Les enfants avec trouble oppositionnel sont-ils moins réceptifs à une éducation positive ?

Jeudi 12h … Je n’ai pas encore écrit mon article pour lundi (non je n’ai  pas toujours 3 semaines d’avance). Et là, le trou, la page blanche …
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J’avais bien des idées mais rien de très clair. La créativité venant aussi de la contrainte, j’ai sollicité des idées sur ma page Facebook (oui, encore une raison supplémentaire de liker ma page Facebook 😀 !). Et là, une AVALANCHE d’idées dont beaucoup (toutes !) me parlaient bien. Déjà, merci à toutes de vos suggestions ! C’est génial !

J’ai  choisi le thème suivant parmi ceux qui m’ont été suggérés :

Un enfant avec un trouble oppositionnel est-il moins  réceptif à l’éducation positive (ou bienveillante) ?

La question était ainsi formulée :

Trouble oppositionnel et éducation positive : je réalise à travers ma pratique que ces enfants sont beaucoup moins réceptifs à l’éducation dite positive, car les choix, les discussions, la négociation les rendent encore plus anxieux. Une éducation plus dirigée, des choix fermés, une collaboration plus étroite a de meilleurs résultat auprès des familles. Je suis un peu mitigée sur les raisons de cette meilleure efficacité et le pourquoi une éducation plus « traditionnelle » montre de meilleurs résultats.

La personne qui pose cette question est une professionnelle de l’accompagnement des familles. Cette question concerne aussi les familles. La réponse peut permettre à des parents de mieux adapter leur style éducatif à leur enfant.

Car – et oui, grande révélation 😀 ! – il n’y a pas un style éducatif idéal applicable à tout le monde mais des styles éducatifs à adapter à l’enfant et au contexte. Adapter son comportement n’implique pas de renoncer à une philosophie bienveillante dans l’éducation comme nous allons le voir.

C’est quoi un trouble oppositionnel ???

AnnaKovalchuk / Pixabay

Le trouble oppositionnel – avec ou sans provocation – fait partie des diagnostics du DSM IV (Manuel Diagnostique et statistique des Troubles Mentaux). Cela signifie qu’il est considéré comme une trouble mental.

Il y aurait beaucoup à dire sur le fait de considérer l’opposition comme un trouble mental. Savoir s’opposer et se rebeller contre des décisions est-ce réellement à ce point un problème ? L’opposition permet de se rebeller contre l’injustice, de ne pas se laisser maltraiter par les autres.

Note : si le sujet vous intéresse, je vous invite à lire « L’imposture de la maladie mentale, critique du discours psychiatrique » d’Alain Bachand. Passionnant !

Quels sont les « symptômes » du trouble oppositionnel ?

Le trouble oppositionnel se manifeste par une attitude de désobéissance et d’hostilité. Cette attitude apparait face à tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à une manifestation d’autorité. En gros quand l’enfant ressent une prise de pouvoir sur lui ou une injustice. Il y réagit alors fortement. Les enfants concernés ignorent les ordres ou les contestent.

Il y a souvent de l’impulsivité associée : l’enfant peut sincèrement regretter ses actes après coup mais ne pas parvenir à s’empêcher de les produire sur le moment. Cette impulsivité rapproche ce tableau du TDA (Trouble du Déficit de l’Attention).

Ces attitudes sont une vraie souffrance pour les parents (le combat semble permanent) … mais aussi pour l’enfant. Elles sont sources de grandes difficultés à l’école et dans les relations aux autres et peuvent le mener au rejet et à l’exclusion. Elles sont aussi associées à une grosse perte d’estime de soi chez l’enfant.

Comment différencier trouble oppositionnel et opposition justifiée ?

Déjà il est important de faire la part des choses entre trouble oppositionnel et opposition justifiée (oui l’opposition, même venant d’un enfant, peut être justifiée).

Quelques (bonnes) questions à se poser pour distinguer les 2 :

  • Quel(s) moyen(s) ont vos enfants de vous faire entendre que vos demandes sont excessives ou injustifiées ? Qu’ils ont le sentiment que vous leur en demandez trop ? Comment peuvent-ils le formuler sans déclencher des sermons ou des explications sur le pourquoi du comment vous leur imposez telle ou telle règle ?
  • De quelle autonomie disposent vos enfants ? Que peuvent-ils faire seuls, sans contrôle et sans supervision ? Comment peuvent-ils vous faire savoir qu’il ont suffisamment d’autonomie à leur goût ?

