Quand faut-il arrêter de donner des explications aux enfants ?
Nous avons compris que les enfants sont des personnes avec des sentiments et des capacités. Cette vision a mis les explications en tête des outils éducatifs.
Ca parait logique : si l’enfant est un être doué d’intelligence, comprendre la logique de nos ordres est censé l’amener à adopter « le bon comportement« . Nous expliquons pourquoi il ne faut pas taper sur sa soeur, pourquoi il faut se laver les dents, pourquoi il faut passer moins de temps sur les écrans, etc. Et nous en attendons que l’enfant change son comportement.
Assez souvent, ça fonctionne plutôt bien.
Les explications donnent du sens à certaines contraintes
J’ai utilité le pouvoir des explications trèès souvent avec mes enfants. Ca m’a évité de très nombreux conflits et ça a été très efficace pour développer leur compréhension du monde. Dans l’immense majorité des cas, les explications fonctionnent donc parfaitement bien.
Je dirai même plus : les explications dans l’éducation sont indispensables pour construire un monde rassurant – car logique – pour l’enfant. Ce qu’on lui demande de faire a du sens pour lui et c’est plus simple de faire quelque chose si on comprend pourquoi il le faut.
Mais les explications ne « fonctionnent » pas toujours. Parfois nous avons beau expliquer encore et encore, l’enfant ne fait pas mieux ce qui est attendu.
Ca finit même par nous faire sortir de nos gonds ! Nous utilisons un outil logique, respectueux de l’enfant et tout ce que nous obtenons c’est … rien du tout. Il y a de quoi péter un cable !
Plus on a passé de temps et d’énergie, à expliquer, ré-expliquer, plus on cru dans les vertus de l’explication et plus leur échec sera vécu violemment.
(au fait si le sujet de la colère vous intéresse, ma mini-formation gratuite « Je m’énerve trop vite » devrait vous intéresser).
Quand elles ne « fonctionnent » pas, les explications peuvent dégrader la relation
Puisque nos enfants sont intelligents et nos explications logiques, il ne reste plus que la mauvaise volonté comme explication à la non obéissance. C’est là que nous nous retrouvons dans une impasse relationnelle.
La compréhension par l’enfant (le sens) est devenu L‘outil ultime de l’éducation. Parfois le seul.
L’explication devient même le seul outil accessible. Puisqu’on a renoncé à la punition ou à tout autre moyen de coercition, nous ne pouvons à compter que sur l’intelligence de nos enfants pour faire ce que nous leur demandons. Ce qui renforce encore le sentiment d’impuissance et la colère.
Les explications ont des limites
Oui, indéniablement, les explications ont des limites.
Expliquer, c’est faire un pari sur la capacité de notre interlocuteur à être RAISONNABLE … et non sur son intelligence.
Si celui-ci ne peut pas ou ne veut pas se montrer raisonnable, c’est foutu 😁
Encore faut-il savoir ce qu’on entend par « raisonnable » …
Oui nos enfants sont compétents, capables de discerner le bien du mal (au sens moral du terme) dès 15/18 mois, capables de logique aussi. En 1 mot : ils sont indéniablement doués de raison. Ils peuvent donc COMPRENDRE d’un point de vue intellectuel et logique en quoi ce que nous leur demandons serait souhaitable.
Mais ils ne sont pas plus RAISONNABLES que vous et moi :
- parfois ils ne partagent pas la même vision des choses que nous
- parfois ils sont incapables de choisir un comportement « raisonnable » face à un comportement « émotionnel » (nous autres adultes faisons aussi un nombre incalculable de fois)
Etre raisonnable demande des compétences complexes
Etre raisonnable, ça suppose des compétences (très) complexes :
- savoir maitriser son impulsivité (très difficile avant 6/8 ans)
- disposer de stratégies variées permettant de réagir constructivement à ce qui nous arrive. Une bonne partie de ces stratégies est acquise par les expériences de la vie = plus on est vieux, plus on a vécu de situations diverses, plus on a lu/regardé/écouté des gens variés (discussions, témoignages, films, livres, etc), plus on a acquis des stratégies et des expériences variées
- savoir réguler ses émotions : les identifier, les comprendre ET savoir comment réagir (déjà là, en tant qu’adultes on est parfois démunis)
- savoir arbitrer entre bénéfices à court terme et bénéfices à long terme (un truc pour lequel l’humain, même adulte, est hyper mal équipé)
- et surement d’autres que j’oublie !
