Une autre façon de voir la dépression

Voir la dépression comme une maladie de la déception – et non comme une perte d’énergie – ça change beaucoup de choses. Je vous en parle dans cet article.

Préambule : Je ne donne ni conseils ni solutions. Ma particularité est de proposer des expériences et des manières différentes de voir. C’est ce que vous trouverez dans cet article. Ce sont ces expériences qui vous aideront à changer concrètement les choses … A vous de vous jouer maintenant 🙂 …

C’est quoi la dépression ?

Jee reçois souvent en accompagnement des patients avec le diagnostic de dépression, fait par un professionnel de santé ou auto-attribué. Les symptômes les plus souvent cités sont : tristesse, faible estime de soi et dévalorisation, perte de plaisir, diminution de l’intérêt pour la quasi-totalité des activités, manque d’énergie, etc

Ces symptômes sont souvent vus comme des causes, amenant alors la personne qui en souffre – et son entourage – à lutter contre ceux-ci avec des injonctions comme « il faut que je me bouge / Allez, sors, fais des choses« . L’idée est que « se bouger » permettra de faire des activités et ainsi retrouver du plaisir et sortir de la tristesse.

Pour ma part, j’aborde ces situations d’une manière bien différente. Je considère ces symptômes comme des conséquences et non des causes. Cela m’amène à voir la dépression comme une maladie de la déception. Et ça change beaucoup de choses dans la manière d’aborder la dépression. Je vous explique …

Ce qui m’intéresse plus que tout, c’est ce qu’il se passe ici et maintenant dans la vie des personnes que j’accompagne. Ici et maintenant, les gens décrits comme dépressifs n’ont pas perdu l’envie, ils ont perdu le courage et l’énergie. Cela suscite chez eux des déceptions quotidiennes. Chaque exhortation à « faire des choses pour soi », « se bouger », « agir » est suivie d’une déception :

« Je devrai sortir, aller marcher un peu dehors. Mais je n’y arrive pas. C’est nul. Ce n’est pourtant pas compliqué. »

« Ma femme/mon mari/mes amis me disent « Allez, viens, ça te fera du bien. ». Je sais qu’ils ont raison mais je n’arrive pas à les suivre. Je me dis que je ne fais que m’enfoncer encore plus en n’y allant pas mais c’est au-dessus de mes forces. »

La première étape dans le cercle vicieux de la déception est là :

« je devrais FAIRE quelque chose mais je n’y arrive pas » ==> je suis déçu-e de moi-même.

Jour après jour, les exhortations provoquent de nouvelles déceptions douloureuses. Pour éviter ces déceptions, le cerveau finit par couper l’envie sur base d’un raisonnement simple :  moins j’ai envie, moins j’agis, moins je rencontre de déceptions. Nous retrouvons ici le symptôme de perte d’intérêt pour toutes les activités, y compris les plus simples.

Ce raisonnement pourrait être aidant pour nous : en nous évitant des déceptions, nous récupérons en énergie et nous redevenons capables à nouveau de gérer des déceptions (réguler une émotion désagréable demande toujours de l’énergie).

Sauf que le cerveau oublie un 2e niveau : l’exhortation à AGIR est assortie d’une injonction à en ressentir les bienfaits : « Si tu agis, tu te sentiras mieux ». La personne dépressive attend logiquement beaucoup de bien de son action. Point sur lequel elle est à chaque fois déçue : anticiper la satisfaction dans une situation diminue automatiquement celle-ci. 2e déception :

« quand je réussis à agir je n’en ressens pas les bienfaits attendus » ==> que j’agisse ou que je n’agisse pas, je suis mal. Je ne peux pas m’en sortir.

Plus les déceptions s’accumulent, plus le découragement s’installe. On en arrive à l’état de tristesse, à la perte de plaisir, ainsi qu’à la perte d’estime de soi décrites dans les symptômes de la dépression.

Comment on en arrive là ?

