@scommc.fr en précisant bien « QUESTION POUR LE SOS« . Je choisis une question ou un thème et je le traite dans une vidéo de 15 à 30 minutes diffusée en direct sur la page Facebook de S Comm C (puis disponible en replay).
La question de la semaine : comment gérer l’éducation quand on a peur que l’enfant préfère vivre chez son autre parent ?
Voici la question telle qu’elle m’a été envoyée :
Je suis maman d’un garçon de 7 ans, son papa et moi sommes séparés depuis bientôt 3 ans. Nos méthodes d’éducation sont très différentes, voire opposées. Son papa est du genre laxiste et privilégie son bien-être à lui, à l’éducation de son fils. Par exemple, le matin il continue à dormir le plus tard possible pendant que son fils mange des gâteaux devant la télé. Du coup, pour gagner du temps, c’est lui (le papa) qui l’habille au tout dernier moment (à 7 ans !). Il a très peu, voire pas de règles, il ne se douche pas, ne se lave pas les dents, a droit à des dessins animés et jeux vidéos à toute heure.
Chez moi, j’ai d’autant plus de règles que je sais qu’il n’en a pas chez son père. Les dessins animés, c’est le week-end seulement, durant un temps précis, toujours aux mêmes horaires. J’essaie de le rendre autonome et de le faire participer aux tâches ménagères (entre autres, on fait des trucs fun aussi 🙂 )
Pour le moment il semble relativement bien jongler entre ces deux univers si différents. Autant, ce que je fais actuellement me semble primordial pour l’aider à bien grandir et devenir une personne indépendante dans la société, autant j’ai peur que ça lui pèse à l’adolescence et qu’il me rejette avec toutes mes règles à la noix…
Ce n’est donc pas vraiment une question, plus une inquiétude :-).
Je profite aussi du thème pour aborder une autre question sur un sujet proche : Comment faire pour ne plus subir les manquements de l’autre parent ? (parent qui ne respecte pas les heures de départ et d’arrivée lors de l’alternance de garde par exemple).
Comment gérer l’éducation quand on a peur que l’enfant préfère vivre chez son autre parent ? – Ma réponse en vidéo
Pour celles et ceux qui préférent l’écrit, voici quelques éléments que je développe dans la vidéo :
Comment gérer l’éducation en cas de séparation ?
Caroline parle la peur que les règles qu’elle pose pèsent à son enfant à l’adolescence. Mais elle a aussi à coeur de lui transmettre de bonnes valeurs. Elle est prise dans une double peur : si elle penche trop d’un côté ou de l’autre, ça ne va pas. C’est ce qui rend si difficile l’équilibre.
Bon à se rappeler : un équilibre dynamique (quand on avance) est fait de déséquilibres successifs (comme quand on marche ou on court). Si on ne veut pas de déséquilibre, on est figé.
C’est normal qu’il y ait des déséquilibres, qu’on va rectifier et faire évoluer avec le temps. Ce qui va faire que ça fonctionne, c’est la qualité de la relation entre Caroline et son enfant : comment l’enfant peut exprimer ce qui ne va pas, ce qui lui pèse, ce qu’il va mal et comment c’est pris en compte par Caroline.
Mon attention est plus attirée par cette phrase : « j’ai d’autant plus de règles que je sais qu’il n’en a pas chez son père ». On voit ici la tentative de se rassurer sur le côté « je transmets les bonnes valeurs ». Mais ça a pour effet immédiat d’activer la peur « comment ça va se passer à l’adolescence ».
Cette 2e peur est très fréquente. Elle joue un rôle majeur dans les relations des familles recomposées. Par peur que l’enfant préfère aller vivre chez l’autre parent (ou pour ne pas donner prise à celui-ci), les parents modifient leur manière de faire, peuvent alléger certaines règles ou intervenir sur la manière dont leur nouveau conjoint (le beau-parent) interagit avec leur enfant. Cela mène souvent à des situations difficiles : sentiment d’injustice entre les enfants, dégradation de la relation entre nouveau conjoint et enfant, dégradation de la relation dans le couple.
