Au secours, mon enfant est voleur ! Que faire ?
Début novembre, j’ai reçu le message suivant de la part d’une maman qui me dit que « mon enfant est voleur » :
Aujourd’hui, je suis confrontée à un problème et je trouve peu d’aide sur les blogs d’éducation : mon fils de 3,5 ans « pique » des petits objets à l’école, à la garderie, et maintenant dans les sacs des autres… Je suis confrontée au « un enfant n’a pas la notion de vol avant 5-6 ans » et aux maîtresses qui me demandent du résultat immédiat.
La maman qui m’écrivait cherchait sur mon blog – et sur d’autres – des articles qui parlent des enfants voleurs et qui donnent des pistes savoir comment réagir face à ce problème. C’est un problème que je rencontre régulièrement. Comme je n’avais encore rien écrit à ce sujet, je me suis dit que cette situation était une bonne occasion de le faire.
« Mon enfant est voleur » : un constat émotionnellement difficile pour les parents !
Personne n’est à l’aise avec le constat que son enfant est voleur. Je ne connais aucun parent qui se dirait qu’il ne faut rien faire dans cette situation. La culpabilité et la honte des parents est renforcée par le regard des autres.
Le regard des autres parents, ceux des enfants qui se font voler des choses d’une part (bien que ceux-ci soient parfois compréhensifs à cet âge). Lorsque le problème se reproduit, ceux-ci peuvent se montrer agacés, furieux, voire vindicatifs.
Le regard des personnels éducatifs pèse aussi ! Lorsque les vols ont lieu à l’école, les enseignants, les ATSEM, etc, sont les premières personnes à devoir gérer les conséquences des vols. Les conséquences immédiates : l’enfant volé se plaint, râle … ou se retrouve sans bonnet pour sortir ou sans matériel pour travailler. Les conséquences à plus long terme aussi : les parents qui se plaignent des vols, la surveillance accrue que l’on met en place pour avoir à l’oeuil l’enfant « voleur ».
Bref, toute l’attention est focalisée sur cet enfant voleur.
Et pour le parent de l’enfant ‘voleur », se sentir – implicitement – accusé de mauvaise éducation, de laxisme ou autre forme d’incompétence parentale est douloureux. Des 2 côtés, la tentation est alors grande de gérer cette culpabilité (qui me semble tout à fait logique) en rejetant une partie faute sur les autres. Cette tentation existe du côté de l’école : si l’enfant se conduit mal, ce sont les parents. Elle existe aussi du côté des parents. C’est un tout petit peu ce qui se passe ici puisque la maman dit :
Je pense effectivement que le problème se situe au niveau de l’école elle-même (rien ne va plus depuis la rentrée et les maitresses ne semblent pas vraiment à l’écoute et l’ont déjà classé comme le petit délinquant…).
Je ne dis pas que cette maman a tort. Je ne sous-estime pas non plus les difficultés que rencontrent les enseignants. Je dis juste qu’aborder les choses de cette façon ne permet pas de résoudre ce problème. Cela risque même de conduire à un conflit plus ou moins ouvert à terme. J’avais abordé ce sujet dans l’article « un problème : convoquons les parents ! »
Ce point est important car il peut aider ou compliquer la résolution du problème. Cependant, ce n’est pas l’objet de mon article d’aujourd’hui. Donc revenons à nos moutons … ou plutôt à notre petit « voleur ».
« Mon enfant est voleur » : Faut-il expliquer ?
Quand l’enfant fait pour la première fois une « bêtise » – quelque chose qui est interdit ou qui pose problème – il est important et nécessaire de donner des explications. Une règle qui ne fait pas de sens sera plus difficile à appliquer qu’une règle qui a du sens.
D’ailleurs la maman qui m’a interpellée a très bien fait cette étape :
Pour le moment, j’ai expliqué : les objets communs qui doivent rester à l’école ou la garderie, les objets des autres et les objets de mon enfant.
