On n’est pas des putes !
Elle est en panne de désir. Elle culpabilise de ne pas retrouver son désir et souffre aussi de la pression que lui met son conjoint dans ce domaine. Elle devrait avoir du désir pour lui …
Elle en parle à son psy … Normal … Et voilà la réponse de celui-ci …
Mais madame vous devriez être heureuse que votre compagnon aie du désir pour vous, c’est plutôt flatteur !
Vous devriez en profiter au lieu de vous en plaindre …
Je m’excuse d’avance de la suite auprès des âmes sensibles et des oreilles chastes mais ce que j’ai envie de dire c’est
Put*** de b*** de m*** !!!!!!!! (auto-censure) !!!
Tu veux pas qu’elle lui file 100 balles et un mars aussi ?
Et qu’elle baise avec lui tous les soirs en guise de remerciements tant qu’on y est ???
Et tu crois vraiment qu’elle va retrouver son désir avec ça ?
Sérieusement ?
Note à ceux qui me soupçonnerait de féminisme exacerbé : j’aurais écrit le même article si un homme m’avait rapporté des propos similaires et mon titre parle aussi bien des hommes que des femmes.
Passée cette réaction de mauvaise humeur, voyons les choses d’un peu plus près …
Bon déjà, est-ce si flatteur que ça que quelqu’un aie du désir pour nous ?
C’est probablement flatteur et valorisant que quelqu’un aie du désir pour nous. A première vue. Parce qu’à mieux y regarder, on peut en discuter selon le contexte …
* Est-ce flatteur si je n’ai ni estime ni admiration pour la personne qui me désire ? Est-ce flatteur de se sentir désiré-e par quelqu’un qu’on n’apprécie pas ?
Je ne crois pas non.
Ce serait plutôt avilissant que d’être désiré-e par une personne qui représente des choses que nous détestons. Un gars a dit un jour à une amie à moi : « de toute façon t’es moche ! » et elle lui a répondu :
Je suis soulagée. Parce que te connaissant, ça aurait été hyper vexant pour moi de penser que je pouvais être ton type de femme.
C’est moi que j’aime à travers toi … Etre désiré-e par quelqu’un qu’on n’estime pas est rarement flatteur parce que cela nous renvoie une image que nous ne voulons pas avoir.
* Est-ce flatteur si la personne qui me désire désire tout ce qui bouge ?
Je ne crois pas non plus.
Se sentir – au moins un petit peu – unique et « spécial-e » aux yeux de l’autre, ça compte aussi.
Si je sens que l’autre a envie de sexe en général mais pas de moi en particulier, il y a peu de chances que je me sente flatté-e du désir de l’autre. Même pour un coup d’un soir.
* Est-ce flatteur si j’ai l’impression que le désir sexuel n’est qu’une façon de gérer le stress, la pression de se soulager ? J’en ai déjà parlé ici, dans l’article « problème ou solution ? »
Non plus, non.
Personne n’a envie d’être considéré et traité comme une poupée gonflable, un objet. Ce n’est valorisant pour personne et ça ne suscite pas le désir.
Alors oui quand notre partenaire attitré nous désire, celui ou celle avec qui on a choisi de construire sa vie, il est probable que la 1e condition est présente = on a généralement du respect, de l’estime, de l’admiration pour cette personne (pas toujours car la relation a pu se dégrader au point qu’on a perdu ce respect et cette admiration, au moins en partie).
Par contre, il est fréquent que les 2 autres conditions soient présentes et du coup le désir de l’autre n’est plus aussi flatteur que ça, même dans un couple.
Alors monsieur le psy, vous pouvez allez vous rhabiller avec votre flatterie …
Et quand bien même ce serait flatteur …
Mais comme je suis bonne joueuse, je veux bien admettre qu’on puisse considérer le désir de l’autre comme étant flatteur.
Alors allons-y : admettons que ce soit flatteur et qu’il faille s’en réjouir. Ca change quoi ?
