La fessée : interdire ou ne pas interdire ?

Dans de nombreux pays, notamment européens, la fessée est interdite, parfois depuis de nombreuses années.

Ainsi, la fessée est interdite dans 28 pays au monde.

Le 1er pays à l’avoir fait est la Suède en 1979. Les pays qui ont suivi son exemple sont : la Finlande (1983), l’Autriche (1989), Chypre (1994), le Danemark (1997), la Lettonie (1998), l’Allemagne (2000), la Roumanie (2004), la Hongrie (2005), la Grèce (2006), les Pays-Bas (2007)et la Pologne (2010). En Italie, il n’y a pas à proprement parler de loi contre la fessée mais un jugement de la Cour Suprème qui déclare que

« l’utilisation de la violence dans un but éducatif n’est plus considérée comme légitime. »

En France, le débat fait rage … ou plutôt ne fait pas rage justement : les Français sont plutôt majoritairement contre l’interdiction de la fessée – et non pour la fessée, ce qui est fondamentalement différent.

Les études montrant l’impact sur la santé mentale des enfants ayant subi des châtiments corporels commencent à être nombreuses.

Mais une étude a plus particulièrement retenu mon attention. Elle a le mérite d’avoir analysé les liens entre les châtiments corporels et les risques de troubles mentaux de tous types : dépression, troubles anxieux, manie, schizophrénie, …

Cela était déjà été fait par le passé, avec des résultats concordants Mais la particularité de cette étude-ci est que ses auteurs ont souhaité considérer l’impact des châtiments corporels en-dehors de toute maltraitance par ailleurs.

Les cas d’abus physiques ou sexuels ont été éliminés de l’échantillon ; les cas d’abus ou de négligence émotionnel ou physique ont aussi été écartés ainsi que les cas de contexte familial difficile (parent ayant été traité ou hospitalisé pour un trouble mental, parent ayant eu des problèmes avec la drogue ou l’alcool, …).

Cette étude (texte original en anglais ici et traduction faite par mes soins ici) démontre donc que les châtiments corporels de type fessée, gifles, tapes appliqués de façon régulière – en-dehors de toute maltraitance donc – ont un impact non négligeable sur la santé mentale :

  • 2 à 5% de cas de troubles type dépression, phobies sociales et spécifiques, troubles de l’humeur, troubles anxieux, abus ou dépendance à l’alcool ou aux substances pourraient être évités en l’absence de recours aux châtiments physiques.
  • 4 à 7% des troubles type paranoïa, schizophrénie, troubles borderline, … pourraient être évités en l’absence de recours aux châtiments corporels.

Vous trouverez un commentaire de cette étude sur les Vendredis Intellos.

Cette étude repose donc une nouvelle fois la question de l’interdiction de la fessée en affirmant clairement que le recours aux châtiments corporels devrait être strictement déconseillé, quelle qu’en soit la raison.

Aujourd’hui trop de personnes en France en tout cas sont encore persuadées qu’une bonne fessée n’a jamais fait de mal à personne mais de nombreuses études – comme celle dont je parle plus haut – démontrent que cette idée est totalement fausse justement et que oui, une fessée a déjà fait du mal à pas mal de gens justement …

Se pose alors la question de la nécessité de légiférer : faut-il ou ne faut-il pas interdire la fessée ?

Il y a quelques années, j’aurais répondu sans hésiter en faveur de l’interdiction …

Aujourd’hui, je me pose la question.

Je ne suis pas devenue une adepte de la fessée rassurez-vous !

Mais j’ai aujourd’hui des doutes : une loi est-elle le moyen le plus efficace de faire passer un message de ce genre ?

Serait-ce cohérent de prôner une éducation positive, de proposer de sortir du système punition-récompense et de « forcer » les gens à adhérer au système en l’instaurant par le biais d’un système punitif ?

