Faut-il vraiment se débarrasser de ses ruminations ?
Préambule : Je ne donne ni conseils ni solutions. Ma particularité est de proposer des expériences et des manières différentes de voir. C’est ce que vous trouverez dans cet article. Ce sont ces expériences qui vous aideront à changer concrètement les choses … A vous de vous jouer maintenant 🙂 …
Au hasard des réseaux sociaux, j’ai visionné cette semaine cette chronique de Christophe André sur les ruminations. Il y distingue réflexion et ruminations et nous propose de trouver un moyen de couper court à ces dernières. Mon expérience de psychopraticienne m’a donné envie d’apporter un point de vue complémentaire au sien.
Faut-il vraiment se débarrasser de ses ruminations ?
Je fais en effet une distinction supplémentaire par rapport aux 2 catégories proposées par Christophe André. Cela donne quelque chose comme ça :
- la réflexion, un peu comme quand on réfléchit sur un problème de maths : je regarde différentes hypothèses, j’essaie d’analyser des causes, des conséquences, des risques, de peser le pour et le contre.
- La rumination « tentative pour résoudre un problème » : mon esprit tourne en boucle, souvent sur le même sujet ou sur le même thème (« je n’arrive pas à prendre une décision« , « il pourrait arriver tel ou tel problème« ).
- la rumination « fonctionnement de mon cerveau »
La réflexion est un processus mental habituel. Face à une difficulté, notre cerveau se met en route et cherche à comprendre ce qui est en jeu. Réfléchir peut aider à trouver des solutions au problème rencontré. Il n’y a aucun problème à réfléchir. Cela peut même générer un grand plaisir (demandez donc aux matheux comment ils adorent résoudre des problèmes !!!). Jusque là tout va bien.
Les problèmes arrivent quand la réflexion ne nous apporte pas de solution. Certaines difficultés de la vie ne peuvent en effet pas être résolues par la réflexion, ou pas complètement. Oui, je sais, c’est difficile à entendre dans le pays de Descartes :-D. Des tas de décisions importantes de notre vie relèvent de cette catégorie (quitter son conjoint/compagne ou rester / choisir un job, une orientation professionnelle, …).
Réfléchir à un problème est une chose. Continuer à y réfléchir quand on ne trouve pas de solution en est une autre.
Au fait, c’est quoi une rumination ?
Lorsque nous continuons à réfléchir à un problème sans trouver de solutions, nous pouvons vite tomber dans des ruminations qui font souffrir. Ces ruminations deviennent alors envahissantes.
C’est logique : le problème que vous tentez de résoudre est important pour vous. Votre cerveau met alors en oeuvre toutes les ressources dont il dispose pour le résoudre. Il ne peut tout simplement pas accepter de ne pas trouver de solutions.
Sauf que, plus vous tentez d’y réfléchir, moins vous y voyez clair, plus votre cerveau panique … et plus vous y réfléchissez.
Dans ce cas, la rumination est une tentative inefficace de résoudre un problème. Couper court aux ruminations aide parfois à aller mieux. C’est particulièrement vrai quand on tente de répondre intellectuellement à une question qui n’a pas de réponse (« est-ce que je fais le bon choix en quittant mon conjoint ?« , « comment savoir si je suis capable de me lancer comme entrepreneure ?« , « j’aime 2 hommes tous les 2 bourrés de qualité, lequel choisir ?« , « suis-je prête à avoir un enfant ?« , etc). En continuant à cogiter sur une question sans réponse, on s’épuise … et on perd de vue que la réponse ne se situe sans doute pas à un niveau intellectuel.
Dans d’autre cas, le problème sous jacent persiste, les ruminations vont reviennent et les émotions flamber. Il faut alors travailler à la fois sur les émotions associées au problème et sur les ruminations (vos pensées viennent aussi de vos émotions, j’en ai déjà parlé ici).
Et si toutes les ruminations n’étaient pas un problème ?
