Comment réagir aux crises de mon enfant ?

Il y a peu de choses qui nous mettent autant en difficulté, en tant que parents, que les crises émotionnelles de nos enfants. Ces moments où plus rien ne fonctionne. Où on a beau écouter, expliquer, rassurer, poser le cadre … rien ne change.

Des pleurs, des cris, des hurlements, parfois des gestes violents.
Et de notre côté, un mélange de désarroi, de culpabilité, de fatigue, d’exaspération aussi.
Dans cet épisode, je vous propose de prendre du recul sur ce qu’on appelle une « crise » :

  • d’abord en comprenant ce qu’est une crise
  • puis en réfléchissant aux contextes qui favorisent ou amplifient ces débordements,
  • et enfin en explorant ce qu’on fait au moment des crises avec leurs avantages et leurs inconvénients afin de mieux repèrer ce qui vous convient à vous.

L’objectif ici, ce n’est pas de vous donner une méthode magique ou une solution à appliquer. C’est de vous aider à comprendre ce qui se joue, pour que vous puissiez retrouver du discernement, du calme, et un peu de marge de manœuvre.

Avant de commencer, je voudrais juste ajouter que se sentir parfois dépassé, c’est tout simplement normal … Mais que si ça prend vraiment trop d’ampleur, alors il y a quelque chose à faire. Et cet épisode devrait vous y aider.

Ep. 19 Les Crises de nos enfants Du côté des parents !

Pourquoi votre enfant peut-il exploser pour un détail anodin, comme une chaussette mal mise ou un dessin animé qu’il faut arrêter ?Et pourquoi, malgré toute votre bonne volonté – empathie, explications, cadre posé – rien ne semble vraiment fonctionner sur le long terme ?Dans cet épisode, je vous propose de comprendre ce qui se joue derrière les crises :👉 ce que nous apprend la métaphore de la “bande passante” émotionnelle,👉 les contextes qui favorisent les débordements,👉 et les postures qui aident – ou qui aggravent – au moment où la crise éclate.Pas de solution miracle, mais des repères pour observer autrement, retrouver un peu de recul, et sortir du sentiment d’échec ou d’impuissance. — 🔗 LIENS ET RESSOURCES 🔗 —-mon blog pour toutes les ressources de l'épisode et une retranscription complète : ⁠https://blog.scommc.fr/comment-reagir-aux-crises-de-mon-enfant/Vous abonner à ma newsletter :⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠ https://mailchi.mp/scommc/podcast⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠Pour en savoir plus sur mon travail (conférences, formations et accompagnements) :⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠https://scommc.fr/⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠Pour faire un don :⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠https://bit.ly/donducotedesparents⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠— 📩 POUR ME CONTACTER 📩 —- par mail : ⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠sandrine@scommc.fr⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠ sur Facebook : ⁠⁠⁠⁠⁠⁠Sandrine Donzel – S Comm C⁠⁠⁠⁠⁠⁠ sur Instagram : ⁠⁠⁠⁠⁠⁠Sandrine Donzel⁠⁠⁠⁠⁠⁠ sur LinkedIn : ⁠⁠⁠⁠⁠⁠Sandrine Donzel⁠⁠⁠⁠⁠⁠— CREDITS —–Musique : Guiton Sketch de Kevin MacLeod , licence : ⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠Source : ⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠http://incompetech.com/music/royalty-free/index.html?isrc=USUAN1100473⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠Artiste : ⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠⁠http://incompetech.com/⁠

Qu’est-ce qu’une crise ? Et comment ça arrive ?

En général, on parle de crise quand le comportement de l’enfant nous semble démesuré, irrationnel ou inadapté par rapport à la situation qui l’a déclenché. Et ce qui renforce l’idée de crise, c’est qu’on ne parvient pas à raisonner l’enfant.

D’un point de vue interactionnel, on peut dire qu’une crise est un comportement que les adultes jugent inadapté à la situation, démesuré et qu’ils ont du mal à faire cesser.

Ce genre de comportement est souvent le signe d’un débordement des capacités de « traitement » de ce qui arrive par le cerveau. On parle de débordement émotionnel mais c’est plus large que ça, c’est vraiment une saturation des capacités de traitement du cerveau.