De plus, je ne connais aucun parent qui tape son enfant pour le plaisir … Par contre je connais beaucoup de parents qui aimeraient arrêter de donner des fessées mais ne savent pas comment s’y prendre autrement.

Les menacer d’une sanction – même si elle n’est que symbolique (en général ce sont des formations qui sont proposées aux parents dans les pays où la fessée est interdite) – ne ferait que les culpabiliser encore plus et les enfermer dans « je fais ce que je veux chez moi ».

Il s’agit donc de réfléchir à une autre façon d’aborder ces questions.

Il me parait important que les parents soient sensibilisés à ces questions éducatives dès le plus jeune âge de leur enfant, peut-être même lors d’une « préparation à la parentalité », qui serait proposée lors de la 1e année de l’enfant et où serait abordés des outils de parentalité positive, comme ceux abordés dans les ateliers « parler pour que les enfants écoutent, écouter pour qu’ils parlent » de Faber et Mazlish ou d’autres. Cela permettrait aux parents de se trouver moins démunis face à leurs enfants.

Ce type de « préparation » pourrait aussi venir compléter la préparation à l’accouchement qui manque cruellement d’informations sur ce qu’est un nourrisson, ses besoins, ses rythmes, … Je rencontre énormément de gens qui souffrent ou ont beaucoup souffert des premiers mois de leur bébé au point d’en être presque traumatisé, d’avoir perdu confiance en leur capacité à gérer, de perdre pied dans leur quotidien.

Ce n’est pas si rare et je pense que je ferais un article sur ce sujet uniquement très bientôt.

Cela va de pair avec ma conviction profonde que être parent, ça s’apprend, conviction qui va là aussi à l’encontre des bien des idées reçues, notamment dans les milieux sociaux où l’on entend souvent « être parent, ça ne s’apprend pas« .

Je pense qu’il est primordial aussi de développer de la collaboration entre parents pour que chacun soit un soutien pour les autres et non un juge, au travers de rencontres entre parents, comme cela s’est fait pour l’allaitement dans le cadre d’associations de parents non encadrées par des professionnels de santé.

Je pense aussi qu’il est nécessaire – comme le recommande l’étude américaine traitée dans mon article sur les Vendredis Intellos – que les professionnels de santé – pédiatres, médecins, PMI, psychologues scolaires et de CMP, … – soient informés des risques des châtiments corporels et aient connaissances des alternatives possibles et des outils qui rendent possible une autre approche de l’enfant

Et surtout QU’ILS N’HESITENT PAS A RECOMMANDER L’USAGE DE CES OUTILS DE PARENTALITE POSITIVE.

Et vous, vous en pensez quoi d’une loi sur l’interdiction de la fessée ?

Sandrine Donzel

Parentalité, couple, communication, développement personnel ? Votre vie ne ressemble pas à ce qui est décrit dans les livres ? Pas de panique et bienvenue dans la VRAIE VIE, celle qui est abordée sur ce blog ! Je vous y propose des outils concrets, pragmatiques et REALISTES pour répondre à vos interrogations. Bonne lecture !

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6 thoughts on “La fessée : interdire ou ne pas interdire ?

  • Ping :Les liens entre châtiments corporels et santé mentale « Les Vendredis Intellos

  • 31 août 2012 à 13:25
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    Merci pour cet article Sandrine.

    J’adhère entièrement … les recommandations pour un éducation sans aucune forme de violence devraient être remises par les professionnels à la naissance de l’enfant, à l’occasion d’un entretien de sensibilisation.

