L’enfant Kinavaijamaifroi
Il était une fois une jolie petite fille. Elle avait 3 ans 1/2. Cette petite fille avait du sang de Kinavaijamaifroi.
Les Kinavaijamaifroi ont un particularité bien spéciale : les membres de cette tribu peuvent aller au marché en février, avec un simple gilet sans manches et ne pas avoir froid. Ils peuvent aussi jouer en culotte dans le jardin début avril dans les Alpes et ne pas s’en plaindre.
Evidemment c’est difficilement compréhensible pour les gens de la tribu voisine, les Kisselécaille. Bon eux ils poussent des cris :
Mais t’as pas froid ?
Mais tu dois être gelée !
Mais les Kinavaijamaifroi n’ont – comme vous l’aurez compris – jamais froid (ou rarement). Alors la petite regarde sans comprendre qui Kisselécaille qui pousse des cris …
La petite fille dont je vous parle a aussi du sang Kinéjamaimalade.
Du coup, elle a beau être déshabillée par 8° dehors, elle est très rarement malade, ni fièvre, ni otites, ni angines, rien.
Une charmante petite fille qui donne donc des frissons dans le dos de tous les Kisselécaille qui croisent son chemin.
Au moment où se déroule mon histoire, nous sommes en novembre. Là où habite la petite Kinavaijamaifroi, il fait froid, enfin ça dépend pour qui évidemment comme vous l’aurez compris.
Mais quand même.
Pour vous donner une idée, il fait environ 4 ou 5° le matin quand notre petite Kinavaijamaifroi part à l’école.
Elle met des jupes et des t-shirts à manches courtes. Ses parents se battent tous les matins pour qu’elle prenne un manteau ou
mette des chaussures fermées mais la petite Kinavaijamaifroi refuse fermement.
Depuis quelques temps, ses parents insistent un peu plus que d’habitude car il fait vraiment vraiment froid le matin
Non tu ne t’habilles pas comme ça, avec une jupe et un débardeur.
Tu mets ton manteau.
Non tu ne mets pas tes sandales.
Mets un pull.
Comme à son habitude la gamine refuse tout net. Tous les jours.
Mais si tu vas mettre un manteau et un pull !!!
Il fait vraiment froid ! Tu vas avoir froid si tu ne t’habilles pas !
Tu vas être malade !
L’escalade du conflit … et sa résolution
Et la situation dégénère de plus en plus : les parents insistent, la petite résiste.
Ca devient la guerre tous les matins.
Plus les parents disent « tu vas t’habiller », plus la petite résiste. Ca devient la crise.
Et puis un jour, las de ces conflits sans fin, les parents se rappellent que leur petite est une Kinavaijamaifroi doublée d’une Kinéjamaimalade.
Et ils réalisent que leurs efforts pour la convaincre qu’elle va avoir froid et/ ou qu’elle va être malade ne peuvent être que vains. L’enfant ne sait même pas ce que ça veut dire !
Alors ils se demandent bien pourquoi ils insistent tellement pour que leur petite s’habille … et comprennent tout d’un coup !
Alors ils disent simplement :
On sait que tu ne vas pas avoir froid et que tu ne vas pas être malade. Tu as rarement froid et tu n’es presque jamais malade.
Par contre, nous on a un problème : quand il fait froid, les parents sont censés mettre des vêtements chauds à leurs enfants.
Nous on veut bien te laisser partir à l’école sans manteau.
Mais à force de te voir aussi déshabillée, on commence à avoir peur que la maitresse et leurs autres parents croient que nous ne nous occupons pas assez bien de toi.
Alors la petite – du haut de ses 3 ans 1/2 – les regarde étonnée et dit
ah bon ? d’accord
D’un air de dire « c’est pour CA que vous me cassez les pieds depuis des semaines ???!!! »
Et elle attrape son manteau, met ses bottes et part s’installer dans la voiture pour partir à l’école.
Et l’habillage par temps froid ne posa plus jamais de problèmes.
Epilogue : 4 ans plus tard, nous sommes début octobre, il fait 6°, tout le monde est en pantalon et grosse veste sur le chemin de l’école. L’enfant Kinavaijamaifroi (qui a donc maintenant 7 ans) est partie, elle, en short et t-shirt léger en disant à sa maman : « oh il fait juste la bonne température ! » . Et, comme depuis ses 3 ans 1/2, elle a pris un gros gilet dans son sac « juste au cas où » comme elle dit ;-).
Toutes ces choses que nous essayons de faire croire à nos enfants …
Cette petite fable attire aussi notre attention sur toutes les choses que nous essayons de faire croire à nos enfants en pensant que cela va les aider.
Combien de fois essayons-nous de convaincre notre enfant réticent d’aller à l’école en lui disant
Mais si, c’est super l’école, tu vas bien t’amuser !
alors que l’enfant n’aime pas ça, s’ennuie, le vit mal … Pour l’enfant, au mieux, ça n’est pas crédible – il a vécu des moments désagréables à l’école et il SAIT en son for intérieur que ce n’est pas aussi rose qu’on veut bien lui dire – et au pire, cela l’angoisse – il a un RESSENTI désagréable et il se met alors à penser que ses sensations le trompent, qu’il n’est pas normal de ne pas aimer l’école, …
Combien de fois essayons-nous de rassurer un enfant qui nous demande si nous allons mourir en lui disant
Mais non, je ne vais pas mourir !