L’image qui traduit le mieux cela, c’est celle de la bande passante.

Notre cerveau, comme un ordinateur, a une capacité limitée pour traiter ce qui se passe : nos ressentis internes, les stimuli sensoriels, nos émotions, notre état corporel …

S’il y a trop de stimulations ou d’informations à traiter, ça sature la bande passante… et ça bugue !
On rame, on n’arrive plus à tout gérer. C’est là que survient la crise.

Chez un enfant – et c’est la même chose chez les adultes d’ailleurs – une crise émotionnelle, c’est souvent un bug de surcharge.

Qu’est-ce qui provoque la surcharge déclencheuse des crises émotionnelles ?

Je vais utiliser pour cela l’image du ballon émotionnel, qu’utilise Thomas Gordon dans un de ses livres.
J’en ai déjà parlé ici.

Cette image représente notre cerveau comme un ballon de baudruche.

Dans la partie basse, on a les émotions liées à la satisfaction de nos besoins personnels et à notre sécurité individuelle. Et en haut, les émotions qui concernent davantage la relation aux autres, l’appartenance au groupe, les règles sociales.


Gordon parle d’émotions en bas et d’intellect en haut, mais pour moi ce sont deux familles d’émotions, pas une opposition entre émotion et raison, qui est absolument infondée (je vous renvoie aussi vers l’épisode de Méta de Choc où Albert Moukheiber parle de cela, à écouter ici ).

Quand tout va bien, ces deux zones coexistent en équilibre : on est capable de se comporter d’une manière socialement acceptable. Et c’est déjà vrai pour les enfants, même petits.

Ils commencent à intégrer les règles du vivre ensemble grâce aux interactions avec leur entourage. Alors bien sûr, à deux ou trois ans, ils ne savent pas encore bien ce qui se fait ou non, ils sont en train d’apprendre. Leurs comportements peuvent parfois sembler décalés ou inappropriés, mais c’est souvent juste une question d’expérience et d’apprentissage.

À ce moment-là, ils ont plutôt besoin qu’on leur explique ce qui doit être fait et comment. Mais dans ces cas-là, l’enfant n’est pas en crise ou en débordement, et les adultes peuvent bien le percevoir.

Mais quand la pression monte dans la partie basse – c’est-à-dire quand un enfant ressent des émotions, de la peur, de la frustration, de la fatigue, de la tristesse, ou encore des besoins physiologiques comme la faim, la soif, l’envie de faire pipi, ou encore des stimulations sensorielles comme du bruit, la température de la pièce, des vêtements qui grattent ou gênent – la partie basse du ballon se remplit.
Et si ça monte trop, ça déborde : la partie sociale est réduite à la portion congrue.


Il perd alors sa capacité à gérer les attentes sociales. C’est là que surgissent les comportements qu’on appelle “crise”.

Note : Si vous êtes parent et que vous vous êtes déjà énervé sur votre enfant, vous avez vécu exactement la même chose !

Les spécificités des crises chez les enfants avec des troubles ou chez les tous petits

Chez les enfants avec TSA, par exemple, la sensibilité aux stimulations sensorielles est particulièrement forte, ce qui fait que leur ballon se remplit plus vite. Et en plus, ils peuvent avoir plus de mal à détecter les signaux faibles, les petits signes annonciateurs du débordement.

Du coup, ça nous semble parfois arriver d’un coup, sans prévenir.

Chez les enfants avec TDAH c’est un peu différent : leur impulsivité peut donner l’impression d’un débordement émotionnel alors que c’est bien leur difficulté à retenir des réactions qu’ils savent pourtant inadaptées ou excessives qui est en jeu.

Les enfants avec TDAH peuvent aussi être en « bande passante limite » en permanence : ils mobilisent énormément d’énergie pour rester concentrés, se retenir, s’adapter. Et cette consommation de ressources mentales vient grignoter leur bande passante.

Alors oui, parfois, c’est “juste” une chaussette mal mise qui fait exploser… mais en réalité, ils sont déjà à bout de ressources.