Puis j’ai expliqué que les autres devaient être tristes de ne plus avoir leurs affaires.
Puis, 3e fois : explication sur les conséquences : je lui ai également pris un objet qu’il aimait que je ne lui ai rendu qu’une fois qu’on avait ramené l’objet volé.
Elle a rappelé la règle. Puis elle a fait appel à son empathie en lui expliquant comment l’enfant volé peut se sentir. Puis elle lui a même fait vivre une expérience qui permet d’intégrer émotionnellement ce que ça fait de vivre un vol. Je crois qu’en termes de pédagogie, on ne peut pas faire mieux que ces 3 étapes !
D’une manière générale, il est important de discuter avec l’enfant pour arriver à comprendre comment lui voit les choses. C’est vrai que les petits ont le sentiment que s’ils voient quelque chose ça leur appartient et se l’approprient alors sans y voir du mal. Pour un enfant en bas-âge, un objet sur lequel il peut poser la main est « à lui ». La notion de propriété ne recouvre pas encore la notion d’utilisateur habituel de l’objet, de personne qui l’a acheté ou d’autres concepts très abstraits pour l’enfant. Il est important que cette discussion soit fait de façon ouverte et curieuse, sans moraliser ni juger.
La maman a bien perçu que les explications ne suffisaient pas. Elle ajoute d’ailleurs :
Mais j’ai peur de trop expliquer et lui ne me parle pas… Il hoche la tête, me regarde et en fait… attends que j’ai fini pour repartir jouer.
J’ai beau lui expliquer : mon enfant est toujours voleur !
La compréhension intellectuelle de quelque chose n’est souvent pas suffisante pour changer de comportement !
Un exemple : tous les fumeurs du monde ont compris, intellectuellement parlant, que fumer n’est pas bon pour la santé, coûte cher, … Cependant, aucune de ces raisons ne semble suffisante pour faire arrêter de fumer une forte proportion d’entre eux. J’avais parlé de ces 2 niveaux dans mon article sur le ballon émotionnel.
Dans les situations d’enfant voleur, comme dans beaucoup de situations de relation avec les enfants, nous comptons souvent BEAUCOUP TROP sur notre raison, notre intellect ! Vouloir changer est une chose simple. Parvenir à changer réellement en est une autre, bien plus complexe.
Mon hypothèse est que, généralement, il y a dans ces actes une dimension émotionnelle que nous sous-estimons largement. Voilà donc ce que j’ai proposé à cette maman :
Si j’avais à aborder cette situation avec mon enfant, je lui dirai qu’il a probablement très envie de prendre plein de choses qu’ils voient. Que je peux comprendre parce que oui, il y a des objets qui lui plaisent vraiment beaucoup. Que, peut-être pour lui, c’est comme si l’objet criait « prends-moi ! prends-moi ! tu vas trop t’amuser avec moi ! ».
==> Objectif : valider l’expérience émotionnelle que fait l’enfant, ce qui lui permet de mieux écouter la suite.
Et que c’est surement très difficile de résister. Même si on sait que c’est interdit. Même si on sait qu’on va se faire encore gronder, voire punir s’il ne se retient pas.
==> Objectif : valider la difficulté que rencontre l’enfant : s’il n’y arrive pas, ce n’est pas parce qu’il est nul, bête ou méchant, c’est parce que c’est difficile
A noter : il est utile aussi qu’il y ait eu quelques conséquences négatives à ses actes de la part de l’école (punition légère) car cela va constituer ici une aide pour l’aider à changer. Et plutôt que de se focaliser sur l’école qui « ne gère pas comme il faut », on peut simplement se mettre du côté de l’enfant, sans dénigrer l’intervention de l’école. C’est parce que l’école a puni au départ qu’on va pouvoir faire changer les choses !
Pour la suite de la conversation, je lui dirai que, vu la difficulté de résister, même s’il en a envie, comment va-t-il pouvoir faire la prochaine fois qu’il aura trop envie de prendre un objet ??? Qu’il va devoir s’y préparer (à moins qu’il ne choisisse de continuer à se faire gronder et punir.
