On a tout essayé … sauf l’amour
Sophie a 4 ans. Elle tape souvent son petit frère de 1 an, surtout quand il se met à pleurer ou touche ses jouets. Elle a des comportements difficiles, dit non tout le temps, crie, pleure et tape. Quand sa mère lui en parle, elle dit « il ne faut pas taper » mais remet ça à la première occasion. « J’ai tout essayé » dit la maman.
Lucas a 8 ans. Il se plaint toujours de tout, râle tout le temps. Il fait des crises à la moindre contrariété et est tellement insupportable que ses parents n’osent pas le confier à quiconque. Quand ses parents lui parlent du problème, il dit « je suis nul ». « On a tout essayé » disent-ils.
Gabriel a 6 ans, il refuse d’apprendre à lire. Il ne veut pas aller à l’école et refuse de travailler quand il y est. Il a refusé de faire des tests chez l’orthophoniste. Quand on aborde le sujet devant lui, il a des comportements difficiles : il insulte les adultes – « grosse pute », « pauvre conne » … – et se met à faire n’importe quoi. « On a tout essayé » disent de concert la maman et l’institutrice.
Il n’y a pas de bonne façon de faire quelque chose qui ne fonctionne pas
Tous ces gens ont effectivement en commun d’avoir essayé. Beaucoup, souvent, longtemps.
Ils ont essayé les recadrages classiques : explications posées, gronderies, punitions, parfois même fessées ou tapes pour les enfants. En couple aussi, les explications ont commencé avec « ça ne me convient pas » et des explications posées sur que faire d’autre à la place.
Ils ont aussi essayé une attitude plus positive : être à l’écoute des émotions de l’autre, utiliser une communication plus respectueuse comme la communication non violente.
Mais rien de tout ça n’a fonctionné. Je l’ai déjà dit sur ce blog mais encore une fois : il n’y a pas de bonne façon de faire quelque chose qui ne fonctionne pas.
Derrière toutes ces situations, beaucoup de choses ont été essayées mais toutes avec l’intention bienveillante de faire changer le comportement de l’autre, de l’aider à gérer différemment la situation pour que les choses se passent mieux. Oui l’intention est presque toujours bienveillante au départ : permettre à l’autre d’intégrer, des règles, des compétences, … qui lui permettront d’aller mieux.
Mais souvent dans ces cas-là, je me dis qu’on n’a pas vraiment tout essayé. La seule chose qu’on n’a pas encore essayé, c’est l’amour …
On a tout essayé … sauf l’amour et la confiance.
Entendons-nous bien : je ne dis pas qu’il ne faut pas dire à un enfant ce qu’il doit faire ou ne pas faire. Ce que je dis, c’est que, lorsque nous lui demandons quelque chose et qu’il ne le fait pas, cela n’entache pas notre amour pour lui. Et pour cela les mots ne suffisent pas.
Dire à un enfant qu’on l’aime quoi qu’il arrive et lui envoyer par ailleurs le message que son attitude ne convient pas ne marche pas. Car l’enfant reçoit 5 sur 5 le message « je ne fonctionne pas comme il faut » . Et la conclusion qu’il en tire, c’est qu’il n’est pas à la hauteur des attentes de ses parents, qu’il les déçoit et donc qu’il n’est pas aimé pour ce qu’il est mais pour ce qu’il fait.
Et il en souffre. Beaucoup, souvent, longtemps.
Aussi longtemps en tout cas que son entourage lui fait passer le message qu’il doit changer.
Dans toutes ces situations, c’est l’amour inconditionnel qui a permis de renverser la situation. De façon radicale et impressionnante parfois.
« Parfois, c’est dur d’avoir un petit frère hein ? Moi aussi je déteste quand il pleure. La prochaine fois que tu le trouveras vraiment trop pénible, viens me faire un calin. » a proposé la maman de Sophie.