Parce que c’est flatteur, dois-je consentir à des relations sexuelles pour remercier mon partenaire de son désir pour moi ?
hem hem hem …
Attendez 2 secondes là : donner son corps en échange de quelque chose – rémunération, gratification, faveur, … – ça ne vous rappelle rien ?
D’aucuns appelleraient ça de la prostitution.
Certes relationnelle, mais quand même y a de ça …
Et franchement, je ne crois pas que la prostitution soit une bonne manière d’entretenir son désir pour son partenaire.
Et je ne crois pas non plus que demander à son partenaire de se forcer à avoir des rapports sexuels soit un bon moyen de faire renaitre le désir du dit partenaire qu’il soit masculin ou féminin.
Ca peut être un choix – que je respecte totalement – de se dire qu’on a des relations sexuelles pour avoir la paix dans le couple, qu’on se doit de remercier de cette façon son/sa partenaire pour ce qu’il nous apporte. C’est un choix possible mais qui peut avoir un impact fort sur le désir.
Une prostituée ne désire pas ses clients. Elle fait son boulot.
Quand on fait le choix d’avoir des relations pour remercier l’autre, il y a peu de chances qu’on aie du désir.
On fait juste son devoir (ou ce qu’on estime être son devoir). Et les 2 – devoir et désir – sont assez peu compatibles.
Autre chose à propos du désir …
Parfois j’ai un peu l’impression de radoter mais je le répéterai autant de fois qu’il le faudra !
On ne se force pas à avoir du désir, ça ne marche pas !
Note : j’en ai déjà parlé ici, dans l’article « Le désir, cet oiseau sauvage et délicat »
Et on ne peut forcer personne à avoir du désir pour nous.
Ce n’est quand même pas compliqué à comprendre, qu’on soit un homme ou une femme.
Le désir nait dans la séduction, dans le mystère. Pas dans l’exigence et la force.
Vous avez déjà eu envie de faire une chose qu’on vous forçait à faire vous ?
Le corps et le désir ne se marchandent pas.
L’absence de désir doit être respectée.
Ce qui ne veut pas dire qu’on doit se contenter de la situation et ne rien faire. Mais qu’il vaut mieux éviter de forcer l’autre.
Je sais à quel point cela peut être blessant ou humiliant de sentir que son partenaire n’a plus de désir pour nous. On a l’impression de ne plus rien valoir, de ne plus être désirable, de ne plus plaire. Oui, c’est difficile et blessant. Vraiment.
Tout comme il est difficile de se sentir coupable de ne pas avoir le désir que l’autre attend de nous. Tout comme il est difficile de se croire à l’origine des problèmes parce qu’on n’a plus de désir.
Vous voulez que votre partenaire aie du désir pour vous ?
Si on veut créer le désir chez l’autre, cela signifie le séduire ou le re-séduire si on est déjà partenaires. J’en ai déjà parlé ici, en réaction aux propos d’Aldo Naouri dans l’article « Naouri, nique ta mère … heu non ta femme pardonn ! ».
Si on veut susciter le désir de son ou de sa partenaire, il vaut mieux se montrer sexy et désirable, créer un peu de mystère, prendre soin de soi … et prendre soin de l’autre aussi évidemment aussi, lui montrer qu’on l’apprécie … mais qu’on apprécie aussi d’autres personnes. Parce que, du coup, notre désir pour notre partenaire a de la valeur à ses yeux, il n’est destiné qu’à certaines personnes bien spéciales.
Et montrer aussi qu’on n’est pas aussi facilement accessible que ça. Parce qu’on ne désire vraiment que ce qu’on n’a pas …
Ca demande un peu d’efforts mais ça se résume à une phrase :
Vous voulez que votre partenaire aie du désir pour vous ? Soyez désirable !
Ca ne garantit pas le résultat mais ça donne de bonnes chances que le désir revienne 😉
Mais c’est plus facile à faire que de susciter son propre désir par la force de la volonté, ce qui est tout bonnement impossible.
Et dans le couple installé alors ?
