Toutes les façons d’être parent se valent-elles vraiment ?
L’interdiction de la fessée revient à l’ordre du jour après une proposition de quelques députés … Après avoir un peu tergiversé, je suis d’avis que cette loi serait une excellente chose. Je vous l’explique ici pourquoi.
Il y a différentes façons d’être parent …
Les parents – à de rarissimes exceptions près – sont bien intentionnés à l’égard de leurs enfants. Ils souhaitent leur donner la meilleure éducation possible. Celle qui, à leurs yeux, permettra à leur enfant de s’insérer le mieux possible dans la société et/ou d’être bien heureux.
Il y a différentes façons d’être parent. C’est un fait. Elles varient en fonction de la classe sociale, de la culture des parents et d’autres facteurs (bien que la classe sociale semble être un déterminant important). Si ce sujet vous intéresse, vous pouvez allez voir le travail mené avec l’étude ELFE par ici.
Toutes les façons d’être parent se valent ? Respectons-les …
Les professionnels autour des parents s’attachent à respecter ces différences de pratiques. C’est une belle façon de montrer sa tolérance et son acceptation de la différence.
C’est beau, c’est plein de belles intentions. Et ces attitudes véhiculent implicitement, volontairement ou non, le message : « toutes les façons d’être parent se valent ».
Derrière ce souci de ne pas normaliser les pratiques éducatives se cache aussi la préoccupation de ne pas culpabiliser certains parents. Des contraintes matérielles, financières, des handicaps divers peuvent empêcher les parents de mettre en oeuvre certaines recommandations.
L’intention – ne pas culpabiliser – est louable. Elle conduit à éviter des donner des informations ou des conseils qui pourraient aider les parents … Dommage !
Refuser une loi contre la fessée va aussi dans ce sens. Je résumerai de cette façon ainsi la position des anti-loi : Puisque les parents savent ce qui est bon pour leur enfant, font du mieux qu’ils peuvent et que toute les façons d’être parent se valent, laissez donc les parents faire comme bon leur semble.
Hop, basta, on n’en parle plus : on ne donne plus de conseil, on ne fait plus de soutien à la parentalité, … (mais à quoi servent les services de protection de l’enfance alors ???)
Toutes les façons d’être parent se valent : elles ont des effets sur le développement de l’enfant différents mais est-ce un problème ?
Les pratiques parentales ont des effets sur le développement des enfants. Là aussi c’est un fait. Cette étude multiculturelle montre ainsi que, à 5 mois, le niveau de développement des enfants est très variable selon les pratiques et la culture des parents (sauf dans le domaine des pleurs, remarquablement insensible aux variations culturelles … mais ce sujet sera pour un autre article 😀 !!!).
Les uns marchent plus tôt, les autres parlent plus tôt, certains développent plus de compétences sociales là. Bref, chacun son rythme et son développement. On pourrait en conclure que toutes les façons d’être parent se valent. Et qu’elles sont donc toutes à encourager et valoriser. Une loi qui tendrait à uniformiser les pratiques parentales et éducatives ne serait donc pas la bienvenue.
Mais ce raisonnement serait un peu court.
Toutes les façons d’être parent se valent … En êtes vous si sûrs ?
Oui, les pratiques parentales sont variées. Et oui, chaque parent a la volonté de bien faire. Cependant les résultats obtenus ne sont pas équivalents.
Ainsi, l’analyse de Pinquart et Kauser (2017) portant sur 428 études scientifiques internationales a clairement montré que l’impact des pratiques éducatives sur les enfants n’est pas équivalent.
Partout dans le monde, une éducation bienveillante – mêlant écoute des besoins et des émotions de l’enfant et discipline positive – permet systématiquement un meilleur développement de l’enfant qu’une éducation autoritaire (éducation visant à maintenir l’obéissance absolue).
Cette étude, une des plus récentes, n’est pas isolée. Le consensus scientifique sur les attitudes adaptées et aidantes pour les enfants existe.