Alors comment faire pour que les explications soient efficaces et nous évitent d’avoir recours à des moyens éducatifs moins sympathiques ?
1ère règle : bien choisir le moment où on explique
Les explications ne peuvent être entendues que lorsque l’enfant est émotionnellement à l’équilibre. S’il est sous le coup de la frustration, de la déception ou de la colère, il n’entend plus les explications. Elles peuvent même augmenter l’émotion, rendant les réponses de l’enfant encore moins rationnelles.
Les explications se donnent plutôt à froid, avant (en anticipation) ou après (en « debriefing » et préparation de la fois suivante).
Pour mieux comprendre, une illustration et un article : le ballon émotionnel
2e règle : savoir arrêter d’expliquer
Par suite logique de la 1e règle, mieux vaut arrêter de donner des explications quand l’enfant est envahi émotionnellement. On peut l’aider par l’écoute active (reconnaitre et valider son émotion).
Lorsque l’enfant est vraiment hors limite = débordé par son émotion, on peut couper toute interaction au moins verbale le temps que l’enfant redescende.
Le cas particulier de la honte et de la culpabilité
La honte et la culpabilité passent souvent inaperçues chez les enfants. J’en avais déjà parlé dans cet article.
Souvent, en effet, ces émotions amènent des réactions paradoxales chez les enfants : aggravation des comportements problématiques, des comportements colériques, opposants ou même insolents.
Hélas, nous (adultes éducateurs et parents) interprétons rarement ces comportements comme étant un signe de culpabilité ou de honte. Nous les voyons au contraire comme le signal que l’enfant ne COMPREND pas ou fait EXPRES de ne pas comprendre … et nous repassons le disque des explications. Ce qui a pour effet d’aggraver la honte.
La colère/la rébellion exprimées par l’enfant peuvent alors être vues comme des moyens de nous demander de lui laisser le temps de digérer sa culpabilité. Une bonne occasion de cesser d’expliquer !
Quand les explications donnent un bénéfice à l’enfant
Quand bien même la colère ou l’opposition seraient un moyen pour l’enfant d’obtenir qu’on lui lâche les baskets, expliquer peut fournir à l’enfant des bénéfices qui lui évitent d’avoir à changer d’attitude.
Un exemple avec Théo (situation tirée de plusieurs accompagnements parentaux similaires) : Théo – 11 ans – râle en permanence. Toute contrainte lui est insupportable. Et il ne fait pas que ça : il ment, gruge et cherche toutes les occasions de tourner les choses à son avantage.
Ses parents sont démunis : « Quand on finit par l’engueuler, c’est lui qui nous engueule en retour. Il est insolent et agressif.« . Ils cherchent à le comprendre et discutent beaucoup avec lui, lui fournissant aussi de nombreuses explications sur le pourquoi ils lui demandent telle ou telle chose. Ils lui demandent aussi des explications sur les raisons qu’il a de se comporter comme il le fait.
Mais ces explications sont peines perdues : Théo contre argumente sans fin, trouvant généralement la faille dans leur raisonnement ou piquant une crise quand il ne la trouve pas ou quand ses parents coupent court parce que l’explication a trop duré.
Tout se passe comme si les explications et la discussion alimentaient chez Théo l’idée qu’il va bien finir par trouver le moyen de ranger ses parents à SON point de vue et que, quand il n’y arrive pas, c’est bien le signe que ses parents sont vraiment « débiles » (ce qu’il leur a d’ailleurs déjà dit à plusieurs reprises).
Accessoirement, lors de l’argumentation, il arrive que ses parents trouvent son point de vue logique et accèdent donc à ses demandes, ce qui ne fait que renforcer chez Théo l’idée que les explications sont un bon moyen d’obtenir des aménagements. Théo n’a donc absolument aucune raison de changer.