Non le désir n’est pas acquis pour toute la vie, même si on a de l’amour, du respect, de l’estime, et tous les bons sentiments possibles pour la personne avec qui on vit.
Le désir ne se décrète pas une fois pour toutes, il s’entretient et se suscite. Ce n’est pas parce qu’on est en couple que le désir est là une fois pour toutes.
Il grandit, diminue, disparait puis revient sans qu’on puisse avoir le contrôle sur lui, et pour des raisons à peu près inconnues. L’arrivée d’enfants, un deuil, un changement professionnel, du stress, n’importe quel changement personnel ou familial peut avoir des impacts sur le désir. C’est un fait.
Nos relations de couple évoluent, changent, pour le pire ou le meilleur. Quand on a des bas, ce n’est pas forcément un problème … mais ça peut simplement être une variation naturelle de nos relations, de notre désir, la vie quoi.
Quand ça dure et que l’un des 2 – et généralement les 2 – en souffrent, on peut aussi se questionner sur le contexte qui a généré ce manque de désir … mais ce sera probablement l’objet d’un autre article ;-).
Quelques livres pour aller plus loin ? Je ne mets pas de livres suite à cet article car je n’ai pas trouvé de livres sur le couple qui me parlent. Je préfère donc ne pas vous en recommander avant d’avoir trouvé des ouvrages de bonne qualité sur le sujet.
Je vous mets quand même celui-ci qui n’est pas si mal, même s’il a un côté parfois un tout petit angélique qui peut surprendre :
Pour plus de ressources autour du couple – articles d’autres blogs, vidéos, … – retrouvez ma « revue de Web » par ici.
Bonjour et Joyeux Noël à toi Sandrine,
Merci pour cet article. J’aime beaucoup tes articles concernant le couple, heureusement que tu es là pour en parler, et de cette façon !! Bravo et merci encore.
J’ai pas loin de mon chevet un bouquin de Gary Chapman (365 méditations quotidiennes pour le couple) je devrais le lire plus régulièrement !
Sinon à quand ‘ton’ livre sur le couple ?
Bisous et bonne année 2014
Caro
Merci !
Merci pour cet article très intéressant et déculpabilisant ! Il met en mots certaines de mes difficultés du moment, mais avec légereté et optimisme… Quand j’ai « le nez dedans », je me sens seule, isolée, fautive, dans l’impasse…mais à la lecture de cet article, je sens que ma situation est communément humaine, tout sauf définitive et m’incite à lâcher prise. alors pour ça un grand merci !
mais de rien 😉 !
Salut Sandrine
Quand tu parles du désir:
« Le désir nait dans la séduction, dans le mystère. Pas dans l’exigence et la force.
Vous avez déjà eu envie de faire une chose qu’on vous forçait à faire vous ? »
Cet phrase m’a parlé mais dans un contexte éducatif, pour que nos enfants aient envie de faire quelque chose, il faut parfois faire naitre le « désir » de ranger tout le salon dans les trois prochaine minute… Mais c’est difficile a faire, de mettre de la joie et des sourires dans nos actions et nos demande, on a tellement été habitué a l’exigence au lieu de passer du bon temps ensemble…
Je crois que ça s’applique a beaucoup d’autre domaine que le désir sexuel.
Merci pour cet article en tout cas.
C’est tout à fait vrai : quand je parle de désir, je ne parle pas que de désir sexuel, je parle d’envie tout court ;-).
wow! MERCI pour cet article! je me sens mieux, moins seule,et rassurée!
Je note aussi que ce « désir » peut s’appliquer à plein d’autres choses que le désir sexuel, je rejoins complètement Chris là dessus!
encore une fois merci !
Bonjour Sandrine,
Tombé récemment sur votre blog, je suis en train de lire avec plaisir et intérêt l’ensemble de vos articles.
Je me permet cependant de réagir sur le choix de titre que vous avez effectué pour cet article.