Les tout-petits ont aussi une « bande passante » assez réduite et une forte impulsivité, ce qui explique la fréquence des crises dans la petite enfance.

Mais quel que soit l’enfant – et quel que soit son éventuel trouble – le mécanisme est toujours le même (et c’est aussi la même chose chez les adultes) : on a un effet « carte de fidélité ».

Chaque chose à gérer – contrariétés, inquiétudes, stimulations – de la journée vient cocher une case.
On tient, on encaisse… jusqu’à ce qu’on atteigne la dernière case.
Et là, même une broutille peut faire exploser, à hauteur non pas de cette dernière goutte, mais de toute la charge cumulée jusque-là.
C’est comme quand on remporte une récompense à hauteur de tout ce qu’on a déjà dépensé sur la carte… sauf que là, c’est l’explosion.


Donc si on juge uniquement sur la dernière case, sans voir tout ce qui s’est passé avant, on a tendance à voir le débordement comme excessif ou inadapté.

J’ai aussi développé cette idée de la carte de fidélité dans cet article.

Donc, sauf événement très intense et soudain, les crises sont rarement complètement imprévisibles. Ce sont souvent des débordements progressifs, même si on ne les voit pas toujours monter quand l’accumulation est masquée par l’enfant et passe inaperçue.

Mais il arrive aussi qu’on voie parfaitement bien arriver la crise mais qu’on l’aggrave sans le vouloir.

Je vais donc maintenant parler des contextes qui peuvent favoriser l’apparition de crises, ainsi que de ce qu’on peut faire au moment où elles surviennent.

Les contextes favorisant les crises

Ce que je vais dire ici rejoint certains points déjà abordés dans l’épisode sur les colères des enfants, ainsi que dans les épisodes plus récents consacrés à la colère.

Je vais vous présenter les différents contextes, avec à chaque fois des exemples concrets pour mieux comprendre ce qui peut coincer à chaque fois .

Commençons par les contexte où on porte beaucoup d’attention aux émotions

Quand il y a trop d’attention portée aux émotions

C’est un contexte que j’ai déjà abordé dans l’épisode sur l’écoute comme “ultra-solution”.

Je vais vous donner un exemple très classique : une maman qui dépose son enfant à l’école maternelle, notamment en début d’année.

Tout se passe bien … sauf au moment de la séparation. L’enfant se met à pleurer dès qu’elle s’apprête à partir. Pourtant, le reste de la journée, ça va : la maman a bien vérifié auprès de l’enseignante, il joue, il rit, il participe, et le soir, il rentre content.

Elle fait donc ce qui lui semble juste – et ce qui est juste, au départ : elle reste un peu avec lui, elle met des mots sur son émotion, elle lui dit qu’elle comprend que ce soit difficile, qu’elle pense à lui, que tout va bien se passer. Elle essaie de le rassurer, de le réconforter.

Mais l’enfant pleure de plus belle. Et les matins suivants, même scénario. La rentrée est loin derrière… et les crises sont toujours là.

Cette maman est partagée. Elle ne veut pas brusquer son enfant. Elle a peur qu’il se sente abandonné, qu’il vive mal sa journée si elle part trop vite.

Pourtant, en restant alors que tout va bien objectivement, elle envoie deux messages : le premier, c’est “Je suis là pour toi, je t’aime.” Et ça, c’est précieux. Mais le deuxième, souvent involontaire, c’est : “Ce que tu vis est tellement difficile que tu ne peux pas y faire face seul.

Et c’est ce deuxième message qui, sans qu’on le veuille, alimente le stress et renforce la détresse de l’enfant. Il doute de ses propres capacités. Il se sent encore plus dépendant de la présence de l’adulte pour affronter la séparation.

Ce genre de mécanisme peut aussi se produire dans d’autres contextes, parfois encore plus piégeants : quand les parents font tout pour éviter les crises.

Attention : c’est parfaitement compréhensible de faire ça ! Quand on est épuisé, qu’on manque de sommeil, ou qu’on a un enfant qui réagit très fort à la frustration, on fait ce qu’on peut : on aménage, on anticipe, on évite les conflits, on contourne.

