De la difficulté d’être belle-mère …

Etre belle-mère, rien de moins simple : des modèles positifs quasi-inexistants, les émotions qui s’en mêlent, alors on fait comment pour être belle mère ?

Environ 10% des enfants français vivent dans une famille recomposée (ça faisait 1,5 millions d’enfants en 2011). Ca en fait des belle-mères ça non ? Franchement je leur tire mon chapeau parce que devenir belle-mère (et beau-père aussi) ce n’est pas simple.

Etre belle-mère, ça veut dire quoi ?

livre de conte de fée montrant blanche neige et sa belle mère lui offrant une pomme : difficile d'être belle mère sans modèles positifs

Déjà « belle-mère », le mot ne fait pas plaisir. De Mme de Trémaine (Cendrillon) à la Reine Sorcière (Blanche Neige), ou à Mme Fichini (les malheurs de Sophie), on ne peut pas dire que les belles-mères aient le beau rôle ! (A noter que les beaux-pères ont un moins mauvais rôle : ils sont au pire absents mais plus rarement aussi réellement maltraitants. Stéréotypes sexistes obligent.) Bonjour les modèles se pour construire une posture juste !

C’est d’autant plus difficile que beau-parent n’est pas un rôle auquel on se prépare inconsciemment dès l’enfance (contrairement à parent). Bref, on se retrouve belle-mère (ou beau-parent) du  jour au lendemain … et on est un peu perdu. Logique puisqu’on n’a pas de modèle, peu de représentations positives … et beaucoup d’enjeux.

Difficile d’être belle-mère dans la vraie vie

Et si on parlait d’une belle mère aujourd’hui ? Appelons-la Sophie (tous les prénoms sont imaginaires et la situation est une compilation de cas similaires réels que j’ai reçus en accompagnement).

Sophie est belle-mère depuis près d’1 an. De Clara, une pré-adolescente de 11 ans. Depuis, elle marche sur des oeufs. Elle cherche la posture juste. Elle veut être bienveillante, respectueuse, ne surtout pas « prendre la place de la mère ». Un « t’es pas ma mère ! » que la jeune fille en question lui envoie bien sûr à la figure chaque fois que Sophie se permet de lui rappeler une consigne de la maison (mettre son linge sale au panier et non sur le sol de la salle de bains, débarrasser la table, etc).

Sophie réfléchit beaucoup. Et au quotidien, elle tempère, elle fait des concessions. Elle ne veut pas créer de gros clashs. Après tout ce n’est pas si grave, dans l’ensemble ça ne se passe pas aussi mal que ça.

Mais quand même, Sophie en a gros sur la patate régulièrement. Pas étonnant : quand on prend trop sur soi, on a forcément besoin d’exploser de temps en temps. Il y a donc des éclats.

En résumé, par souci de bien faire, de ne pas blesser ni Clara ni son conjoint), Sophie tempère, modère au quotidien, elle prend sur elle (à noter que prendre soin de la santé émotionnelle et affective de la famille est une part importante de la charge mentale des femmes). Mais par moments, elle ne peut se retenir d’exploser de colère. Elle n’aime pas ça, se trouve injuste et irrationnelle dans ces moments-là.

Plus Sophie prend sur elle et se retient, plus elle prend le risque d’exploser fortement. Ses tentatives sont donc vouées à l’échec.

Comment le papa réagit-il ?

Régulièrement et pour justement pour éviter d’exploser, Sophie parle de ses difficultés à Philippe, son conjoint et papa de Clara. Philippe compatit. Mais il trouve que Sophie exagère par moments (notamment dans ses moments d’explosion). Il lui demande de « faire des efforts » (ce qu’elle fait déjà), renforçant ainsi le problème. Et il lui demande de lui laisser gérer les choses avec sa fille, d’intervenir le moins possible directement. Toutes ces demandes ont un but : apaiser les choses, éviter les disputes.

