L’expérience émotionnelle au coeur de nos problèmes … et de nos solutions !

Aujourd’hui – une fois n’est pas coutume – je ne vais pas vous parler d’une situation spécifique mais de thérapie et le coaching en général et de changement plus précisément. Je voudrais en effet défaire 2 idées reçues qui dissuadent souvent les gens de s’engager dans un accompagnement psychologique que ce soit psychothérapie ou coaching qui leur serait pourtant extrêmement utile et leur permettrait de souffrir moins.

Beaucoup de gens pensent en effet qu’une thérapie efficace, c’est forcément un chemin long pénible pendant lequel on va remuer des choses douloureuses et ils n’ont pas très envie de s’infliger ça s’ils peuvent survivre sans.

Une autre croyance va de pair avec celle-ci : c’est que si on ne fouille pas dans le passé si on ne trouve pas les causes du problème, alors le changement qui va être obtenu ne pourra être ni solide ni durable. Idée qui, là aussi, dissuade les gens de s’engager dans un accompagnement plus bref.

Or ces 2 idées sont des mythes : il est tout à fait possible de changer rapidement efficacement et sans chercher des causes dans le passé, ni remuer inutilement des choses douloureuses.

J’ai donc eu envie de vous parler d’expérience émotionnelle, et plus particulièrement d’expérience émotionnelle correctrice. C’est un concept clé pour comprendre comment les transformations et les changements se produisent, que ce soit en thérapie … ou même dans la vraie vie. Et j’ai vraiment eu envie de vous montrer comment changer peut être à la fois rapide profond et beaucoup moins douloureux que ce que vous croyez ! Alors zou, c’est parti : allons explorer de plus près le concept d’expérience émotionnelle correctrice.

A noter : cet article est disponible en version vidéo si vous préférez écouter plutôt que lire.

Qu’est-ce qu’une expérience émotionnelle ?

Avant d’aborder le côté « correcteur » d’une expérience émotionnelle, il est important de comprendre ce qu’est une expérience émotionnelle tout court.

Nos apprentissages, nos croyances, et nos comportements sont ancrés par des expériences émotionnelles. C’est la base de l’apprentissage : pour apprendre, c’est à dire ancrer un apprentissage, il doit être accompagné d’une expérience émotionnelle, agréable ou désagréable.

Quand l’expérience émotionnelle est intense, il n’y a pas forcément besoin de beaucoup de répétitions. Cela va créer un apprentissage fort mais souvent rigide. Ce qui, soit dit en passant, peut être un problème comme on le verra par la suite.

À l’inverse, un apprentissage peut aussi se former à partir d’expériences émotionnelles de faible intensité mais répétées très souvent.

C’est comme ça qu’un enfant apprend à sourire, à parler … et quasiment tous les gestes de sa vie : quand un enfant se met à gazouiller, il reçoit une réponse de ses parents. Cette réponse provoque une expérience émotionnelle agréable qui l’encourage à continuer à tenter d’interagir, à affiner ses réponses, à comprendre ce que fait son interlocuteur et il va donc jour après jour apprendre le sens des sons qu’il entend puis pouvoir les reproduire.

note : si le sujet vous intéresse, Alison Gopnik a produit de très bons livres sur le sujet (je vous mets quelques liens dans les ressources en fin d’article).

L’immense majorité de nos comportements sont donc appris.

Ce qui signifie que tout ce que nous faisons et pensons est le résultat d’une expérience émotionnelle : notre vision du monde – c’est à dire la façon dont nous concevons le monde, ce qui est moral et ce qui ne l’est pas, ce qui est adapté et ce qui ne l’est pas, etc – est issue d’expériences émotionnelles. Nos réponses aux différentes situations que nous vivons aussi.

En résumé : nous faisons des expériences émotionnelles qui construisent la manière dont nous répondrons aux situations futures.

Mais nos apprentissages peuvent aussi nous piéger …

Lorsque nous rencontrons une difficulté, nous analysons la situation et nous y répondons sur la base de nos apprentissages passés. Dans l’immense majorité des cas, cette réponse initiale est adaptée et la difficulté est surmontée.

Mais il arrive que cela ne donne pas un résultat positif : notre réponse ne résout pas la difficulté rencontrée, parfois même elle l’aggrave. Nous tentons d’insister dans la même réponse, toujours sans succès.

Nous avons souvent l’impression de changer d’approche … mais ce n’est pas forcément le cas.

C’est là que le modèle systémique de Palo Alto aider à comprendre les choses : quand le problème persiste encore et encore, on peut se rendre compte que, en croyant faire des choses différentes, on fait en réalité très souvent toujours la même chose ou des choses très proches.

Je vous donne un exemple avec un cas assez emblématique des accompagnements que je peux faire : des parents confrontés à un enfant qui fait des crises à répétition.