Mais à force, on peut finir par envoyer un message similaire : “Les émotions, c’est trop gros pour toi. On va faire en sorte que tu n’aies jamais à les affronter.

Et là, on entre dans une spirale. L’enfant devient de plus en plus sensible aux frustrations, de plus en plus réactif… et les crises deviennent plus fréquentes.

Dans ce type de contexte, l’attention portée aux émotions vise en réalité à les apaiser à tout prix. Et cette logique-là – pourtant bien intentionnée – ne permet pas à l’enfant de développer ses propres compétences de régulation.

Elle envoie aussi un message implicite : “ressentir une émotion désagréable, c’est un problème à résoudre vite”. Ce message crée une forme de panique émotionnelle.

Comme si la partie basse du ballon émotionnel de l’enfant – dont je parlais dans la première partie de cet article – était constamment gonflée par une vigilance anxieuse : “Et si je me mettais à ressentir de la colère ? de la frustration ? de la tristesse ?”. Et c’est cette survigilance qui peut amener à un débordement émotionnel

Quand le cadre est inadapté aux capacités de l’enfant

Les crises peuvent aussi apparaître quand le cadre n’est pas adapté aux compétences de l’enfant.

Par exemple ; quand les débordements sont strictement recadrés, voire interdits alors que l’enfant n’est pas en capacité de maitriser totalement son comportement ou simplement n’a pas le contrôle sur la situation.

Si un enfant par exemple est systématiquement grondé sur son comportement alors qu’il n’arrive pas encore à canaliser son émotion, il vit une expérience désagréable à plusieurs titres quand il fait une crise :

  • Le débordement émotionnel est désagréable
  • Le fait d’avoir des comportements dont il SAIT qu’ils ne sont pas souhaitables ajoute à cet inconfort (cela génère de la culpabilité et/ou de la honte).
  • Et les adultes y ajoutent un inconfort supplémentaire : il se fait gronder.

Comme il n’est pas en capacité de supprimer ses émotions ni ses comportements problématiques, et qu’il ne va pas remettre en cause la manière dont les adultes gèrent la situaiton, il en tire la conclusion que ressentir certaines émotions, c’est dangereux pour lui.

Et comme il sait qu’il lui arrive de perdre le contrôle, mais qu’il n’est pas encore en capacité de toujours se retenir, il vit dans une forme d’anticipation permanente là aussi.

Cela alimente une hypervigilance au moindre signe de débordement, exactement comme quand on accorde trop d’attention aux émotions … et donc augmente le risque de crise.

C’est un peu comme s’il disait : “Je sais que je vais déborder, je sais que je n’ai pas le droit de déborder, je vais donc essayer de me retenir encore et encore …” jusqu’à ce que le barrage cède – et que la crise n’en soit que plus forte.

Voici un autre exemple portant sur un sentiment d’injustice avec un enfant de 4 ans et sa petite sœur de 2 ans.

L’aîné a appris à repérer les tomates cerises bien mûres dans le jardin. Il adore ça, il est fier de participer, de rapporter les “bonnes tomates” à table. Mais sa petite sœur le suit partout, et évidemment… elle cueille tout et n’importe quoi.

Résultat : les parents grondent l’aîné, en lui disant qu’il aurait dû l’empêcher, qu’il l’a embarquée dans ses bêtises et lui interdisent d’aller au jardin et de ramasser les tomates.

Et lui ? Il ne comprend pas. Il a l’impression qu’il a bien fait. Et en plus, il se fait disputer pour un truc qu’il ne maîtrise pas : à savoir la petite sœur qui l’imite. Il ressent de l’injustice, mais où et comment peut-il l’exprimer ?

À cet âge, ce genre de frustration se transforme très vite … en coups, en cris, en crise. Et si la situation injuste se reproduit trop souvent, l’enfant peut déborder souvent et beaucoup, y compris en s’attaquant à sa soeur.

Mais là encore, on le recadre sans s’intéresser à ce qu’il ressent, ni à ce qui génère le débordement. Et tant que le contexte n’aura pas changé, on n’aura aucun pouvoir pour faire changer son comportement puisqu’il est alimenté par le contexte.