    Chaque famille devrait bénéficier d’un entretien de sensibilisation sur cette question, à chaque fois qu’un nouvel enfant arrive …

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  • 1 septembre 2012 à 15:11
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    Merci pour cet article Sandrine, je le trouve très parlant, référencé et j’aime bien aussi les propositions à la fin.
    Voir la loi comme un système punition / récompense c’est peut être aussi une habitude ancrée en nous que de voir les lois comme ça… les lois sont avant tout des règles que les personnes vivant dans un même pays se fixent pour vivre ensemble en bons termes. Cela sert a fixer des limites communes que chacun ne doit pas dépasser. Et à protéger tout un chacun. Reste toujours la question : que faire si une personne enfreint la règle? Si une personne me mets en danger physiquement, la réponse me semble de l’éloigner de moi pour protéger mes besoins. Donc comme le font les suédois, de retirer la garde des enfants. Mais comme eux le font, il y a pour moi évidemment besoin d’accompagnement et de tolérance au début : on ne change pas immédiatement des choses aussi ancrées en nous…

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    • 11 janvier 2014 à 02:14
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      Alors vous retireriez la garde de l enfant a un parent qui lui aurait mis une fessee? Parce que vous pensez que cela justifierait le fait de le placer dans une famille d accueil?
      Je suis désolée il y a quand même une différence entre battre son enfant et lui mettre une fessee parce qu il a fait une bêtise, je ne dis pas que la fessee c est bien, je dis que si on peu faire autrement bien sur que cela est mieux, mais retirer la garde de l enfant parce que le parent lui met des fessees me semble irréaliste… Ce n est pas parce qu il lui met des fesses qu il ne l aime pas, et ce n est pas parce que l’enfant est éloigné de sa famille et placé parmis des gens qu il ne connait même pas qu il sera plus heureux.
      Vraiment en terme d absurdités on aura tout vu. Aux États Unis aussi certains états retire la garde de l enfant en cas de fessee ou même de tape sur la main.. Je ne pense pas néanmoins qu ils soient exemplaires en termes d’éducation des enfants. Un bon parent c est un parent qui fait de son mieux et pense profondément faire le bien pour son enfant et se démène pour cela, alors oui peut être qu il s y prend mal mais dans ce cas lui retirer son enfant n apportera rien de bon si ce n est encore plus de chagrin et de traumatisme des deux cotés, plutôt une assistance pour éduquer le parent a éduquer ses enfants, ça c est une bonne solution.

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  • 2 septembre 2012 à 22:46
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    Hello Sandrine, tu vas dire que c’est du « déjà entendu » mais pourquoi, en France, aurait-on le droit de frapper un (son) enfant, alors qu’il n’est pas permis (par la loi) de frapper des adultes, ou même des animaux !

    Ne crois-tu pas que si cette loi était passée il y a 50 ans, de nombreux adultes aujourd’hui ne seraient pas touchés pas les « troubles » dont tu parles dans ton article ?
    Tous les parents n’auraient peut être pas respecté cette loi… mais la majorité l’aurait fait, aurait chercher des solutions alternatives pour ne pas être « hors la loi ». En tout cas, les mentalités auraient changé, il ne viendrait même pas à l’esprit d’un adulte, aujourd’hui, de frapper son enfant, puisque même lorsqu’il était petit c’était interdit (comme pour la ceinture de sécurité en auto par exemple).

    Nous sommes donc, tu l’auras compris, « pour » l’interdiction des châtiments corporels envers les enfants, et convaincus de son utilité (c’est un minimum d’ailleurs, car il y faudrait ensuite s’attaquer à toutes les autres formes de « violence éducative ordinaire » : menaces, insultes, humiliations, etc.)

    En tout cas, nous sommes entièrement d’accord avec toi : des « cours de parentalité » devraient être offerts à tous les parents et futurs parents, automatiquement. Au minimum en ce qui concerne les grandes étapes du développement de l’enfants (c’est d’ailleurs pour ça que nous offrons sur notre blog un guide détaillant ces étapes).

    Bien à toi
    Olivier de SupersParents.com

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    • 3 septembre 2012 à 10:00
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      J’ajouterai que, si on applique stricto sensu la loi, taper un enfant est déjà interdit …
      Il y a juste une tolérance culturelle pour les châtiments corporels à visée « éducative ».

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