Ils ont souvent essayé de l’aider à reformuler ses émotions, lui ont fourni des outils pour le faire, l’ont emmené faire des ateliers sur les émotions. Il se peut aussi qu’ils aient fini par le gronder, le punir, s’énerver (avant ou après les outils sur les émotions 😅).

Ils ont l’impression d’avoir faire des choses différentes mais, en réalité ils ont fait la même chose : d’une certaine manière, quel que soit la façon dont ils s’y sont pris, ils ont essayé de cadrer les émotions de leur enfant. Ils ont envoyé le message « tu dois te calmer ».

Ce qui est une bonne idée, soyons clairs ! Et si ça aide l’enfant, il n’y a rien à dire à ça.

Mais dans de nombreuses situations, cette intention ne fonctionne pas et il faut faire quelque chose de radicalement différent. Et c’est là que nos apprentissages peuvent poser problème.

En effet, notre vision du monde, leurs apprentissages passés peuvent être bloquants ici : nous avons du mal à concevoir qu’on peut faire autre chose que ce qu’on fait.

(cet article sur le fonctionnement des enfants peut illustrer dans quoi ces parents sont coincés et ce qu’ils pourraient faire de différent).

On peut illustrer cela à l’infini avec d’autres situations, aussi dans les relations avec soi qu’avec les autres et vous trouverez des exemples dans tous les articles de ce blog ou presque.

Nos apprentissages constituent une sorte de tunnel dans lequel nous évoluons, ou d’oeillères qui réduisent notre champ de vision.

Attention : sans cet effet « oeillères », nous serions submergés d’infos à chaque fois, obligés de « réinventer le monde » sans arrêt, ce serait fatiguant, stressant et nous n’apprendrions pas de nos erreurs ou de nos réussites, ce qui serait très dangereux (qui a envie de DECOUVRIR que le feu brûle à chaque fois qu’il voit une flamme ???)

Mais l’inconvénient de ce système d’apprentissage qui ancre fortement les choses, c’est que, quand il est nécessaire d’adopter une réponse radicalement différente, alors les oeillères des apprentissages posent un gros problème : elles bloquent le changement, en nous empêchant de voir comment faire autrement.

Mais on ne peut pas supprimer ou effacer un apprentissage. Par contre, on peut faire un autre apprentissage qui va modifier ou assouplir le précédent.

Et qui dit apprentissage dit … expérience émotionnelle ! (bravo, vous avez suivi !!!)

C’est quoi une expérience émotionnelle correctrice ?

Le concept d’expérience émotionnelle correctrice a été formulé pour la première fois par Franz Alexander dans les années 1940.

Franz Alexander a émis l’idée que le changement ne se produit pas simplement par la prise de conscience de son mode de fonctionnement ou par la compréhension des causes de son comportement mais par l’expérience directe de réponses émotionnelles différentes.

L’expérience émotionnelle correctrice est une expérience émotionnellement significative qui contredit la vision du monde antérieure de la personne.

Cette expérience OBLIGE la personne à construire une nouvelle vision du monde et par conséquent à changer la réponse quelle produisait jusque là pour en adopter une plus adaptée à sa situation.

La personne y est obligée car elle est directement confrontée à une réalité qu’elle ne nier : elle a VECU quelque chose de différent. L’expérience est alors thérapeutique.

Dans « la vraie vie », ces expériences peuvent se produire spontanément : parfois on change par hasard de comportement (on oublie de faire quelque chose, le contexte nous oblige à agir différemment) et on constate qu’il se passe quelque chose de différent, ce qui nous aide à changer.

Le plus souvent, on a cherché cette expérience émotionnelle corrective : on s’est documenté sur le sujet et on a fini par tomber sur quelque chose qui nous a apporté un point de vue différent, amenant une réaction différente de notre part.

Remarquez bien ici qu’il n’est pas nécessaire de lire 500 articles de blog … Une phrase peut suffire à faire tomber nos oeillères ou à ouvrir une porte dans un mur qu’on croyait hermétique. Et une fois le changement en cours, on ne peut plus faire comme si on n’avait pas conscience de ce nouveau point de vue et beaucoup de choses changent.

Le concept d’expérience émotionnelle correctrice permet ainsi de se passer d’un travail long et fastidieux et peu efficace de recherche des causes.

Comme pour tous les apprentissages, l’expérience émotionnelle provoquée permet un changement d’autant plus durable et efficace qu’elle est intense. Vous pensez sans doute que cela signifie qu’il faut des choses extraordinaires pour que le changement soit vraiment durable …

Mais ce n’est pas le cas : quand une personne souffre fortement, voir sa souffrance diminuer alors que cette personne pensait que c’était impossible est une expérience émotionnelle plutôt intense, menant à un nouvel apprentissage. Des portes s’ouvrent vers une nouvelle façon de réagir au problème.