Quand le cadre est non négociable (ou beaucoup trop non négociable)

Un autre contexte générateur de crise, c’est celui où le cadre n’est tout simplement pas négociable.

Prenons l’exemple d’un jeune ado – 11 ou 12 ans – commence à demander un smartphone. Pas forcément pour jouer ou regarder des vidéos, mais parce que tous ses copains organisent leurs échanges par message, envoient des photos, parlent sur des groupes. Il sent qu’il passe à côté de quelque chose, qu’il est exclu de certaines interactions sociales importantes pour lui.

Il en parle, il essaie d’argumenter, de négocier avec ses parents.

Mais quand il le fait, on lui répond : “Tu vois, t’es déjà accro avant même d’avoir un téléphone !”. Alors il se tait. Mais en réalité, il n’a plus aucun espace pour exprimer ce qu’il ressent.

Il est coincé dans un sentiment d’injustice énorme : il a le sentiment d’être puni pour avoir juste exprimé un besoin – ou un manque – sans aucune reconnaissance de ce qui se joue pour lui.

Et c’est dans ce type de contexte que les crises peuvent surgir : pas forcément sur la question du téléphone en elle-même, mais sur d’autres sujets qui viennent cristalliser cette frustration.

Et si les parents ne font pas le lien entre l’impossibilité de discuter et les crises, il y a peu de chances que les choses changent.

Dans ce genre de situation, ce n’est pas le fait de rappeler le cadre qui est problématique. C’est le fait de ne pas offrir d’espace pour exprimer l’injustice perçue, ou que les parents ne montrent pas comment il est possible d’obtenir un ajustement du cadre à ce que vit l’enfant.

Ces situations de cadre à faire évoluer sont particulièrement fréquentes quand les enfants grandissent. Ils n’ont plus les mêmes besoins, les mêmes attentes, ni la même capacité à comprendre les règles. Et si le cadre n’évolue pas en même temps qu’eux, il y a des crises et des débordements.

Je vous renvoie ici à mes épisodes sur les ados (épisode sur les enjeux de l’adolescence et comment responsabiliser son ado)

Quelles conclusions en tirer sur les contextes qui génèrent des crises ?

On le voit bien : ce ne sont pas les règles, ni l’écoute en soi, qui posent problème.

Ce qui crée des tensions et favorise les crises, c’est la manière dont ces éléments s’articulent entre eux.
Pour aller dans le sens d’une relation respectueuse avec ses enfants, ce qu’on peut viser, c’est un cadre de sécurité psychologique.

Mais attention un cadre de sécurité psychologique: ce n’est pas une attention constante à toutes les émotions de l’enfant, ce n’est pas non plus une disponibilité totale à chaque interaction, in un cadre remis en cause à chaque demande.

Les enfants comprennent très bien le contexte global de la relation. Ils ne sont pas insécurisés par quelques refus, quelques limites fermes, ou des moments d’indisponibilité de notre part.

Ce qui compte, c’est l’équilibre global de la relation dans son ensemble, mais aussi la flexibilité du cadre, la capacité des parents à rediscuter et adapter le cadre et leurs interventions à ce qui se passe.

Mais là encore pas à chaque fois mais sur des périodes plus longues. Et aussi pas seulement pour l’assouplir, mais parfois aussi pour le renforcer et poser des limites plus claires et plus strictes parce que c’est parfois ce qui est utile.

Que faire concrètement face aux crises ?

On va voir maintenant ce qu’on fait souvent pendant une crise, avec les meilleures intentions du monde… mais qui n’aide pas vraiment. Qui, même parfois, empire.

Je le répète ici : il n’y a pas une bonne manière de faire, pas de vérité absolue.

Ce qu’il est important d’observer, c’est : que se passe-t-il quand je fais ce que je fais ?

  • Si ça apaise à court terme ET à long terme, c’est que ça marche.
  • Si ça apaise à court terme mais pas à long terme, c’est une solution ponctuelle. Mais il faudra ajuster autre chose.
  • Et si ça n’apaise ni à court ni à long terme, alors il est probablement temps de faire autrement.

