Comment gérer la culpabilité dans le couple ?
La culpabilité peut parfois s’immiscer dans nos relations de couple et nous piéger. Cette émotion génère beaucoup de sensations désagréables et peut s’avérer très coinçantes pour les 2 partenaires. Elle risque de générer une dynamique relationnelle pas très saine.
Voici quelques pistes pour comprendre comment fonctionne la culpabilité et pour la gérer différemment dans votre couple.
Mais pas que ! Les propositions de cet article sont valables dans tout type de relations qui amènent à ressentir de la culpabilité, autrement dit : à peu près toutes les relations !
Mais je vais me concentrer sur le couple pour cet article.
A noter : cet article existe en version vidéo sur Youtube :
Dernier point avant de rentrer dans le vif du sujet : la question à laquelle je réponds aujourd’hui m’a été posée par l’une d’entre vous. Si vous voulez aussi me poser une question n’hésitez pas à m’envoyer un mail à l’adresse sandrine@scommc.fr.
Allez, revenons en à notre sujet :
Comment gérer la culpabilité dans couple ?
Je vous propose une approche en 3 temps :
- Définir la culpabilité et expliquer comment elle fonctionne.
- Les mécanismes individuels et relationnels par lesquels elle nous piège
- des pistes pour se sortir d’un cercle vicieux lié à la culpabilité
C’est quoi la culpabilité ?
Malgré les apparences et sa mauvaise réputation la culpabilité est – comme toutes les émotions – une émotion tout à fait saine.
Oui oui : j’ai bien dit une émotion tout à fait saine !
J’en ai déjà parlé sur le blog dans cet article (et dans d’autres que je cite plus bas).
Pour vous éviter la lecture de cet article, je vous donne ici ma définition de la culpabilité :
La culpabilité, c’est la part de nous qui veut nous éviter de nuire aux autres qui se manifeste.
Elle s’exprime chaque fois qu’on prend conscience que notre comportement génère chez l’autre une émotion ou une sensation désagréable.
Pour mieux comprendre, voici un exemple simple :
Vous marchez sur le pied de quelqu’un sans le faire exprès.
Lorsque vous vous en rendez compte, vous réalisez aussi que cela pourrait faire mal à la personne.
La culpabilité va vous amener à enlever votre pied d’abord. Puis vous inciter à vous préoccuper de ce que vit la personne pour vous excuser ou réparer les torts causés.
Il est donc tout à fait sain de culpabiliser régulièrement.
Comment la culpabilité nous piège d’un point de vue individuel
Mais venons-en à une situation plus complexe. Pour cela, je vais reprendre les éléments concrets que m’a soumis Caroline :
Caroline est en couple. Elle et son partenaire sont tous les 2 séparés de leurs ex conjoints. Ils ont chacun leurs enfants à temps partiel.
Elle a ses enfants plus souvent que lui. Cela amène des moments où il est seul alors que Caroline est avec ses enfants. Dans ces moments-là, elle est, de fait, moins disponible pour lui.
Et c’est dans ces moments-là qu’il lui envoie des messages pour lui dire : « tu me manques ».
A la réception de ces messages, Caroline culpabilise.
C’est tout à fait logique qu’elle culpabilise à ce moment là !
Le message l’oblige en effet à prendre conscience de la tristesse que ressent son partenaire. Et elle culpabilise parce qu’elle n’a aucune envie de le rendre triste.
Ensuite la culpabilité fait son travail : Caroline se sent mal et se questionne sur ses choix. Ne pourrait-elle pas faire mieux ou différemment afin qu’il se sente moins triste ?
La culpabilité joue donc son rôle à merveille.
Et on ne peut pas attendre de la part de nous qui culpabilise qu’elle réagisse autrement. C’est son job !
Je donne ici quelques précision sur la théorie des parts de soi que j’utilise ici (théorie venant de l’Internal Family System). J’aime bien cette image des parts de soi. Elle est très utile pour comprendre certains des pièges que nous tendent nos émotions. Elle rend aussi bien compte de l’aspect interactionnel de la gestion des émotions.
Les parts de soi sont comme des amis qui tiennent beaucoup à nous. Ils ont à cœur de nous transmettre des messages qu’ils jugent très importants pour nous.
Chacune de ces parts de soi a à très à coeur de nous transmettre son message. Elle sont donc très persévérantes. Si on leur ferme la porte elles vont toquer plus fort, revenir plus souvent, essayer d’entrer par la fenêtre ou par la cheminée ! Elles veulent absolument nous transmettre leur message.