« Nous savons que tu vas avoir besoin de crier et de taper quand les choses ne te conviennent pas. Ce n’est pas un problème pour nous. Viens nous montrer à quel point ça ne va pas aussi souvent que tu veux » ont dit les parents de Lucas.
« Tu as peut-être peur de rater quand tu essaies quelque chose » ont dit à la fois les parents de Gabriel et sa maitresse. « C’est vrai que c’est désagréable de rater. Il n’y a que toi qui peut prendre cette décision. Nous ne pouvons pas t’obliger à le faire si tu ne te sens pas. »
Ces mots et ces attitudes-là envoient le message à l’enfant qu’il peut ne pas être à la hauteur, que ce n’est pas un problème.
Et ce qui se passe alors, c’est que, débarrassé de la culpabilité et de la honte de ne pas être à la hauteur, l’enfant peut alors gérer les situations de façon plus sereine … et il se rend compte à ce moment là qu’il est capable d’agir autrement. Et les adultes qui l’entourent avec lui !
Sophie a cessé de taper son petit frère et est devenue une enfant beaucoup plus facile à gérer.
Lucas s’est calmé et ne fait plus de crises impressionnantes, il a pu avoir des discussions posées avec ses parents.
Gabriel accepte la plupart du temps les exercices que lui propose sa maitresse. Il n’insulte plus les adultes et est beaucoup plus calme.
Et il n’est pas rare que je propose le même genre de tâches dans les relations de couple, pour constater le même effet positif 🙂 …
Le résultat d’un processus
Il me parait important de préciser que tout cela est le résultat d’un processus : c’est parce que nous avions d’abord bien fait comprendre à l’enfant quel comportement serait attendu que le renversement d’attitude fonctionne. Cette attitude ne peut pas fonctionner si l’enfant n’a pas déjà intégré ce que nous attendons.
Mais il me parait important de réagir plus vite : les enfants ont parfois souffert des mois, voire des années. Si nous pouvions changer cela plus tôt, ce serait tellement mieux pour l’enfant et pour ses parents : les 2 se sentent en échec et vivent mal la situation.
Et pour cela, 2 choses me paraissent essentielles :
- changer l’image de l’enfant : cessons de penser que l’enfant est pas un « animal » ou un petit « sauvage » qu’il faut domestiquer et dresser. L’enfant est un être sensible, doué d’émotions, d’empathie et d’intelligence. Ses comportements ont un sens. A ce sujet, l’article « ce que tous les parents devraient savoir » peut vous apporter des pistes complémentaires.
- cesser de penser qu’il faut tenir, être ferme, ne pas faire de compromis : lorsque nous nous énervons, lorsque nous sommes en tension face à notre enfant, c’est généralement parce que nous essayons de faire quelque chose qui ne marche pas. J’en avais parlé un peu dans 2 articles – « je m’énerve trop vite, je crie sur mes enfants » et « quelles sont les causes des conflits ? » – mais j’ai en prévision un article au sujet de la violence dans nos relations avec les enfants (je le mettrai en lien dès qu’il sera écrit !).
Cet article vous a plu ? Vous avez envie d’en savoir plus et de recevoir régulièrement des infos autour de ce sujet ? Alors cliquez ici !
Pour aller plus loin :
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J’adhère à 100% ! Il n’y a meilleur chemin que celui du cœur !
Merci Sandrine, ca va bien me servir 🙂
Merci Sandrine pour cet article, il nous donne une approche différente pour Alexandre, membre d’une fratrie de quatre enfants, que nous essayons de « cadrer » pour ses emportements « violents ».
La violence est généralement le signe d’une tentative de se contenir qui échoue. Effet cocotte minute en gros.
Donc diminuer la pression sur le comportement attendu fonctionne souvent très bien.
J’ai tellement fait lire ce billet dans mon entourage qu’il fallait quand même que je repasse par ici pour écrire un grand MERCI !
C’est tellement plus clair quand c’est quelqu’un d’autre qui l’explique si bien. Et plus « acceptable » quand c’est une pro qui parle.