De mon point de vue, une partie de nos ruminations sont une manière pour notre cerveau de manipuler des données, des opinions, de les malaxer. Ce ne sont pas des ruminations focalisées sur un problème particulier. Ce sont des ruminations plus ou moins persistantes sur des thèmes variés, des questions qui se posent.
Elles font souvent souffrir beaucoup de gens que je reçois en accompagnement, souvent des profils type « haut potentiel« . Ils sont fatigués de leur cerveau qui « tourne en boucle », « qui ne s’arrête jamais ». On leur dit à longueur de journée que c’est justement une de leur spécificité : un cerveau qui ne s’arrête jamais, qui cogite tout le temps.
Ils sont donc focalisés sur leurs processus mentaux. Ils sont alors victimes d’un biais cognitif courant, un biais de sélection observationnelle. Un exemple de ce biais : vous venez d’acheter une nouvelle voiture et vous en voyez de nombreux modèles sur la route alors que vous n’en voyiez que peu auparavant ; vous êtes enceinte et vous voyez soudain de nombreuses femmes enceintes autour de vous ; etc.
Ils perçoivent donc plus fort leurs pensées et y portent plus d’attention. Ce qui, évidemment, les amène à renforcer l’idée qu’ils pensent et cogitent plus que les autres. Et ce qui les amène parfois à vouloir couper court à ces pensées, persuadés que ces pensées permanentes les épuisent. Ils jugent donc négativement leur propre fonctionnement et essaient alors de réduire cette réflexion permanente. Ce qui est évidemment peine perdue.
Nos pensées ne nous fatiguent pas. Ce qui nous épuise, c’est de tenter de couper court à leur bombardement permanent.
Couper court aux ruminations, pourquoi ne pas simplement les laisser courir ?
Pour ma part, je pense sans arrêt. Ca fait beaucoup rire mon entourage : ils savent que, quand ils disent un mot, je vais enchainer 10 000 associations logiques et répondre en parlant de la 10 001e à la seconde suivante. Donc je pense beaucoup. Comme tout le monde. Tout le monde a un cerveau (en l’écrivant, un horrible doute m’assaille à ce sujet 😀 …). Et le cerveau fait son boulot : il triture des informations reçues par nos sens, cherche à voir s’il y a un problème … et cherche à le résoudre si c’est le cas.
Le boulot du cerveau, c’est de chercher des problèmes et de les résoudre.
Certains pensent peut-être plus que d’autres mais il est quasiment impossible de le savoir. Tout simplement parce que ne pas percevoir ses pensées, ce n’est pas ne pas penser. Notre cerveau pense sans notre autorisation. Ne confondez pas penser et être conscient de vos pensées.
Nos cerveaux ADORENT résoudre des problèmes (sinon ils s’ennuient). Ils deviennent donc super forts à trouver des problèmes et à les résoudre. Et nos cerveau font ça en mode totalement automatique : nous ne sommes que les témoins (et les victimes parfois) de ce travail permanent.
Attention, croire que la réflexion permet de résoudre efficacement tous les problèmes est aussi faux que croire que les ruminations sont contre-productives.
Très souvent, je propose donc plutôt aux gens de modifier le regard qu’ils portent sur leurs ruminations et leurs réflexions : ce sont simplement des manières pour notre cerveau de triturer des informations, parfois elles sont utiles, parfois pas.
Mon cerveau tourne souvent à plein régime … et je le laisse faire. Je m’en amuse même quelques fois, en essayant de suivre ses méandres. D’autres fois je le laisse vagabonder à sa guise en me livrant à des activités physiquement actives mais qui ne demandent pas de concentration (la marche notamment). Je n’essaie pas de concentrer ma pensée sur un sujet en particulier, ni de stopper le court de mes pensées. Je les laisse aller.