Car Philippe a peur. Peur que sa fille souffre de la situation, peur qu’elle se fâche. Alors quand Sophie lui demande d’intervenir, il parle à sa fille en lui demandant à elle aussi de « faire des efforts ». Mais il n’est pas très exigeant avec elle. Il est retenu par la crainte que sa fille demande à aller vivre exclusivement chez sa mère. Il essaie donc de tempérer au maximum.

Il trouve aussi – mais n’ose pas l’avouer par peur de fâcher Sophie cette fois – que sa compagne exagère. Clara est une ado après tout, pas la peine se de mettre dans des états pareils pour un comportement « normal » (là encore les stéréotypes sexistes sont à l’oeuvre : ce sont des « trucs de fille » et si elles mettent un peu d’eau dans leur vin, ça va s’arranger). En gros il est un peu lassé de faire l’intermédiaire dans cette situation.

En résumé, par peur de fâcher sa fille et sa compagne, Philippe se sent obligé d’intervenir. Il préférerait que tout ça se règle sans lui. Mais pour éviter que la situation s’envenime, il demande aux 2 de « faire des efforts », il demande à Sophie de ne plus faire de réflexions à Clara et n’intervient que « gentiment » envers Clara.

Plus Philippe essaie de tempérer et de modérer moins Sophie se sent entendue et plus sa colère et son agacement face à Clara monte. Les tentatives de Philippe pour réguler la situation ne font donc qu’envenimer les choses entre lui et Sophie et entre Sophie et Clara.

Et être une belle-fille, c’est comment ?

jeune adolescente en colère, difficile d'être belle mère !Clara trouve sa belle-mère hypocrite. Pourquoi ? « Elle va tout cafter à mon père derrière mon dos, elle ne me dit rien en face. Du coup, je laisse trainer des trucs exprès pour la faire chier. »

Clara en rajoute donc dans le comportement de l’ado, par pure provocation face à ce qu’elle considère comme un manque de sincérité à son égard. Tout ça, elle me le dit à moi mais elle pourrait difficilement le dire à son père – trop de bénéfices à perdre ! – ni à Sophie – qui aurait de toute façon du mal à l’entendre – ni à sa mère – qui l’utiliserait à son avantage pour appuyer sa vision négative de Sophie.

Bref, toutes les tentatives des adultes – Philippe et Sophie en tout cas – ne font qu’aggraver la situation.

Et puis, pour tout dire, Clara se trouve un peu prise dans un conflit de loyauté par rapport à sa mère. Si elle se mettait à apprécier Sophie, qu’en dirait sa mère ?

Soit dit en passant chaque fois que vous dites du mal des nouveaux partenaires de vos ex, ce sont vos enfants qui souffrent de la situation. Chaque fois que vous leur montrez de la confiance pour estimer justement la valeur d’une personne, ils vous en seront infiniment reconnaissants … et d’autant plus enclins à vous parler de leurs doutes le cas échéant s’ils savent que vous ne chercherez pas à les manipuler.

Alors comment faire en sorte qu’être belle mère soit moins difficile ?

Une relation est une relation. Les régulations en direct entre les 2 protagonistes sont essentielles. Quand ces régulations sont empêchées, la qualité de la relation est rarement bonne.

Ici elles le sont de 2 manières : par les interventions de Philippe motivées par la crainte de voir les choses s’envenimer et par la vision du monde de Sophie pour qui « une belle mère n’intervient pas comme une mère« .

Oui mais comment doit-elle intervenir alors ?

Pour se sortir de là, voici mes propositions applicables dans de nombreux cas similaires :

  • Philippe doit prendre du recul sur sa peur pour faire confiance à Sophie et à Clara. S’il les considère toutes les 2 comme capables de faire la part des choses, de savoir ce qui est juste de ce qui ne l’est pas, il n’aura plus besoin d’intervenir entre elle. En intervenant, il augmente la colère de Sophie et renforce involontairement la mauvaise image de celle-ci auprès de Sophie.
  • Sophie a besoin de faire la différence entre la position de « mère » et celle de « belle-mère » pour pouvoir s’autoriser à intervenir plus facilement. Je lui ai proposé de lister toutes les interventions qu’elle avait besoin de faire auprès de Clara. Puis de trier lesquelles relevaient d’une posture de « mère » et lesquelles relèvent d’une posture de « adulte responsable d’un enfant et partageant le même lieu » (astuce : en vrai les seules intervention qui était pour Sophie d’une posture de « mère » étaient celles autour du travail scolaire). Etre autorisée à réguler « comme elle le sent » a permis à Sophie de s’énerver beaucoup moins et d’être plus juste.