Les gens ne se mettent évidemment pas du jour au lendemain à devenir dépressifs. La dépression s’installe souvent suite à un épisode difficile (harcèlement, deuil, burn-out). Cela s’explique de différentes manières :

  • l’épisode a demandé beaucoup de ressources émotionnelles : s’ensuit une forme de décompression, une période où la personne a besoin de se retirer, de se reposer. Si, à ce moment-là, elle – ou son entourage, lui enjoint un peu trop vite d’aller mieux, elle peut se décevoir de ne pas y parvenir alors qu’elle avait juste besoin de temps. Ou bien traverser les suites de cet épisode difficile demande de l’aide que la personne n’a pas trouvé.
  • la personne ne se trouve pas à la hauteur dans l’épisode traversé : elle est en colère contre son entourage ou contre le contexte qui a déclenché ou laissé perduré cet évènement (harcèlement, violence, etc). Mais elle ne parvient pas à exprimer cette colère et la retourne contre elle-même sous forme de « je ne suis pas à la hauteur« . Elle peut même être en colère contre elle-même dans ce contexte et tenter de réguler cette colère en s’envoyant des injonctions inattaignables à sa propre encontre, auto-générant sa propre déception.

Elle peut s’installer aussi insidieusement dans le quotidien, souvent là aussi quand notre vie nous apporte de petites et de grandes déceptions : je me fais malmener par mon/ma partenaire sans savoir comment réagir, j’ai des soucis professionnels, je n’ai pas les moyens financiers pour nourrir mes enfants ou pour m’habiller correctement, …

Les évènements déclencheurs de la déception n’ont pas d’importance et ne peuvent pas être évalués « objectivement » : ce qui compte, c’est le niveau réel de déception qu’ils provoquent chez la personne (et pas celui qu’ils « devraient » provoquer !) et leur accumulation. C’est cela qui va conduire à la dépression.

Comment peut-on espérer se sortir de la dépression ?

En résumé, la personne dépressive a perdu son énergie, soit par fatigue physique consécutive consécutive à une période où la personne a dû gérer beaucoup émotionnellement (on est alors plutôt un burn-out), soit par fatigue psychique que le cerveau provoque pour éviter les déceptions (on est alors plutôt dans une dépression)

Pour s’en sortir, il est donc logique de chercher à regagner en énergie mais :

le manque d’énergie rend difficile la régulation de nouvelles émotions difficiles, notamment de la déception. 

La personne aura alors du mal à réguler correctement la déception, à prendre du recul sur ce qu’elle ressent. En gros, si vous voulez vous sortir de la dépression :

Evitez absolument la déception …

tant que vous ne vous sentez pas parfaitement en mesure de la supporter 

Bien sûr, cela va à l’encontre des injonctions habituelles (mais mes lecteurs fidèles ont l’habitude 😀 !). Si vous y allez trop tôt et trop vite, vous serez immanquablement déçu-e, aggravant alors votre cas. Bien sûr, cela peut être effrayant de se dire qu’on ne va rien faire. J’attire justement votre attention sur le fait qu’il ne s’agit pas de ne surtout rien faire … mais de mieux respecter vos capacités actuelles. C’est précisément cela qui vous optimisera vos chances de regagner en énergie.

Si vous avez une personne dépressive dans votre entourage, vous pouvez aussi respecter mieux ses ressources du moment en en prenant soin à sa place. Cela peut donner quelque chose comme : « Je te proposerai bien de venir avec moi faire une petite marche. Mais ce n’est pas peut-être pas ce dont tu as besoin. Ne le fais que si tu te sens vraiment sûr-e que ça te fera vraiment beaucoup beaucoup de bien. Si ce n’est pas le cas, il vaut sans doute mieux que tu restes ici. »

Une fois que l’énergie revient un tout petit peu, pas trop d’optimisme (qui serait néfaste ici vous l’aurez compris). Il y a souvent ensuite des émotions (colère, sentiment d’injustice, tristesse, etc) à réguler ; parfois il faut travailler sur des relations difficiles (en famille, avec les amis ou au travail) ; parfois des compétences sont à acquérir dans ces relations (se positionner plus justement, exprimer ses limites, etc).

Mais surtout respectez bien vos capacités à gérer la déception 🙂 …

Voici quelques questions pour aller plus loin :

  • En quoi cette vision de la déception vous parait-elle pertinente ou adaptée à votre situation (ou à celle d’un de vos proches) ?
  • Qu’est-ce que cette vision vous permet de faire de différent face à un proche qualifié de dépressif ?
  • Quels risques cette vision peut-elle représenter pour vous ou la personne concernée dans votre entourage ?

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