L’attention aux émotions, une ultra solution ?

Voici la retranscription du nouvel épisode du podcast « Du Côté des Parents ». Dans cet épisode, je vous parle de l’attention aux émotions et de comment elle semble être devenue une ultra solution, supposant que ne pas écouter, ce serait mal !

Je vous laisse découvrir cet épisode en audio ici :

Ep. 2 – l'attention aux émotions, une ultra solution ? Du côté des parents !

Tous les épisodes sont aussi disponibles ici en version audio ou encore ici si vous préférez lire toutes les retranscriptions.

Le podcast est accessible sur les plateformes d’écoute classiques. Je vous cite ici les principales :

Il est aussi présent sur d’autres plateformes moins connues. Si vous ne le retrouvez pas sur votre support d’écoute habituel, n’hésitez pas à m’envoyer un petit mail pour que je fasse le nécessaire.

L’attention aux émotions, une ultra solution ?

Dans ce nouvel épisode, j’ai eu envie de vous j’ai envie de parler de des émotions de l’écoute des émotions, et notamment avec nos enfants.

En repensant à de nombreuses situations rencontrées dans mes accompagnements autour de l’attention aux émotions des enfants, j’ai pensé au concept d’ultra-solution que nous utilisons dans l’approche systémique de Palo Alto.

Une ultra-solution, comme la définit Paul Watzlawick, c’est une solution qui se débarrasse du problème … mais aussi de tout ce qu’il y a autour.

La blague habituelle des systémiciens est de parler d’un médicament qui a tué le malade … Ben oui : si le malade est mort, le problème de la maladie est résolu !

Il y a plein de façons d’opter pour une ultra solution. L’une d’entre elles est de considérer que, si quelque chose est bien, alors le contraire est forcément mal.

C’est une attitude moralisante que je rencontre souvent dans la parentalité.

En surfant sur l’anxiété parentale (dont je vous parlerai dans un prochain épisode), elle conduit à une vision très manichéenne des choses. Ceux qui sont du côté du « bien » pensent que leur vision des choses est la seule juste et vraie et que ceux qui ne l’adoptent pas sont forcément mauvais (par volonté ou par ignorance), qu’il faut les convaincre voire les rééduquer pour les rendre sages.

L’attention aux émotions est un bon exemple de ce type d’ultrasolution « si c’est bien, le contraire est forcément mal ».

L’attention aux émotions est indéniablement une bonne chose !

A la base, l’attention aux émotions est un point essentiel dans une relation, quelle qu’elle soit. Pas seulement dans le contexte de la relation parent enfant !

Montrer à notre interlocuteur qu’on voit, qu’on comprend et qu’on tient compte de ses émotions est un moyen sûr de créer de la sécurité psychologique dans une relation.  Ca renforce la qualité de la relation en permettant à notre interlocuteur de se sentir compris et pris en compte.

Et évidemment, en tant que parent, on a envie que nos enfants sachent qu’on les comprend et qu’on les soutient. Je ne connais aucun parent qui n’a pas envie de ça.

Si on ajoute à cela que les enfants sont en plein apprentissage des compétences de régulation des émotions, alors l’attention aux émotions devient un outil essentiel pour des parents.

En effet, dans  cette phase d’apprentissage des compétences émotionnelles, la compréhension et la verbalisation des émotions facilitent justement l’acquisition des compétences émotionnelles.

C’est particulièrement vrai pour les plus petits, avant 3 ans ou même encore jusqu’à 6/7 ans.

C’est un peu moins vrai par la suite, contrairement aux idées reçues qui voudraient que même un ado ne sache pas réguler ses émotions (ce qui est de mon point de vue totalement faux mais j’en parlerai sans doute dans un autre épisode).

J’ai déjà parlé à de multiples reprises des émotions sur ce blog et de l’écoute plus particulièrement. Donc si vous voulez des outils à ce sujet, je vous mets en fin d’article quelques liens qui vous intéresseront.

Je fais cette petite précision – que je suis sensible aux émotions et que je valorise l’écoute ! – en prévention des éventuelles critiques que je vais immanquablement recevoir pour justement oser dire que « si c’est bien, le contraire lui peut être bien aussi ! ».

En effet, bien que l’attention aux émotions soit une base importante de la construction d’une bonne relation, il s’avère qu’elle peut aussi être inutile et même contre-productive dans certaines circonstances.

Non l’écoute n’est pas toujours une bonne chose !

Comme je l’ai déjà dit juste avant, je me doute qu’ici on va me faire un procès en mauvaises intentions : je veux revenir à une éducation classique, je veux maltraiter les enfants (je le dis d’autant plus à l’aise qu’on me l’a déjà dit !!!), etc, etc.

Mais je persiste et je signe :

L’attention aux émotions n’est pas forcément une bonne chose. Cela dépend beaucoup du contexte notamment !