Donc les pratiques éducatives ne se valent donc pas toutes.
De nombreux travaux d’observation des pratiques parentales dessinent aujourd’hui assez précisément les compétences parentales favorisant le meilleur développement de l’enfant (en tout cas dans notre société occidentale).
Peut-on – au motif de respecter la diversité des pratiques – accepter que certains enfants soient soumis à des situations nocives pour eux ?
Une loi spécifique contre la fessée permettrait donc de faire passer le message plus clairement : oui il y a des pratiques parentales plus adaptées et plus efficaces pour les enfants que d’autres.
Toutes les façons d’être parent se valent … mais chaque parent sait-il VRAIMENT ce qui est bon pour son enfant ?
Les parents sont des êtres humains normalement constitués. Je suis parent et a priori relativement normalement constituée (jusqu’à preuve du contraire !). Je peux me retrouver à avoir des attitudes parentales inadaptées. Et ce, pour plusieurs raisons :
Je n’ai pas l’information ou les moyens
Adapter ses pratiques parentales suppose des connaissances sur le développement de l’enfant. J’ai souvent entendu : « être parent ne s’apprend pas ». On pense alors que « ça va se faire tout seul ». Ce qui est tout sauf vrai. Avoir accès à des informations et des connaissances est vital. Quand les parents ont les informations, ils ont généralement des pratiques plus efficaces et plus adaptées !
Ne pas savoir n’est pas un reproche. Quand j’apprends une nouvelle chose, je vois comment je peux en tenir compte, comment l’intégrer au moins partiellement dans ma pratique. Et si je ne peux vraiment pas, je peux alors réfléchir à comment compenser ou apporter ce qu’il faut de façon différente.
En termes de politiques publiques et de soutien à la parentalité, cela suppose aussi de réfléchir à la façon dont on donne accès à ces informations au plus grand nombre. Mais aussi à comment on propose des solutions aux parents privés de certains moyens (physiques, financiers, intellectuels, affectifs, …).
Je suis piégée par mes émotions
Avoir des enfants suscite des émotions désagréables : frustration, peurs, doutes, culpabilité, honte parfois, … Ces émotions peuvent devenir envahissantes. C’est encore pire quand on a déjà essayé plein de choses et qu’on se fait coincer par nos échecs. Nos bonnes intentions sont parfois aussi des pièges comme je l’avais expliqué dans l’article « comment vouloir être bienveillante m’a (presque) rendue maltraitante« . La fatigue, l’épuisement parental sont aussi des causes courantes.
Nos émotions – la peur souvent – nous empêchent d’expérimenter d’autres attitudes. Elles nous font perdre du recul, de la créativité dans nos attitudes, … Ce n’est pas un reproche : c’est un fait (et j’en suis moi-même la victime régulièrement).
Pour les parents, cela implique la conscience que cela arrive A TOUT LE MONDE … Il est utile de savoir où, à qui, comment,… on peut partager ses difficultés.
C’est dans ce cas très précisément que les parents ont besoin d’un soutien émotionnel non normatif, non jugeant et QUI LEUR DONNE DES CLES CONCRETES ET PRAGMATIQUES.
Pour les politiques publiques, cela suppose de proposer des espaces correspondant à ce besoin de partage et de soutien. Cela suppose aussi de sortir d’une culture qui suppose que parler ça suffit et qu’après les parents n’ont qu’à réfléchir et ils vont trouver tout seuls. C’est faux : les parents ont aussi besoin parfois d’être un peu « pris par la main ».
Non parce qu’ils sont incompétents mais parce qu’en situation difficile, ça rassure de se sentir guidé avec respect, parce que la personne qui nous prend par la main nous aide à voir le bout du tunnel et à ne pas désespérer. C’est aussi reconnaitre que, peut-être, on n’a pas toutes les informations et qu’un professionnel pourrait nous apporter un éclairage auquel nous n’aurions pas pensé.