Gérer en compensant ce que fait l’autre, un risque pour la relation avec son enfant
En essayant de compenser ce qui se passe chez l’autre parent, on prend le risque de ne plus être ajusté à ce dont l’enfant a spécifiquement besoin. L’enfant pourra alors nous reprocher – à juste titre – notre injustice ou notre rigidité.
Cela correspond aux 3 niveaux de la relation et de la communication :
- Un niveau personnel = ce qui me semble juste à moi, la manière dont je gère moi personnellement
- Un niveau relationnel = ce que je fais – en plus ou en moins – destiné à faire passer un message à l’autre (à l’enfant pour renforcer la valeur des règles qu’on veut lui inculquer ou au papa pour lui montrer qu’il devrait être plus strict).
- Un niveau sociétal, lié aux stéréotypes. Je ne développe pas ici mais j’en parle un peu dans mon « Guide de survie à la charge mentale » et j’aborderai aussi ça dans mon programme « Les bases de la Communication dans le couple » à voir ici
En résumé : ce qui est fait au niveau relationnel = pour renforcer le message risque d’être contre-productif pour la qualité de la relation. Cela peut provoquer ce que Caroline veut justement éviter = dégrader la relation et conduire l’enfant à demander à vivre chez son père.
Comme je l’ai dit dans le précédent SOS, l’antidote à la peur, ce n’est pas la réassurance : c’est le courage. Ici c’est même la confiance …
Ici, plus précisément, il s’agit d’agir en fonction de ce qui est juste chez soi et non en réaction à ce qu’il se passe chez l’autre.
J’ajoute que l’immense majorité des enfants et ados (ceux que je reçois en tout cas !) sont tout à fait lucides sur ce qui est important et sain pour eux. Ils sont d’autant plus capables de lucidité qu’on leur fait confiance sur leurs capacité à juger correctement. Ne se sentant pas pris au piège d’un conflit de loyauté ou de tentatives pour les orienter, ils peuvent évaluer plus justement la situation.
L’enfant comprend très bien qu’il y a 2 façons de vivre différentes, il comprend aussi que ses parents peuvent être en tel désaccord qu’ils en arrivent au conflit. Ce qu’il vit mal, c’est d’être pris à parti dans un conflit entre ses parents.
Un piège à éviter : la comparaison !
Spontanément l’enfant peut jouer des désaccords entre ses parents (même quand on n’est pas séparés), surtout s’il pressent que ça peut tourner à son avantage. C’est humain = « oui mais chez papa ou chez maman on fait comme ci ou comme ça ». Quand les parents ne sont pas séparés, le point de comparaison va être « chez mes potes, ça ne se passe pas comme ça. » (et vous remarquerez que c’est TOUJOURS plus cool chez les potes que chez nous, à croire qu’on est les parents les plus strics du monde !!!)
Eviter de rentrer dans ces comparaisons est le meilleur moyen de s’éviter beaucoup de problèmes, exactement comme c’est le cas dans la fratrie.
Quand l’enfant arrive avec un « oui mais chez l’autre, il se passe ceci », on peut juste répondre : « On n’est pas en train de parler de ce qui se passe quand tu es chez ton père/ta mère, on est en train de parler de ce qui se passe ici. Qu’est-ce qu’on devrait changer ICI pour que ce soit moins injuste sans comparer avec chez l’autre ? »
Savoir faire respecter ses limites, c’est important aussi
La seule limite c’est la négligence avérée qui touche l’enfant. Je fais le lien avec une autre question qui m’a été envoyée cette semaine. Dans la situation décrite, le papa ne respecte pas les horaires convenus : la maman attend dans la voiture qu’il arrive quand c’est son tour, ou bien il propose à la maman de laisser les enfants seuls à la maison s’il n’est pas à l’heure, ce avec quoi elle est en désaccord. La maman dit « mon ex est très autocentré et son mode de vie n’est pas compatible avec la vie de famille.«
Sauf que, quand on a une charge de famille, on a des devoirs et des responsabilités. Et on ne peut pas rester totalement auto-centré. Dans des cas comme celui-ci, on rentre dans un cadre juridique : il y a des règles, on ne fait pas comme on veut. On peut donc rappeler à l’autre de manière orale puis écrite simple qu’il y a eu manquement (pour pouvoir prouver qu’on a tenté le dialogue). S’il n’y a pas de réaction positive, il peut être nécessaire de faire un courrier recommandé précisant ses attentes puis faire intervenir la justice si ce n’est pas respecté (Juge aux Affaires Familiales).