==> Objectif : le rendre acteur du changement en lui proposant un choix tout en continuant à valider la difficulté de ce qu’il essaie de faire.
Mon enfant est voleur : l’entrainer à résister à la tentation
Vous l’aurez compris, l’idée est ensuite d’entrainer l’enfant à résister à la tentation. Vous pouvez vous entrainer à la maison en disant à l’enfant d’essayer de résister le plus longtemps possible et en le félicitant chaque fois qu’il y parvient. Demandez-lui alors comment il s’y est pris pour se retenir (ce n’est pas grave s’il ne répond pas, la réflexion est amorcée).
Il est très important de renforcer tous les petits pas que fait l’enfant dans ce domaine ! S’il résiste 30 secondes, dites-lui qu’il a déjà réussi à résister 30 secondes. Proposez-lui de faire un nouveau défi en voyant s’il arrive à se retenir 45 secondes. Et ainsi de suite. L’idée est de procéder petit pas par petit pas. En voulant aller trop vite, on génère un sentiment d’échec et de difficulté décourageant qui va nuire aux résultats.
==> Objectif : le préparer aux situations difficiles et le renforcer toutes les fois qu’il parvient à résister même si ce n’est pas longtemps.
Attention : féliciter un enfant dans ce contexte ne se fait pas n’importe comment ! Si vous dites simplement que « c’est bien », le renforcement n’est pas suffisant. Je vous invite donc à lire les articles sur les compliments à ce sujet ici et là.
Une question que la maman concernée m’a posée : Faut-il offrir l’objet convoité à l’entrainement (celui qui sert d »‘appât ») ?
Pour l’entrainement, vous aurez choisi un objet que vous savez tentateur. On pourrait donc féliciter de temps à autre lorsqu’on voit qu’il n’a pas disparu. Cepdendant, ici l’idée n’est pas de lui offrir (ça peut être des bonbons ou un objet qu’il aime bien). Il vaut mieux lui présenter ça comme un entrainement : « à l’école, c’est dur pour toi de te retenir, on va s’entrainer. ». Peu importe l’objet choisi (prendre quelque chose de facile au début puis de plus en plus tentant). Donc s’il réussit, le fait que vous le félicitiez de sa retenue est un retour positif suffisant. L’enfant n’a pas besoin de récompense supplémentaire. Elle pourrait même être contre productive en laissant croire que l’objectif est d’obtenir une récompense … et non de développer ses compétences émotionnelles.
Mon enfant est voleur : les résultats de l’entrainement !
Voici le message que j’ai reçu le 25 novembre suite à mes propositions à cette maman :
Un petit message en passant pour vous remercier encore de votre aide !
Nous nous sommes « entrainés » une soirée et ça a débloqué la situation ! Le lendemain matin, il nous a dit qu’il n’était plus un voleur.
Depuis, il y a eu une seule « erreur ». On se réentraine de temps en temps et c’est magique :)))
Pour moi, ce résultat rapide avec cette approche, surtout avec un enfant de cet âge n’est ni magique, ni surprenant : il est le résultat d’un travail de la maman et de son fils qui ont collaboré pour trouver des solutions. Et ça c’est chouette :-).
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Mon enfant est voleur : quelques ressources pour aller plus loin
Sur ce blog :
- le ballon émotionnel
- complimenter un enfant
- complimenter un adulte
- Le pouvoir du choix : un enfant qui se bagarre à l’école (maternelle)
- Et tous les articles de la rubrique « Education »
Quelques livres (liens affiliés) :
Oh, génial !
Il y avait un cas de ce type il y a quelques mois dans l’école maternelle, j’avais été interpellée en tant que parent d’élèves, je n’avais pas trouvé de ressources pour aider le « voleur » et sa famille.
Je fais suivre de suite à la directrice et aux parents concernés ! 🙂