Ça ne m’empêche pas de pédaler dans la semoule régulièrement au quotidien, mais ça soulage réellement de pouvoir faire comprendre aux spectateurs éventuels (très nombreux depuis mon accouchement il y a 3 semaines) quelle ligne de conduite je tente de suivre. Au pire, le temps de la lecture, ça détourne leur attention pendant que je gère une « crise » ! 😉
Encore une fois MERCI !
De rien 😉 … et je vais essayer de faire plus de vidéos, c’est plus accessible pour les gens qui n’ont pas trop envie de lire.
Bonne idée !
Et pourquoi pas aussi des vidéos pour les enfants ? Enfin compréhensible pour les enfants, et à regarder avec les parents, pour ouvrir une discussion ?
J’explique mon idée : on fait des sortes de « conseils de famille » de temps en temps, pour trouver une solution à un problème récurrent, et je cherche des façons de présenter le problème que je souhaite aborder sans que ce soit vécu comme une agression ou une remise en question personnelle, ce qui n’est pas simple…
Un élément extérieur donc neutre serait un super outils !
vidéo pour enfants, c’est prévu oui notamment au sujet des émotions.
Je n’avais pas pensé à des vidéos sur des thèmes plus larges pour susciter la discussion en famille. Mais ce serait une super idée oui.
J’ai donné le lien vers ce billet (et d’autres) ici (dans les commentaires), je tenais à rendre à César, etc :
http://mercimontessori.blogspot.fr/2015/01/premiers-pas-en-sophrologie.html
Nous avons aussi essayé ca avec notre petit de 3 ans qui tape, mord, crie, hurle, pousse sa petite soeur, ses parents, grand-parents et les autres enfants. Et il le fait toujours…nous sommes vraiment démunis.
Je ne comprends pas bien l’application de cette phrase « « Parfois, c’est dur d’avoir un petit frère hein ? Moi aussi je déteste quand il pleure. La prochaine fois que tu le trouveras vraiment trop pénible, viens me faire un calin. » a proposé la maman de Sophie. » dans des situations pareilles et quand l’école commence à me dire qu’il est trop turbulent et violent avec les autres.
Et pour rebondir sur d’autres articles, ce genre de situation me rends vraiment triste, car il commence vraiment à se faire rejeter par les autres.
L’idée de la phrase « Parfois, c’est dur d’avoir un petit frère hein ? » est de montrer à l’enfant que ce qu’il ressent – colère, tristesse, frustration, … – est légitime. Etre en colère ET s’entendre dire qu’on n’a aucune raison de l’être aggrave souvent la colère.
La partie suivante : « Moi aussi je déteste quand il pleure. » permet de normaliser ce que l’enfant ressent. Les plus petits croient souvent être les seuls à ressentir ce qu’ils ressentent. Ils s’en trouvent anormaux, bizarres et culpabilisent (oui, dès 12-18 mois, peut-être même avant). Et là aussi, cette émotion de honte et de culpabilité peut venir aggraver l’émotion.
Mais ce n’est pas tout : la 3e partie de la phrase (« viens me faire un calin ») sert à entrainer à gérer sa colère autrement. ON peut en effet être énervé et en colère mais il n’est généralement pas acceptable de gérer cette émotion avec des gestes violents. Si les gestes sont motivés par une émotion, souvent on peut encore choisir d’agir autrement AVANT qu’il ne soit trop tard. Si l’enfant ne sait pas quoi faire d’autre que taper lorsqu’il ressent l’émotion en question, il va taper. Là, on ouvre une porte de sortir – « viens me faire un calin » – et l’enfant a un choix : soit il tape, soit il vient vous faire un calin.
Souvent ça l’aide à ne pas taper.
Je vous invite aussi à parcourir les autres articles du blog, notamment la rubrique « Relation à l’enfant ». Vous y trouverez d’autres pistes.