Le gros frein est souvent que, pour éviter un conflit qui serait nuisible aux enfants, des parents (et souvent des mères) rognent sur leurs droits. Ce faisant, on ne contribue pas à faire changer les choses durablement. A ce sujet, je vous invite à écouter l’épisode : « le patrimoine, un enjeu capital » du podcast « Les Couilles sur la table », très éclairant (et très frustrant !!!). Cela peut vous aider à avoir moins d’état d’âme à faire respecter vos droits.
Quelques ressources pour aller plus loin :
- Sur ce blog :
- comment gérer les désaccords éducatifs
- De la difficulté d’être belle-mère
- et bien d’autres articles sur le couple
Besoin d’une aide supplémentaire : vous pouvez prendre rendez-vous avec moi ou découvrir Le Guide de la Charge mentale.
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Oh comme ça raisonne tout ça !
J’ai été enfant dans un cadre comme celui là. Un père très auto-centré, une mère qui compensait tout. Chez lui, on était livrés à nous mêmes. Mon père passant son temps dans son bureau. Nous on jouait toute la journée dans le jardin avec les chien. Il sifflait la meute deux fois par jour (Les chien et nous) pour nourrir tout le monde et c’était reparti. Quand il faisait la grasse mat on regardait la télé (par contre ensuite on ne la voyait plus de la journée). Il ne se souciait pas de nous laver, il nous ramenait à 22-23h le dimanche soir. Plus tard, il ya eu les filles de passage aussi.
Ma mère c’était la structure, c’est elle qui gérait l’administratif, la scolarité, le conservatoire (dont j’ai dû redoubler une année par ce que cette année là un des cours était sur le temps de mon père et qu’il a refusé de m’y emmener, la danse c’est pas un sport, ça ne valait pas la peine). Elle était inquiète de nous laisser à notre père quand on était petits. Et il faut dire que si j’ai des souvenirs formidables d’enfance sauvage, mes yeux d’adulte ont peur des risques qu’on a couru et que je risquerais pas de laisser mes enfants vivre ça…
Et du fait de son inquiétude et des risques réels, ma mère me rendait responsable de veiller sur mon petit frère. Au début on avait 3 et 6 ans.
Mais on était d’une certaine façon lucides sur le fait que ce qu’on vivait chez notre père n’était pas standard. On a sû jongler entre les deux. En arrivant à l’adolescence, déjà notre père s’est un peu plus intéressé à nous, mais on avait notre vie sociale, notre structure et on profitait du temps infini dont on disposait chez lui pour faire plein choses dans notre coin, mais ni mon frère ni moi n’avons envisagé d’aller chez notre père à l’adolescence, même si lui a espéré. On préférerait la structure que nous offrait notre mère, la vie sociale quelle nous permettait d’avoir, son soutien pour notre scolarité, et nos activités sportives (Les innombrables aller-retours avec les entraînements quasi quotidiens pour deux enfants, ça en fait des kilomètres…).
Merci de ce témoignage. Il me conforte dans ce que me disent les jeunes que je reçois : ils sont bien conscients de tout cela, dès un âge assz jeune. Pour peu qu’on n’essaie pas de les influencer, ils savent à quoi s’en tenir. Confiance en eux :-).
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