Chercher à se débarrasser de ses ruminations n’est donc pas forcément une bonne idée …
Dans ce cas, le discours de Christophe André me semble contre-productif. Il laisse en effet croire que les ruminations posent forcément problème. Il renforce l’idée que trop penser est forcément un problème. Il incite les gens dont le cerveau turbine sans arrêt à tenter d’y couper court. Ce qui est impossible, comme je l’ai indiqué plus haut.
Christophe André présente la méditation comme une solution à ce problème (couper court à ses ruminations). Elle en est effectivement une, non pas en faisant cesser les ruminations mais en changeant le regard qu’on pose sur ses processus mentaux. De négatif – « mes ruminations doivent cesser, ce n’est pas normal, je ne fonctionne pas comme tout le monde » – il devient neutre – « cela fait partie de ma réalité, je fais avec et je ne suis pas obligé d’y porter attention.«
Ce changement de point de vue diminue la fatigue : je ne suis plus obligée d’y porter attention (rappelez-vous : c’est l’attention qui fatigue), je peux laisser filer tout simplement :-), je ne suis plus obligée de chercher des solutions.
Pour se débarrasser de ses ruminations (ou savoir les distinguer), quelques expériences
Vous le savez, je ne donne ni conseils ni solutions. Ma particularité est de proposer des expériences et des manières différentes de voir (c’est ce que vous trouverez dans mes accompagnements, mes conférences et sur ce blog). Pour que cet article vous soit profitable, je vous invite à en compléter la lecture par plusieurs expériences :
- Une expérience pour distinguer les ruminations « tentative de résoudre un problème » de vos réflexions : ayez un carnet sur vous. Chaque fois que vous surprenez à ruminer, notez les questions qui vous viennent en tête. Pour chacune d’elles, demandez-vous « cette question a-t-elle une réponse certaine, oui ou non ?« . Si oui notez où vous pouvez trouver la réponse (avocat, professeur de votre enfant, etc). Si non, alors rappelez-vous juste que chercher la réponse à une question sans réponse ne fait que déclencher des questions supplémentaires.
- Une expérience pour identifier si certaines de vos pensées sont des ruminations « tentatives pour résoudre un problème inefficace » en utilisant les 3 questions de Christophe André. Dans sa vidéo, Christophe André livre en effet 3 questions pour se débarrasser de ses ruminations. Elles constituent une expérience très intéressante si vous avez des ruminations « tentatives de résoudre un problème ». Voici ces 3 questions :
- ai-je l’impression d’avancer vers une solution ?
- ai-je le sentiment d’y voir plus clair ?
- Est-ce que je me sens soulagé d’y avoir pensé ?
- si la réponse à ces questions est oui : bravo, vous êtes en train de réfléchir à un problème et d’avancer vers sa résolution !
- si la réponse est non, alors vous êtes en train de ruminer en mode « tentative de résoudre un problème ».
- une expérience pour modifier l’attention portée aux ruminations « fonctionnement normal du cerveau »:
- Je peux détourner mon attention en la portant sur autre chose : respiration, musique, dessin (je pratique les gribouillages pour me reconcentrer si mon attention a été attirée par mes pensées par exemple ; je vais marcher dehors ; etc)
- je peux aussi leur accorder de l’attention pour « vider mon réservoir à ruminations » : vous pouvez ainsi transcrire intégralement votre dialogue intérieur, sans chercher à savoir quelle est la bonne ou la mauvaise réponse, sans chercher à juger ce qui me vient, juste retranscrire ce qui me vient. Si vous tentez cet exercice, vous pouvez vous allouer un temps pour « vider votre réservoir à rumination » en vous donnant un rendez-vous spécifiquement destiné à cet usage. Lorsque les pensées vous dérangent pendant la journée, vous pourrez alors leur donner rendez-vous à ce moment-là (ça demande un peu de discipline au début).
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Quelques ressources complémentaires pour se débarrasser de ses ruminations
- La vidéo de Christophe André :
- Par ailleurs sur ce blog :
- Quelques livres :
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