Intervenir à ces 2 niveaux suffit à faire revenir une opposition à un niveau tout à fait acceptable. Le point n°1 – obtenir de l’écoute et de la compréhension sans explications ni sermons – est un préalable indispensable.

Comment concilier trouble oppositionnel et éducation positive ou bienveillante ?

Redéfinir ici ce qu’est une éducation positive ou bienveillante pourrait être utile. Cela prendrait un peu trop de temps alors je vais simplement vous renvoyer vers un article écrit il y a déjà quelques années. « Education non violente, le grand malentendu » vous donnera un aperçu de ce qu’est réellement pour moi une éducation positive ou bienveillante.

Un petit résumé pour ceux qui n’auront pas le courage de suivre le lien : l’éducation bienveillante (ou positive) consiste essentiellement à aider les enfants à canaliser leur impulsivité non par la force et la contrainte mais en apprenant à apprivoiser leurs émotions.

Lorsque l’enfant est dans l’opposition et la provocation non par choix mais par impulsivité, réagir avec autorité sera inefficace. L’enfant est dans l’incapacité de maitriser son comportement, ses paroles dépassent (largement) sa pensée, ses émotions sont envahissantes.

Une éducation bienveillante est donc tout à fait adaptée à ses enfants. Elle doit tenir compte de leurs particularités, et notamment de l’impulsivité associée.

Pour que les outils de l’éducation bienveillante fonctionnent, encore faut-il que les difficultés émotionnelles de l’enfant soient prises en compte. En effet, les enfants avec des TDA ou des troubles oppositionnels sont souvent pris au piège de leur culpabilité.

La particularité du trouble oppositionnel : les enfants se sentent en échec très souvent

Ils savent d’expérience que leurs tentatives de se contrôler se soldent par des échecs. Ils sont découragés, d’où leur attitude parfois négativiste et désinvolte. S’ils abandonnent volontairement la lutte, leur culpabilité est (légèrement) diminuée (du moins le croient-ils).

Toute tentative des adultes pour les aider à retrouver du contrôle, si elle arrive trop tôt, ou si elle n’est pas atteignable par l’enfant, renforce ce sentiment d’échec. La négociation peut donc ne pas du tout fonctionner. D’autre part, si l’adulte est trop optimiste sur les capacités réelles de l’enfant à se contrôler, là aussi l’enfant se retrouve en échec.

La 1e étape pour aider l’enfant à retrouver du contrôle consiste souvent à COMPLETEMENT lâcher  prise sur les comportements problématiques :

Toi et moi, nous SAVONS que, pour le moment, tu ne SAIS PAS faire autrement. Que tu vas m’insulter, crier, t’énerver. Bientôt tu sauras faire différemment. Mais pour le moment, c’est comme ça. Alors fais-le autant que tu en as besoin.

Lors des manifestations opposantes suivantes, vous pouvez même carrément encourager l’enfant à manifester son désaccord :

Tu te souviens, on avait prévu que tu aurais besoin de le faire. Alors vas-y. Dès que ça ira mieux, nous pourrons passer à autre chose.

A noter : si jamais l’enfant cherchait simplement à vous provoquer (ce que je n’ai JAMAIS observé chez des enfants de moins de 10/11 ans), notez bien que cette attitude lui coupe aussi l’herbe sous le pied.

Cette première étape permet un double soulagement : celui de l’enfant d’abord chez qui il enlève le poids de la culpabilité. Celui du parent aussi ! Dans des comportements type trouble oppositionnel ou TDA, chaque ordre, chaque frustration devient source d’opposition et de combat. Déculpabiliser l’enfant permet de cesser la lutte tout simplement.

Trouble oppositionnel et éducation positive : faut-il être plus ferme avec les enfants concernés ?

Souvenez-vous : la question de départ disait « les choix, les discussions, la négociation les rendent encore plus anxieux. Une éducation plus dirigée, des choix fermés, une collaboration plus étroite a de meilleurs résultat auprès des familles. »

Je constate aussi que cela est vrai. Mais ça n’est pas contradictoire avec une éducation bienveillante. L’éducation positive ou bienveillante doit tenir compte des compétences de l’enfant. Lorsqu’on a du mal à canaliser son impulsivité – donc du mal à faire des choix ! – limiter les options possibles facilite la vie de l’enfant. Les parents pourront augmenter progressivement les choix en fonction de l’évolution de l’enfant.