Alors que l’enfant SAIT que nous allons mourir un jour – peut-être pas aujourd’hui, mais un jour inéluctablement. Nous passons alors à côté de la question qu’il pose en réalité : comment on surmonte la mort d’un proche, d’un parent ?
Chaque fois que nous essayons de convaincre notre enfant qu’il a tort de penser ce qu’il pense ou qu’il a tort de ressentir ce qu’il ressent, il y a de fortes chances que nous soyons en train de faire fausse route.
Et il est plutôt rassurant de constater que, quand nous faisons ça, nos enfants résistent, piquent des crises, insistent pour nous montrer que quelque chose ne va pas dans notre façon de faire 😉.
D’autres articles du blog qui vous permettront d’aller plus loin :
– A quoi ça sert de vivre si on meurt à la fin, un livre pour aborder la mort avec les enfants
– Maman j’ai fait un cauchemar, je n’avais plus de papa et de maman
– A quoi devez-vous dire oui aujourd’hui ?
Photo Credit: Avia Venefica via Compfight cc
Des livres sur l’éducation et la relation à l’enfant :
Bonjour,
C’est tout à fait cela, et je le remarque tous les jours avec mon fils de 19 mois. Il ne suffit pas de dire non, ou de donner un ordre. On pourrait croire qu’un enfant de cet âge n’a pas besoin d’explications, et bien ce n’est pas le cas. Dès qu’on prend le temps de lui expliquer simplement les choses, il change aussitôt d’attitudes et le dialogue continue et n’est surtout pas fermé. La communication est à mon sens un outil incontournable.
Merci pour vos articles.
Elle n’aurait pas les yeux bleus et des couettes qui sentent la lavande, Kinavaijamaifroi, par hasard ? Elle a des parents comme elle, donc tout va bien… sauf quand les grands-parents Kisselécaille débarquent : je vais de ce pas leur faire suivre cette jolie fable ! 🙂
Celle que je connais le mieux a aussi des yeux bleus 😉 !
Je rends à césar ce qui lui appartient : je viens de copier cet article dans une petite carte, que je vais glisser dans le cadeau de Noël pour la maitresse, de l’atsem, de la nounou… Avec le nom de votre blog en signature, bien sûr !
tient mon fils fait parti de la même tribu des Kinavaijamaifroi !!! 😉
il a maintenant 13 ans, continue de glisser un sweat dans son sac pour faire plaisir et rassurer les profs ! et moi !
j’ai eu du mal à lâcher moi qui suis une Kisselécaille ! que ça a été plus simple quand j’ai pu écouter et respecter sa différence
merci de vos articles 🙂
Merci de votre fidélité !
Et oui pas simple de respecter les différences et de passer par dessus ses peurs.
Merci pour cet article. Un bon rappel!
Bonjour,
Merci Sandrine pour tes billets, c’est toujours aussi parlant et écrit avec humour, j’aime ! Maintenant que je suis maîtresse (!!!) mais que je suis toujours une ‘Kisslécaille’ j’essayerai de penser à cette jolie histoire quand je verrai mes élèves arriver en short au mois de Novembre … heureusement à l’école il y a toujours des vestes de secours pour ceux qui sont en T-shirt parce que malheureusement il y a des mini-Kisslékaille qui n’ont personne pour les habiller le matin 🙁
A +
Caroline
Quelle chouette reconversion 😉 !
Je suis sure que les enfants ont avec toi une maitresse attentive et soucieuse de leur bien-être à l’école pour leur permettre d’apprendre dans de bonnes conditions.
Hé, j’en ai 2 énergumènes de la même tribu. Alors que moi, je me les caille grave et tout le temps en dessous de 20°…
😀
Excellent ton article !
mon premier fils fait partie de cette tribu.
petit, je l’ai couvert comme un autre enfant – tjrs malade …
plus grand, il a commencé à regimber de plus en plus …
en 5ème, 4ème, il allait au collège alors qu’il gelait dehors en short tee shirt avec juste une paire de gants (concession à l’hiver) … il a été dix fois moins malade !
Evidemment, on m’a x fois proposé pantalons, pulls, manteaux … ce que je déclinais en disant que son placard était plein.
Bonjour Sandrine,
Je vous remercie pour vos articles qui sont toujours intéressants.
Excusez moi d’être sans doute hors propos, mais votre fable « colle » avec les nouveaux conflits qui pointent à l’horizon dans mon immeuble sur les questions de chauffage avec ceux qui ont toujours chauds et ceux qui ont toujours froids. N’auriez vous pas une petite fable qui permettent de trouver un terrain d’entente?
Merci
Véronique
il va falloir que j’y réfléchisse ;-).