Le travail d’un intervenant pour provoquer le changement

Le travail d’un intervenant – coach, thérapeute, etc – consiste donc à provoquer des expériences émotionnelles correctrices. En effet l’expérience émotionnelle correctrice est un moyen thérapeutique pour faciliter le changement souhaité par la personne.

Pour cela, il faut identifier lesquelles sont nécessaires et comprendre comment les provoquer d’une manière qui soit sécurisante pour la personne. C’est un travail d’analyse stratégique dont l’idée est simple … mais dont la mise en oeuvre est parfois subtile.

Le travail de l’entretien en séance est de comprendre de quoi sont faits les murs du tunnel des apprentissages passés.

On cherche comment la personne réagit quand le problème se présente, que fait-elle, que dit-elle, comment agit-elle. Cela permet de comprendre ce qui entretient le problème, c’est à dire les réactions qui ne lui permettent pas d’adapter : comment elle réagit à telle ou telle émotion ou face à tel type de comportement de la part de son interlocuteur. Et cela permet aussi d’identifier les éléments de la vision du monde de la personne qui la bloquent : une règle de fonctionnement inflexible, une façon d’interpréter telle ou telle situation.

Je souligne qu’il n’est pas utile de savoir COMMENT ces apprentissages ont été faits pour les modifier.

Durant ce travail d’analyse, on identifier les endroits qu’il va falloir « ébrécher » pour pouvoir ouvrir une porte dans le mur actuel des apprentissages et de la vision du monde.

Le questionnement et le reformulation, une première forme d’expérience émotionnelle correctrice

Ces premières expériences émotionnelles correctrices peuvent alors prendre la forme de questions, d’images et de métaphores ou encore de changement de cadrage. Ce sont de petites phrases, parfois juste quelques mots. Un simple « ah bon ? » ou une question comme « et quand vous faites ça, vous obtenez le résultat souhaité ? » sont très puissantes pour aider la personne à réaliser qu’elle va devoir changer de manière de faire (si elle ne l’a pas encore réalisé !).

Je me souviens de phrases dites par des gens que j’ai accompagnés qui sont très représentatives de l’effet de ces petites phrases : « vous m’avez posé une question qui a ouvert des portes, qui ont ouvert des portes « , « vous m’avez dit un truc, je ne sais même plus ce que c’est mais ça m’a permis de réaliser que je pouvais faire autrement.« 

Les changements de cadrage, une autre forme d’expérience émotionnelle correctrice

Les changements de cadrage directs sont une autre forme d’expérience émotionnelle correctrice. Ils permettent d’apporter un éclairage différent sur une situation, comme voir un conflit comme une opportunité plutôt que comme un problème, voir un enfant agressif comme étant triste plutôt que comme étant en colère, voir un comportement en apparence néfaste ou destructeur comme étant en réalité une etc.

C’est à ce moment que les gens disent en général « ah mais je n’avais pas vu ça comme ça. Ca change tout« .

A ce stade, on peut aussi voir apparaitre des changements qui sont plutôt bon signe : au lieu d’avoir peur que le problème se produise, les gens ont presque hâte qu’il apparaisse pour tester une nouvelle approche.

La forme comportementale d’expérience émotionnelle correctrice : les changements comportementaux

Ensuite, pour aller plus loin, il faut que les premiers changements produits en séance se renforcent « dans la vraie vie ». Et pour ça, il est utile de provoquer des expériences émotionnelles correctrices plus comportementales. On propose aux gens de réagir d’une manière radicalement différente de ce qu’ils faisaient jusque là.

Ca vous paraitra peut-être surprenant mais il n’est pas forcément utile que les gens soient « convaincus » que ce qu’on leur propose est une bonne chose. Il suffit qu’ils le fassent pour vivre l’expérience.

Je me souviens de parents qui sont venus me voir après avoir consulté pléthore d’intervenants (pédiatre, pédopsychiatre, psychologue, accompagnante parentale). A la fin du 1er entretien, je leur ai proposé une façon radicalement différente de réagir face à leur enfant. Quand ils sont revenus au rendez-vous suivant, ils m’ont avoué qu’ils avaient trouvé ça très bizarre et qu’ils n’étaient vraiment pas convaincus (preuve que je n’avais pas forcément super bien fait mon travail sur certains aspects relationnels soit dit en passant mais ce n’est pas le sujet) … mais qu’ils s’étaient dit que, perdu pour perdu, autant tenter l’expérience. Qui a été totalement transformatrice pour eux et leur enfant, ce qui a résolu définitivement le problème (hélas ça ne va pas toujours aussi vite !).