En effet prêter attention aux émotions de l’enfant dans un contexte très protecteur n’est pas la même chose que prêter attention aux émotions dans un contexte responsabilisant.

Et ce n’est pas la même chose non plus de le faire de temps en temps et de le faire tout le temps.

Qu’est-ce qu’un contexte sur protecteur ?

C’est un contexte dans lequel les adultes – parents et/ou professionnels vont agir pour chercher à supprimer ou éviter ce qui cause des émotions désagréables à l’enfant.

Quelques exemples :

  • je fais en sorte qu’il croise le moins de chiens possibles s’il a peur des chiens
  • Je me mets en 4 pour retrouver son doudou s’il l’a perdu et qu’il exprime de la tristesse ou de la frustration
  • Je vais demander à son prof d’être moins rude s’il vit mal certaines réflexions
  • Quand l’enfant manifeste de la frustration ou du désaccord, je négocie avec lui pour aménager la contrainte que je lui impose
  • etc, etc.

Aucune de ces options n’est mauvaise en soi. Mais leur répétition peut occasionner plusieurs effets pervers.

Trop d’écoute peut fragiliser l’enfant

D’abord cela peut envoyer un message fragilisant à l’enfant.

En effet si les adultes se démènent autant pour lui éviter ces situations désagréables, l’enfant peut l’interpréter comme étant la preuve que le monde autour de lui est dangereux et surtout qu’il n’est pas apte à l’affronter (j’ai déjà en prévision un épisode sur la façon dont on nous présente – faussement – l’enfant comme fondamentalement fragile et vulnérable !).

Mais revenons à nos moutons : l’enfant peut donc interpréter les comportements des adultes comme étant la preuve qu’il est incapable de supporter les émotions et les situations qu’on cherche à lui éviter.

Et quand on se pense incapable d’affronter quelque chose, on ne peut que paniquer quand cette chose se présente à nous. D’où parfois des débordements émotionnels face à des situations anodines : ce n’est pas l’enfant qui a du mal à gérer ses émotions, c’est juste qu’il se croit incapable d’y faire face.

Et c’est en montrant à l’enfant qu’on le pense fondamentalement capable d’affronter la situation qu’on peut inverser la tendance. Et ça se fait paradoxalement en accordant moins d’attention à ces émotions. J’ai des exemples à la pelle pour illustrer cela, en voici un :

Une petite fille de 6 ans qui panique chaque fois que sa maman sort de son champ de vision depuis que celle-ci a été hospitalisée en urgence et est restée loin d’elle pendant quelques jours. Evidemment, ici dans un premier temps, l’attention à ses émotions, et notamment à la peur qu’elle a ressentie, a été importante. Mais cette situation dure maintenant depuis des mois et la petite ne semble pas avoir moins peur. Sa maman ne veut pas la stresser davantage. Aussi quand elle doit quitter la pièce où se trouve sa fille, elle verbalise qu’elle va partir pour un temps limité, elle dit à sa fille où elle va et ce qu’elle fait. Mais cela n’empêche pas sa fille de stresser.

Ici le contexte sur-protecteur consiste à se comporter comme si la petite fille n’était pas capable de gérer le moment de stress associé au départ de la maman dans un contexte habituel.

Il s’agit donc de montrer moins d’attention aux émotions sur le moment mais surtout de faire passer le message : « ce sera sans doute pénible mais tu es capable de le supporter ».

Cette maman a donc prévenu sa fille que c’était trop dur pour elle de prévenir sa fille à chaque fois et qu’elle risquait fort d’oublier de le faire (je lui avais même demandé de faire exprès « d’oublier », je sais je suis une vilaine personne qui incite les parents à manipuler leurs enfants) et de la prévenir que, sans doute ce serait dur pour elle sur le moment mais que ça allait aller.

Le jour suivant, la maman part aux toilettes sans prévenir sa fille. Celle-ci se met à pleurer en constatant que sa maman n’était plus là. La maman reconnait les cris de sa fille mais elle se retient de répondre. … et finalement les cris durent peu de temps. Quand la maman revient, curieuse, elle demande à sa fille « il m’a semblé entendre pleurer quand j’étais aux toilettes, c’était toi ? ». La petite répond « non c’était mon frère ». Et très rapidement le départ de la maman de la pièce n’a plus du tout été un sujet, l’angoisse s’est très vite apaisée dans les jours qui sont suivi. Cette petite fille a rapidement été moins anxieuse et plus détendue, y compris dans d’autres contextes comme à l’école.

Mais le message « tu n’es pas capable d’affronter » n’est pas le seul message potentiellement négatif qu’on envoie en accordant beaucoup d’attention aux émotions.

Quand l’attention aux émotions contribue à augmenter l’hypersensibilité

Un autre message possible, c’est de laisser croire que les émotions désagréables sont forcément des problèmes et qu’il y aurait un moyen de ne pas les ressentir.