Ne pensez-vous pas que ce titre risque d’être excluant pour une certaine catégorie de la population ? Un certain nombre de personnes qui peuvent se sentir concernées par ce billet sont des « putes », et il y a, je pense, un risque qu’elles ne veuillent pas aller plus loin dans la lecture en lisant son titre.
Je comprend l’idée de ce choix de mots, qui est explicité dans l’article : la critique de la perception de la sexualité (souvent féminine) dans le couple comme un service dû à son conjoint. Mais ce titre ne risque-t-il pas d’être inutilement stigmatisant pour ces personnes ? D’autant plus que le mot « pute » est en soi problématique, au même niveau que le mot « pédé » pour un homosexuel par exemple.
Je pense qu’il peut être possible de changer le titre sans trop modifier l’idée derrière. Par exemple, pour reprendre un terme que vous utilisez dans l’article : « On n’est pas des poupées gonflables » ou bien, si vous souhaitez garder l’idée de prostitution : « Dans le couple, on n’est pas le/la prostitué(e) de l’autre ».
Je ne sais pas, en revanche, s’il est possible de changer le nom de la page dans l’URL…
En tout cas, merci beaucoup pour tous ces articles passionnants, et j’en ai encore pas mal à dévorer !
Merci pour votre retour.
Comme je le dis dans l’article, c’est pour moi un choix comme un autre que de choisir de se soumettre au désir de son conjoint ou de sa compagne par devoir conjugal et afin d’avoir « la paix » dans d’autres domaines. Simplement il ne faut pas en attendre du coup que cela suscite chez nous du désir pour l’autre, ni même du plaisir évidemment.
J’ai choisi le titre à dessein pour montrer les implicites d’une situation que beaucoup de personnes considèrent comme « normale », non pas comme stigmatisation pour les prostituées mais comme révélateur du fait que demander un service sexuel en échange d’autre chose est apparenté à de la prostiution. Effectivement il peut être perçu comme stigmatisant, ce qui n’était pas mon intention.
Je préfère le laisser ainsi, par pure provoc je l’avoue, quitte à recevoir des critiques que j’assume ;-).
Je partage entièrement le raisonnement que vous tenez dans l’article, et je comprend bien l’idée qui sous-tendait le choix de ce titre. Il est évident à la lecture l’article que vous ne visez pas à stigmatiser les personnes prostituées mais parlez de tout autre chose. Cependant, n’est-il pas important de se demander ce que ces personnes risquent de ressentir en lisant ce titre ? Un propos peut être stigmatisant sans que ce soit l’intention de celui qui l’a tenu.
Il y a dans ce titre une prise de position, une mise à distance par rapport à un état (la « pute ») et le choix du mot injurieux donne vraiment le sentiment que « Nous, on vaut mieux que ça ! ». Imaginez maintenant qu’une personne prostituée lise ce titre et l’interprète de cette manière. Quelle sont les chances pour qu’elle ait la force de lire l’article en craignant (à tord ici) d’amplifier son malaise initial ? La putain est très souvent le croquemitaine de tel ou tel raisonnements sur le net, au détriment de l’estime (par les autres et de soi) de toutes les personnes réelles derrière ce mot.
Pour vous donner une idée de ma vision des choses, imaginez un article sur le net qui critique la nouvelle mode de l’épilation chez les hommes, avec l’injonction de l’homme plastique et androgyne et le mépris croissant des poils vus comme symboles de saleté, de barbarisme, de brutalité. L’article est intéressant, raisonné, donne à réfléchir. Oui mais voilà, le titre de l’article est « On n’est pas des tapettes ! ». Cela ne vous poserait-il pas problème ?
Je comprend votre volonté de faire de la provoc, pour pousser à la réflexion et à la remise en cause de nos idées reçues sur les rôles au sein du couple, mais je pense que l’effet de bord que je vois (le ressenti de malaise et de rejet chez des personnes prostituées tombant sur ce titre) pourrait être évité avec un autre choix de mot. Utiliser le terme « poupée gonflable » au lieu de « pute » (par exemple) ne pourrait-il pas conserver ce coté provoc tout en réglant ce problème ?