Note 1 : vivre dans un climat tendu et se faire régulièrement gronder n’est PAS une raison suffisante pour changer pour 2 raisons :
- l’enfant n’a jamais la certitude que ce sera mieux pour nous après = Que vaut-il mieux ? Vivre dans un climat tendu MAIS avoir une certaine marge de liberté ou vivre dans un climat apaisé MAIS devoir se plier à toutes les demandes de ses parents ? (c’est binaire mais c’est souvent la crainte que les enfants expriment)
- les gronderies ne sont pas une souffrance pour l’enfant : se faire gronder n’est pas inquiétant pour l’enfant quand les parents sont par ailleurs des parents aimants et respectueux (autrement dit : l’enfant a bien compris le concept d’amour inconditionnel 🤣)
Note 2 : discuter avec ses enfants et savoir reconnaitre quand ils ont raison est une attitude éminemment éducative … dans un autre contexte relationnel = quand il n’y a pas de problèmes particuliers comme celui rencontré ici.
Dans des situations comme celle de Théo, une des actions à mettre en place est donc … d’arrêter d’expliquer en disant quelque chose comme : « mon chéri, tu connais notre point de vue et que tu sais que nous ne changerons pas d’avis. A partir de maintenant, toute discussion sur le sujet est close : tu sais ce que nous attendons de toi, tu sais que tu as des parents débiles qui ne changeront pas d’avis, inutile d’y revenir.«
Evidemment, ce changement doit aussi s’accompagner d’une fermeté certaine sur ce qui est attendu de l’enfant, ce qui n’est pas le plus simple 🤣.
Quand les explications s’arrêtent, le changement commence
Arrêter d’expliquer permet alors à l’enfant de commencer à changer intérieurement et à devenir plus responsable de ses actes. Et nous, parents, nous pouvons enfin nous énerver moins 😉.
Evidemment ça ne marche QUE quand on a d’abord expliqué et que ça n’a pas marché 😁 (sinon ce serait trop simple !)
Dans quelles situations pensez-vous avoir besoin d’arrêter d’expliquer ? Quelles difficultés rencontrez-vous pour arrêter d’expliquer ?
Vous pouvez me partager en commentaire de cet article ou par mail vos situations.
Ce que je partage dans cet article fait partie des connaissances et compétences sur lesquelles nous échangeons dans l’atelier parentalité « parler pour que les enfants écoutent, écouter pour qu’ils parlent » que j’anime régulièrement.
Cette série de 7 séances couvre tous les aspects de la parentalité et vous aidera à acquérir des outils et des connaissances concrètes qui peuvent vous aider au quotidien. Si vous voulez en savoir plus sur l’atelier et découvrir les prochaines sessions, c’est par ici
Pour avoir des ressources complémentaires aux articles publiés sur ce blog, vous pouvez vous abonner à ma newsletter en cliquant ici (un mail plein de ressources toutes les 2 semaines, et parfois plus souvent 😉).
Vous pensez avoir besoin d’un accompagnement pour une situation parentale où vous vous sentez démuni-e ? Découvrez comment je travaille dans mes accompagnements (possibles en visio, en présentiel à Aoste dans le Nord Isère ou à Aix les Bains en Savoie) :
Découvrez aussi mes prochaines conférences ici.
Plus de ressources à propos de la place des explications dans l’éducation des enfants
Si mes ressources vous sont utiles et que vous voulez contribuer à les faire connaitre, vous pouvez :
- partager, liker et commenter cet article (et mes autres publications) sur les réseaux sociaux
- faire suivre cet article à vos amis
Vous pouvez aussi, si le coeur vous en dit, faire un don sur Tipeee (plateforme de pourboire participatif) ou sur Paypal (uniquement si vous avez un compte Paypal mais ça vaut le coup car les frais pris par Tipeee sont assez élevés)
Aaaah ! Il faudrait que j’arrête d’expliquer qu’il doit se grouiller le matin pour être à l’heure à l’école !!! D’ailleurs, je dis toujours « on » va être en retard alors que c’est lui qui va l’être. J’ai réussi quelque fois à dire que je l’attends et dès qu’il sera prêt, je l’amène à l’école quelque soit l’heure…. C’est dur ! Je regarde la pendule et stresse et lui, continue à bouquiner son Picsou en tentant de mettre un slip. Raaaaa!
Oui … plus on parle, moins ils se responsabilisent 🙂
Ping :Burn out, que faire pour l'éviter et s'en sortir ? - S Comm C, le blog
Ping :Sentiment d'injustice dans la fratrie : désamorcer les bombes émotionnelles sans effort 😁 - S Comm C, le blog
Ping :Quelle différence entre poser ses limites et menacer ? - S Comm C, le blog