Détaillons maintenant les interventions fréquentes pour gérer les crises… et leurs effets concrets.

Première attitude face aux crises : ne pas prêter attention aux émotions et recadrer

“Tu arrêtes tout de suite maintenant !”

“Ça suffit, c’est non.”

“Il n’y a pas de raison de pleurer pour ça.”

Ça peut fonctionner quand l’émotion est de faible intensité, quand l’enfant est encore en capacité de raisonner. Mais quand il est déjà débordé, il n’est plus accessible à ce qu’on lui demande.

Et s’il est en colère contre nous – parce que c’est nous qui posons la contrainte – cette colère peut s’intensifier quand on ne fait que recadrer.

Si cette attitude devient systématique, l’enfant finit par comprendre : “Mes émotions ne comptent pas. Je n’ai pas le droit de ressentir ce que je ressens.”. Et là, on n’aide pas à réguler. On apprend à se taire… ou à exploser plus fort.

2e attitude face aux crises : écouter… mais rappeler les règles immédiatement

“Je sais que tu es frustré … mais tu n’as pas le droit de crier.”

“Je comprends que c’est difficile … mais c’est comme ça.”

“Je vois que tu es en colère … mais tu dois obéir.”

L’intention de montrer son empathie est bonne … mais le “mais” annule tout ce qui précède. Et c’est ça qui fait que ça ne fonctionne pas. L’enfant comprend : “mon parent fait semblant d’écouter mais en fait il veux juste que j’obéisse.”. Et il s’énerve encore plus.

C’est un peu comme faire deux choses en même temps : écouter et rappeler la règle. Et comme souvent quand on essaie de faire deux choses en même temps… ça ne marche pas.

3e Attitude face aux crises : expliquer, raisonner … ou faire la morale

Depuis qu’on a compris que les enfants avaient une sensibilité, qu’ils étaient des personnes à part entière, on s’est mis à expliquer. L’idée, c’est que s’ils comprennent, ils coopéreront mieux.

Et c’est vrai !

Mais à certains moments seulement.

Souvent, la raison ne suffit pas à contrer une émotion (si c’était le cas, il n’y aurait plus de comportements violents, plus d’addictions, plus d’angoisses.)

On compte parfois un peu trop sur les explications, ou même sur la morale – vous savez quand on liste toutes les bonnes raisons qu’un enfant aurait de se comporter “comme il faut” !

Les explications ont leur place. Elles sont nécessaires pour donner du sens. Mais elles ne sont pas toujours efficaces en plein débordement émotionnel. Et c’est normal.

Même Mme de Maintenon disait déjà : “Rien n’est moins raisonnable que de vouloir que les enfants le soient.”


Quand l’enfant est débordé, il n’a pas accès à son cerveau logique. Ce n’est pas qu’il ne comprend pas :
c’est qu’il n’est pas disponible pour comprendre.

Pire : lui expliquer peut lui donner le sentiment que vous ne comprenez pas du tout ce qu’il vit. Et ça peut aggraver le débordement.

J’ai écrit plusieurs articles sur ce sujet, notamment celui-ci : « pourquoi les explications ne fonctionnent pas avec mon enfant » et surtout celui-ci « quand faut-il arrêter de donner des explications aux enfants ? ».

OK, mais alors concrètement on fait quoi face aux crises de nos enfants ?

Quand la crise est là, il y a deux options possibles, selon le niveau de débordement : l’empathie ou le retrait calme.

Commençons par l’empathie comme réponse au débordement émotionnel

Attention, point extrèmement important : l’empathie ne sert jamais à supprimer l’émotion de base.

Cette émotion est générée par la situation. La seule façon de la faire disparaître serait de changer la situation (donc revenir sur la limite posée). Et souvent, ce n’est ni possible ni souhaitable (mais c’est à vous de décider sur quoi vous souhaitez transiger ou pas).

L’empathie, elle, sert à donner du courage pour surmonter l’émotion.