Ce qui a pour effet de rendre l’enfant plus sensibles aux émotions désagréables et plus réactif à celles-ci. En effet, quand on rencontre une situation qu’on sait problématique, notre cerveau nous incite à la détecter plus tôt et à trouver un moyen de l’éviter quand elle se présente.

Par exemple, face à un enfant qui pleure chaque matin au moment où ses parents le dépose à l’école. Une situation très courante les premières semaines d’école en maternelle notamment. Alors évidemment on peut en déduire que l’enfant est très malheureux à l’école. Et il faut vérifier que ce n’est pas le cas.

Mais quand je demande aux parents de vérifier le déroulement de la journée avec les enseignants, 9 fois sur 10 le constat est le même : après quelques minutes, tout se passe bien, l’enfant participe aux activités, est content d’être là. Il peut même partager sa joie le soir en rentrant de l’école.

Le problème se manifeste uniquement le matin. Voyant l’enfant manifester une émotion légitime, beaucoup de parents vont tenter de rassurer et de consoler l’enfant en lui disant qu’ils vont revenir, que la journée va passer vite, etc. Ou bien encore en restant avec lui jusqu’à ce qu’il s’apaise. Sauf qu’il arrive fréquemment que ça n’apaise rien du tout : l’enfant pleure de plus belle. Ce qui signifie qu’on est sans doute dans un contexte de sur protection : en voulant accorder de l’attention aux émotions de l’enfant, on lui fait passer le message que le pincement au cœur qu’il ressent devrait être évité et qu’il y aurait un moyen qu’il soit parfaitement heureux d’aller de se rendre à l’école. (c’est possible d’être très content d’aller à l’école mais, même si on est content d’y aller, ça n’empêche pas qu’on soit un peu triste de quitter ses parents et sa maison !).

Ici l’attention aux émotions renforce l’émotion en faisant passer le message que ce n’est pas normal de la ressentir.

Dans ces situations, un calin, un mot de normalisation « tu vas peut-être un peu triste quand je vais partir, tu peux pleurer si tu en as besoin, c’est normal. A ce soir ! » et un départ rapide résolvent le problème en quelques jours.

La même chose se produit avec les émotions de frustration ou de colère.

Mais je crois que j’y reviendrai dans un prochain épisode, où je vous parlerai de l’importance qu’a pris la qualité de la relation parent enfant et de comment cette importante peut fortement compliquer le quotidien des parents, notamment face aux réactions de frustration.

Là aussi, on peut constater qu’une moindre attention aux émotions de l’enfant apaise la situation, non pas en faisant passer le message à l’enfant qu’il doit taire ses émotions comme on veut parfois nous le faire croire … mais bien en lui apprenant que beaucoup d’émotions désagréables sont simplement passagères et que toutes ne nécessitent pas une attention et encore moins une action pour le faire cesser.

Et c’est un apprentissage très utile dans la vie, tout aussi utile que de tenir compte des messages que nous envoient les messages.

L’écoute et l’attention aux émotions ont des limites, comment y voir plus clair ?

Bref, vous l’aurez compris : ce que j’ai voulu illustrer ici c’est que, oui l’attention aux émotions est plutôt une bonne chose mais que, comme toute bonne chose, elle a parfois des limites.

Vous vous demandez peut-être comment vous y retrouver pour savoir quand écouter et quand arrêter d’écouter.

Alors voici quelques pistes pour y voir plus clair :

  • D’abord si vous prêtez attention aux émotions de votre enfant et que ça n’amplifie pas son émotion, qu’au contraire ça l’apaise à la fois sur le moment et sur le long terme (ça va en diminuant et l’enfant est de plus en plus à l’aise avec la situation), alors il n’y a rien à changer ! Idem si vous ne prêtez pas attention à certaines émotions évidemment.
  • C’est seulement si vous constatez que la situation ne s’améliore pas, malgré le temps qui passe, et que vous vous inquiétez des compétences de votre enfant, qu’il sera utile de changer votre réponse. C’est la réaction de l’enfant qui vous aidera à y voir plus clair. Si le résultat est positif sur l’enfant (il est plus à l’aise), sur vous (vous vous inquiétez moins et vous vous sentez moins démunie) et sur la relation (les situations problématiques génèrent moins de tensions entre vous), alors c’est tout bon !

J’espère que tout ce nouvel épisode vous aura aidé. N’hésitez pas à me faire part de vos réactions et de vos questions à ce sujet !

Pour finir …

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Sur ce blog :

Sandrine Donzel

Parentalité, couple, communication, développement personnel ? Votre vie ne ressemble pas à ce qui est décrit dans les livres ? Pas de panique et bienvenue dans la VRAIE VIE, celle qui est abordée sur ce blog ! Je vous y propose des outils concrets, pragmatiques et REALISTES pour répondre à vos interrogations. Bonne lecture !

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