Je constate souvent que les choix ou les négociations proposés sont inefficaces justement parce qu’ils ne tiennent pas du tout compte du fonctionnement du cerveau. Discuter longuement avec un enfant en lui demandant ce qu’il compte faire pour s’empêcher de taper son petit frère ou son camarade de classe est inefficace si l’enfant essaie déjà à longueur de temps mais que ça ne fonctionne pas. Donc oui la discussion ainsi orientée va le culpabiliser et l’angoisser. Un choix du type « tu peux choisir de te retenir de taper ou être puni » provoquera le même résultat.

La discussion peut éventuellement porter sur ce que ressent l’enfant et sur le moment où un changement d’attitude est encore possible (avant qu’il ne soit complètement pris par son impulsivité). Des questions comme « Quand tu as envie de taper, ça se passe où dans ton corps ? » ou « quand tu es fâché contre moi, c’est comment dans ton corps ? Et après tu te sens comment ? » sont très efficaces. Demander à l’enfant d’observer s’il ne sait pas constitue un premier pas vers l’apprivoisement de ses émotions.

Les choix peuvent aussi être proposés bien en amont. Par exemple, avec un enfant qui a tendance à taper son frère :

Quand tu n’arrives plus à t’empêcher de taper ton frère, tu peux choisir de changer de canapé ou d’aller dans ta chambre.

Pour un enfant qui répond aux ordres et se rebelle (trouble oppositionnel) :

Quand tu as très envie de m’insulter, tu peux choisir de me dire tout de suite « MAMAN JE SUIS TRES FACHE ! JE VOULAIS VRAIMENT CONTINUER A JOUER !!! » (mettez-y le ton !) ou bien aller un moment dans ta chambre pour te calmer avant de revenir me dire que tu es fâché.

Un exemple très parlant de réactions bienveillante à un enfant dans l’opposition : « Je vais te tuer, tu n’es qu’une conne … comment gérer la violence d’un enfant de façon bienveillante. »

TDA, trouble oppositionnel et éducation positive (ou bienveillante) : la seule option possible !

Pour moi, face à ces troubles, la seule option éducative possible est celle d’une éducation positive. Les punitions sont généralement inefficaces avec ces enfants, d’où souvent l’impuissance des adultes. Ces enfants ont absolument besoin qu’on rebooste leur confiance en eux d’où l’importance des renforcements et des choix.

Dans ce contexte, l’éducation positive ne doit pas être réduite à la négociation et à la discussion. Cela ne suffira absolument pas. Les parents ont alors souvent besoin de ressources complémentaires pour bien comprendre comment fonctionne le cerveau de leur enfant et adapter leurs attitudes en fonction de cela.

D’autres ressources …

Si vous avez envie de partager et d’apprendre avec des parents autour d’une éducation bienveillante, découvrez notre atelier « Parler pour que les enfants écoutent » en ligne :

atelier parler pour que les enfants écoutent, écouter pour qu'ils parlent en ligne

Trouble oppositionnel et éducation positive, des ressources complémentaires

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Sandrine Donzel

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One thought on “Les enfants avec trouble oppositionnel sont-ils moins réceptifs à une éducation positive ?

  • 16 février 2019 à 18:56
    Permalink

    C’est très juste. Notamment dans le cas du TDA avec impulsivité et le fameux TOP, essayer les choses habituelles comme sermonner ou plus ‘bienveillant’ donner des choix ne marche pas parce qu’à ce moment là le cerveau de l’enfant n’est pas en mesure ni de faire des choix ni d’inhiber efficacement le comportement. Dès lors que reconnait ceci, qu’on s’attend à certaines réactions ‘inacceptables’ et qu’on choisit de ne plus réagir à chaud, le stress baisse et la crise est moins longue car le stress augmente les symptômes du TDA. J’avais testé une version moins bien du « Toi et moi, nous SAVONS que, pour le moment, tu ne SAIS PAS faire autrement. Que tu vas m’insulter, crier, t’énerver. Bientôt tu sauras faire différemment. Mais pour le moment, c’est comme ça. Alors fais-le autant que tu en as besoin » – il me manquait la dernière partie – fais le autant que nécessaire.

    Merci

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