Beaucoup d’expériences émotionnelles agissent à « l’insu du plein gré » de la personne qui fait l’expérience. C’est le cas notamment des expériences paradoxales dont il est très difficile de comprendre la logique quand on est extérieur au problème … mais qui ont un effet extrêmement puissant au niveau émotionnel.

La tache paradoxale semble illogique au premier abord. Il est souvent difficile de comprendre comment on va pouvoir améliorer la situation en faisant une telle chose. Mais c’est aussi ce qui donne à ces tâches un pouvoir émotionnel bien plus fort : puisqu’elles échappent à la raison, la raison ne peut pas en nuancer les effets en quelque sort.

L’effet décrit est généralement une aversion soudaine pour ce qui semblait auparavant très appréciable, sensation que la personne ne peut expliquer et qui produit des tas d’effets « secondaires » l’amenant à mettre en place des tas de comportements bénéfiques là où il y avait une spirale négative auparavant.

Pour ces expériences là, il est très important que le contexte de l’accompagnement soit extrêmement sécurisant : la personne doit avoir une confiance très forte dans son accompagnant pour accepter de faire des choses qu’elle ne comprend pas forcément et les laisser faire leur effet. C’est aussi une grande part du travail de coach ou de thérapeute que de créer ce contexte sécurisant.

Les expériences émotionnelles correctrices sont difficiles à transposer d’une situation à l’autre

Ici j’insiste sur un point : les expériences émotionnelles correctrices sont très personnelles et personnalisées. C’est pour cela qu’il est difficile d’en tirer des conseils génériques, contrairement à des approches plus centrées sur les explications et les causes.

D’où ma difficulté toute personnelle à proposer des programmes « génériques » qui pourraient aider tout le monde.

En contrepartie, le point de vue adopté est profondément non normatif : à aucun moment on ne part du principe que la personne fait « mal », mais on constate seulement que ce qu’elle fait ne donne pas les résultats escomptés … et on l’aide à trouver une manière plus efficace de parvenir à ses résultats (ou on l’aide à y renoncer si les résultats attendus sont impossibles). C’est aussi ce qui fait que beaucoup d’entre vous trouvent mes contenus non jugeants et donc intéressants !

Dans mes articles et mes vidéos publiques, j’apporte généralement un angle différent de celui qui est le plus communément admis, ce que j’appelle « l’autre bout de la lorgnette ». Je donne aussi des attitudes comportementales qui peuvent faciliter une expérience émotionnelle correctrice et qui produiront un effet si vous êtes dans une situation similaire ET que l’expérience que vous avez besoin de faire est la même que celle proposée.

J’ai bon espoir que ces contenus aident certains de mes lectrices et lecteurs à changer. Et si la lecture d’un article suffit à vous aider à changer, c’est tant mieux ! Se faire accompagner n’est pas forcément nécessaire et un changement produit par la lecture d’un article ou le visionnage d’une vidéo est tout aussi valable qu’un autre.

Mais il est évident que si la souffrance s’est installée depuis longtemps, un accompagnement vous sera utile pour vous en sortir car ça peut prendre du temps pour tomber sur la bonne expérience émotionnelle …

J’espère que cet article vous a été utile pour démystifier les idées reçues sur les accompagnements psychologiques : non ce n’est pas forcément long et douloureux pour que ce soit efficace. Mais aussi pour vous aider à comprendre le rôle des expériences émotionnelles dans le changement.

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Vous souhaitez un accompagnement sur le modèle de ceux que je décris ici ? Découvrez-en plus sur mes accompagnements en visio ou en présentiel à Aoste (Nord Isère) :

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Des ressources pour aller plus loin au sujet d’apprentissages, d’expériences émotionnelle correctrice et du modèle de Palo Alto

note : les liens vers les livres sont des liens affiliés

Les livres d’Alison Gopnik dont je parle plus haut :

Des livres de vulgarisation pour découvrir le modèle de Palo Alto :

  • « faites votre 180° » d’Emmanuelle Piquet : sur Amazon ou sur LesLibraires.fr
  • « A la recherche de l’Ecole de Palo Alto » de Teresa Garcia et Jean Jacques Wittezaele, un livre qui décrit comment le modèle a été découvert tout en introduisant les concepts clés pour le comprendre : sur Amazon ou sur LesLibraires.fr

Et évidemment tous les articles de ce blog … ou presque 😁

Sandrine Donzel

Parentalité, couple, communication, développement personnel ? Votre vie ne ressemble pas à ce qui est décrit dans les livres ? Pas de panique et bienvenue dans la VRAIE VIE, celle qui est abordée sur ce blog ! Je vous y propose des outils concrets, pragmatiques et REALISTES pour répondre à vos interrogations. Bonne lecture !

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