Après quelques semaines de ce nouveau fonctionnement, Sophie trouve que le quotidien est juste « normal » avec une ado de cet âge. Elle a arrêté de se prendre la tête sur les devoirs et les choses qui sont le travail « d’un parent » et vient même au secours de Clara sur ces sujets (en se montrant moins exigeante que son papa). Elle accepte mieux les mouvements d’humeur de Clara face à ses demandes (soupirs, râleries classiques des ados) sans en rajouter. Elle n’a plus besoin de prendre sur elle.

Le point de vue de Clara : « Elle est encore chiante par moments, mais elle ne fait plus son hypocrite. Elle est même cool avec moi sur certains trucs » dit Clara. Elle n’en rajoute plus par provocation mais reste sur la réserve encore. Elle a besoin de temps pour faire vraiment confiance.

Et Philippe ? Il est un peu rassuré sur la situation même s’il reste vigilant. « Avec mon ex, elle peut tout utiliser contre nous, faut faire gaffe. » Il ne ressent plus le besoin d’intervenir et voit que l’idée de faire confiance à Clara et Sophie pour faire la part des choses a grandement facilité l’amélioration de la situation.

Et chez vous, c’est comment la famille recomposée ?

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Sandrine Donzel

Parentalité, couple, communication, développement personnel ? Votre vie ne ressemble pas à ce qui est décrit dans les livres ? Pas de panique et bienvenue dans la VRAIE VIE, celle qui est abordée sur ce blog ! Je vous y propose des outils concrets, pragmatiques et REALISTES pour répondre à vos interrogations. Bonne lecture !

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4 thoughts on “De la difficulté d’être belle-mère …

  • Ping :Comment gérer l'éducation quand on a peur que l'enfant préfère vivre chez son autre parent - S Comm C, le blog

  • 19 septembre 2022 à 11:19
    Permalink

    Merci Sandrine pour cet article qui fleure bon la vraie vie, comme toujours sur ton blog. Les pistes sont intéressantes. J’ajouterais deux points :
    – parfois, pour Sophie, Philippe ou Clara, accepter que la relation ne fonctionne pas comme souhaité, voire soit mauvaise, permet de redonner de la souplesse aux interactions et de rendre le rôle de chacun moins difficile (ex : Philippe accepte que Sophie ne prenne pas la place qu’il aimerait, ou Sophie accepte de n’avoir qu’une place très marginale dans la vie de Clara). D’autant que, comme tu l’évoques dans l’article, cette relation est parfois quasiment interdite par l’autre parent !
    – il arrive que les Sophie soient stigmatisées comme étant la cause des dysfonctionnements familiaux – ou s’en culpabilisent elles-mêmes. Dans mon expérience, quand la relation belle-mère / beau-fils ou belle-fille est mauvaise, regardez la relation du père avec les mêmes enfants (elle est rarement paisible…) et de la relation père / mère des enfants (rarement apaisée). Dans ce cas, si Sophie cherche à tout prix à améliorer sa relation de belle-mère, elle lutte contre plus fort qu’elle, et se fait du mal.

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    • 19 septembre 2022 à 15:45
      Permalink

      merci pour ces précisions !
      Effectivement, je n’ai pas évoqué ce point qui n’était pas présent dans cette situation mais qui peut l’être :-).

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  • Ping :Que faire quand l'autre parent me fait passer pour un méchant auprès de mon enfant ? - S Comm C, le blog

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