Elle se traduit par des phrases comme : “Tu aurais tellement aimé que ce soit autrement.« , “Tu es très fâché, je vois bien.”, “Tu es fâché au point que tu veux me taper !”.

J’ai consacré toute une série d’articles au sujet de l’empathie et de l’écoute active. Je vous laisse aller les lire pour approfondir :

Quand l’empathie ne fonctionne pas : le retrait calme

Parfois, l’enfant est tellement débordé que lui parler, même avec douceur, ne fait que relancer la crise.
Il est hors de lui. Littéralement. Et dans ces moments-là, ne rien dire, ne pas interagir, c’est parfois la meilleure posture.

On reste là, calme. On attend que ça passe. Pas dans l’indifférence, mais dans une présence silencieuse qui ne rajoute pas de stimulations.

Parce que, en effet, quand le cerveau est en surchauffe, le fait de parler – même avec empathie – peut ajouter des stimulations sensorielles qui ajoutent au débordement.

Et quand rien n’a fonctionné ? Comment réagir quand on n’a aucune maitrise sur les crises de son enfant ?

Je voudrais terminer avec une situation qui incarne bien tout ce qu’on vient de voir.

Zoé a cinq ans. Ses parents sont venus me consulter épuisés, démunis. Crises à répétition, hurlements, roulades par terre, refus de toute frustration. Ils ne comprennent plus. Et surtout, ils n’en peuvent plus.

Ils ont tout essayé : outils émotionnels, empathie, explications, recadrages. Ils ont vu plusieurs intervenants, tous leur ont dit que leur fille allait bien. Mais eux ils vivent un enfer malgré cela.

Ils en sont venus à la surveiller en permanence, à anticiper chaque frustration, à éviter tout ce qui pourrait déclencher une crise. Ils n’osent même plus sortir car la moindre contrariété peut dégénérer. Et la peur des crises prend toute la place.

Dans ce genre de situation, ma priorité, comme souvent, c’est de redonner un sentiment d’efficacité aux parents.

Pas forcément de faire disparaître les crises. Mais de retrouver un peu de pouvoir d’action et de marge de manœuvre. (j’aimerais pouvoir leur promettre que je vais faire disparaitre les crises mais ce n’est pas en mon pouvoir).

Ce qu’on a repéré ensemble, c’est que leurs tentatives pour réguler les crises étaient … un échec magistral.

Bon ça ils le savaient déjà hein …

Mais plus précisément que, malgré tous leurs efforts, non seulement les crises ne disparaissaient pas, mais elles semblaient empirer.

Et que chaque tentative infructueuse ne faisait que renforcer une conviction douloureuse :
“Notre fille est incontrôlable, et nous sommes complètement dépassés.”

Alors je leur ai proposé d’arrêter. Pas d’arrêter d’être parents, pas d’abandonner. Mais d’arrêter de chercher à gérer l’ingérable et de se mettre en échec.

On a mis en place une stratégie que j’appelle l’empathie par anticipation : quand une frustration est à prévoir – arrêter un dessin animé, aller se coucher, s’habiller – au lieu d’essayer d’éviter, de contourner ou de calmer, ils annoncent la frustration à venir … et ils ouvrent l’espace pour l’émotion.

Quelque chose comme : “Ma chérie, dans cinq minutes, on va devoir arrêter le dessin animé pour aller se coucher. Et probablement, tu vas être très très fâchée, très frustrée. Tu auras sûrement besoin de crier, de râler, de te rouler par terre. Et si tu en as besoin, c’est ok. On comprend, c’est vrai que c’est dur. On attendra que ça passe.

Et là … parfois, il y a une crise. Mais elle est prévue, anticipée, accueillie. Les parents ne sont plus dans l’échec de “n’avoir pas su empêcher”. Ils sont dans la posture de témoins soutenants, pas de juges ou de pompiers. Et ça change tout !

Ils ne sont plus “contre la crise”. Ils ne sont plus “contre leur fille”. Ils sont à côté d’elle, face à la crise.

Et souvent – dans 8 situations sur 10, je dirais – il n’y a pas de crise du tout quand on fait ça.