Je pense que mon expérience personnelle s’applique à mes enfants
Nous nous construisons avec notre propre expérience. Nous tirons des règles, des conséquences, des croyances. Si ce modèle semble nous avoir plutôt pas trop mal réussi, pourquoi en changerions-nous ?
Ainsi Alexandre, enfant, a surmonté ses tics par la force de la volonté. Il ne voit donc pas pourquoi il cesserait de gronder ou de punir son fils quand il se frotte la joue ou quand il bégaie. Persuadé que ça va finir par marcher, il poursuit dans cette voie.
Dans ce cas, la croyance s’est construite sur une expérience personnelle. Mais elle pourrait tout aussi bien être fondée sur des valeurs culturelles …
C’est la situation la plus difficile à faire changer. .
Dans ce genre de situations, le pragmatisme fait alors merveille. Ainsi à Alexandre, je demande ainsi :
« Vous faites ce qui vous semble le plus efficace pour votre fils. Ca ne donne pas franchement de résultats à ce stade, voire même ça a plutôt tendance à s’empirer ces derniers temps. J’entends bien que vous pensez que ça va bientôt marcher. J’admire votre optimise … mais je ne peux m’empêcher d’être un peu moins positive. J’ai juste une petite question : dans l’hypothèse – improbable mais possible – où votre méthode ne fonctionnerait pas, à quel signe vous rendrez-vous compte que vous allez peut-être devoir changer votre fusil d’épaule ? »
Toutes les façons d’être parent se valent ? Non … et une loi contre la fessée permettrait de faire passer le message !
Dans tous les cas où les parents peuvent être coincés, l’attitude des professionnels qui va les entoure sera déterminante. Elle doit s’appuyer sur des connaissances à jour et actualisées du développement de l’enfant. Le minimum vital me direz-vous … Cela suppose un effort de formation continu.
Des compétences et des techniques relationnelles mises au service de l’accompagnement parental sont aussi indispensables. Savoir ce qui serait adapté ou efficace dans une situation donnée est une chose. Savoir le transmettre efficacement en est une autre (qui là aussi s’apprend !).
Oui je militerai avec force pour une loin contre la fessée. Je militerai aussi pour qu’elle s’accompagne de mesures fortes en direction des professionnels autour des parents !!!
Vous me suivez 🙂 ?
Posez vos questions pour le prochain SOS S Comm C
Tous les mercredis à 9h30, je tire au sort une question parmi celles qui me sont envoyées par mail. J’y réponds en vidéo en direct sur la page Facebook de S Comm C. Cette question peut porter sur tous les sujets abordés sur le blog : émotions, relations dans le couple, la famille, au travail, stress, confiance en soi, insomnies, dépression, …
Pour voir les précédents SOS S Comm C, cliquez ici !
Vous voulez poser votre question ou assister au prochain SOS S Comm C ? Alors c’est par ici !
Pour nous retrouver et/ou nous soutenir :
*** Pour recevoir chaque semaine nos ressources gratuites sur les émotions et les relations et être informé-e des nouveaux articles du blog , c’est par ici !
*** Pour découvrir toutes nos activités (ateliers, conférences, …), y assister ou organiser une conférence, c’est là.
*** S Comm C propose aussi des accompagnements afin de vous aider à vous sortir des situations bloquées et difficiles que vous vivez. Les accompagnements sont possibles IRL sur plusieurs lieux en Rhone Alpes et à distance via Skype ou Facetime. Vous pouvez prendre rendez-vous directement en ligne par ici.
*** Nous rejoindre sur les réseaux sociaux et bénéficier des ressources complémentaires proposées là-bas :
*** Et si vous appréciez nos ressources faites-le nous savoir en nous offrant un café sur Tipeee !
Je suis bien d’accord. Seulement pour accepter d’apprendre à être parent, il faut déjà prendre conscience de tout ça ! Ce qui, déjà, demande du temps !
https://les6doigtsdelamain.com/cetait-petite-tape-limpact-de-nos-gestes-enfant/