C’est ce qui s’est passé pour Zoé. La première fois que ses parents ont utilisé cette approche, elle les a regardés calmement et a simplement dit : “Bah non, ça va.

Et là, tout a basculé. À la séance suivante, les parents m’ont dit : “On redécouvre notre fille. Elle est agréable, curieuse, drôle … Alors qu’on ne voyait plus que ses crises.

Et la maman a ajouté : “Un professionnel m’avait dit un jour : Vous ne lui laissez pas assez d’autonomie, c’est pour ça qu’elle est insupportable. Et je m’étais dit : Cette personne ne comprend rien à ma fille. Mais aujourd’hui, je réalise : on la scrutait tout le temps. On la contenait. On la craignait. Et la pauvre… ce ne devait pas être très agréable d’avoir des parents constamment sur le dos comme ça. Pas étonnant qu’elle était aussi souvent frustrée et en colère !

Vous l’avez vu à travers l’exemple de Zoé : le plus souvent, ce n’est pas en cherchant à contrôler les crises qu’on les fait disparaître. C’est en arrêtant de se battre contre ce qui nous échappe … et en retrouvant une position plus juste, plus tenable, dans la relation.

Au moment de la crise, il ne s’agit pas de gagner. Il s’agit d’accompagner, ou parfois de attendre que ça passe, sans en rajouter. Ce que j’essaie toujours de transmettre aux parents que j’accompagne, c’est qu’il n’y a pas de méthode miracle.

Il y a des essais, des ajustements, des moments où ça marche… et d’autres où ça ne marche pas.
Et c’est le fait d’observer ce qui se passe, à court et à long terme, qui permet de progresser.

En conclusion sur les crises des enfants

On l’a vu tout au long de cet épisode : une crise, ce n’est pas juste un enfant qui “exagère” ou qui “ne veut pas écouter”. C’est souvent le signe d’un débordement, un bug dans la gestion de tout ce qu’il vit – émotions, stimulations, attentes…

On a vu aussi que certains contextes – trop de contrôle, ou au contraire trop de contournements – peuvent entretenir ces débordements, même quand l’intention est bonne. Réfléchir sur ce contexte est donc essentiel.

Et savoir quoi faire au moment même de la crise aussi évidemment !

Oui, rappeler les règles est important pour l’apprentissage. Mais c’est généralement plus efficace quand c’est fait à froid.

Au moment de la crise, l’empathie est souvent la posture la plus apaisante : elle permet de donner à l’enfant le courage de traverser une situation désagréable, sans chercher à supprimer son émotion.

Et parfois, quand l’émotion est trop intense, juste la laisser s’écouler, sans intervenir, s’avère la solution la moins épuisante pour tout le monde.

Mais aucune de ces options n’est magique. Et c’est là que la posture d’observateur peut devenir précieuse. Elle permet de voir, petit à petit, ce que nous parent ou adulte on fait qui entretient notre propre impuissance – indépendamment même de la réaction de l’enfant.

Personne ne sait ce qui va fonctionner avec votre enfant en particulier. Le premier pas n’est donc pas de savoir comment mieux s’y prendre avec votre enfant. Mais d’identifier et d’arrêter ce qui entretient votre sentiment d’échec, et donc votre culpabilité.

Bien sûr c’est difficile car cela implique souvent de lâcher – temporairement la plupart du temps – un objectif éducatif qui nous tient à coeur mais ça peut faire une grande différence.

Et j’espère vous l’avoir bien montré avec cet article !

Des ressources complémentaires sur les crises

Mon livre préféré sur le sujet est : « parler pour que les tous petits écoutent » – Faber et King (et tous ceux de la série de Faber et Mazlish et Faber et King sont vraiment très utiles avec des outils très concrets).

Pour finir …

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Sandrine Donzel

Parentalité, couple, communication, développement personnel ? Votre vie ne ressemble pas à ce qui est décrit dans les livres ? Pas de panique et bienvenue dans la VRAIE VIE, celle qui est abordée sur ce blog ! Je vous y propose des outils concrets, pragmatiques et REALISTES pour répondre à vos interrogations. Bonne lecture !

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