Une autre chose à comprendre sur ces parts de nous : elles font leur job à 100% et sont rarement pleinement satisfaites.
C’est donc pas la part de nous qui culpabilise qui dira : « c’est bon tu en as fait assez ». C’est une autre part de nous qui va faire ça.
Ou plutôt :
c’est du le dialogue entre les différentes parts de nous que va émerger le constat que ça va, comme des amis qui finissent par se mettre d’accord sur quelque chose.
Quand Caroline me dit dans sa question : « j’aimerais ressentir de la compassion et pas de la culpabilité », c’est comme si elle essayait de fermer la porte à la part d’elle qui culpabilise et il y a de fortes chances que ça ne marche pas.
C’est la 1e partie du piège tendu par la culpabilité : croire qu’on peut agir de telle sorte qu’on ne culpabiliserait plus du tout.
Cette croyance alimente fortement les problèmes de culpabilité des parents, les amenant souvent jusqu’à l’épuisement.
Caroline va donc devoir faire autrement et je lui ferai quelques propositions à la fin de cet article.
2e partie du piège de la culpabilité : la partie relationnelle.
L’autre se sent mal et ressent effectivement de la tristesse, de la colère, de l’inquiétude. Et ce qui déclenche cela, c’est effectivement notre comportement.
Il ou elle se sent donc légitime à nous demander de changer notre comportement pour se sentir mieux.
Après tout, construire une relation c’est effectivement modifier sa façon spontanée de faire pour s’adapter à l’autre.
Une partie de cette demandes de changement est légitime. Si on va trop loin, un piège relationnel est tendu ici :
Quand l’autre se sent mal, cela génère chez nous de la culpabilité et cela nous pousse à systématiquement agir en espérant modifier le ressenti désagréable de l’autre, alors notre culpabilité donne à l’autre du pouvoir sur nous.
Ce pouvoir piège les 2 partenaires :
- celui ou celle qui se sent mal et demande à l’autre de changer est coincé : il/elle met son bien-être dans les mains d’une autre personne et restera dépendant de celle-ci pour se sentir bien. Ce type de situations provoque généralement du stress, de l’anxiété et un besoin croissant de voir que le ou la partenaire prend bien en compte son malaise et ses demandes. Le malaise est donc sans fin : si l’autre ne répond pas à ma demande, je me sens mal. Si l’autre y répond, je me sens mieux à court terme mais je me sens vite mal à l’idée que ça pourrait ne pas durer.
C’est typiquement ce qu’on observe dans les cas de jalousie importante, amenant à des attitudes contrôlantes qui ne font que s’amplifier (mais ce serait trop long à développer ici. Si ça vous intéresse, faites-moi signe et je vous fais un article sur le sujet)
- celui ou celle qui culpabilise excessivement et répond systématiquement aux demandes de l’autre est coincé aussi : la culpabilisation l’empêche de mettre une limite aux demandes du partenaire. Cela diminue fortement sa liberté, ce qui finit par être insupportable. Mais quand il ou elle reprend un peu de cette liberté, l’autre se sent d’autant plus mal qu’il/elle avait espéré être définitivement soulagé. Mais alors on recommence à se sentir coupable : « c’est parce que j’ai voulu – « égoïstement » – reprendre un peu de ma liberté que l’autre se sent si mal. Je n’ai donc pas le choix et je dois répondre à ses demandes ».
La boucle est alors bouclée pour les 2, enfermés dans un piège alimenté par la culpabilité. On peut alors dire qu’on est dans une relation toxique.
Avant de proposer des pistes d’action concrètes, laissez-moi vous faire un résumé de ce que je viens d’exposer :
- la culpabilité est une émotion saine qui nous amène à nous demander quel impact on a sur les autres et à nous questionner sur ce qu’on peut changer pour que cet impact soit le moins négatif possible.
- Quand nous avons du mal à supporter la culpabilité et qu’elle nous amène à systématiquement agir pour changer notre comportement, nous nous retrouvons coincés dans nos relations : ce n’est jamais assez et cela peut provoquer des pièges relationnels très coinçants, notamment dans les couples.
- Quand nous avons appris à utiliser la culpabilité de l’autre (pas forcément consciemment attention !) pour lui faire changer son comportement en notre faveur, nous sommes aussi coincés : ce n’est jamais assez non plus et cela peut provoquer une escalade des demandes d’autant plus difficile à arrêter qu’on se sent dans son bon droit.
Venons-en maintenant aux pistes que je propose à Caroline.
Comment gérer différemment la culpabilité dans le couple ?
Comme vous allez le voir, Caroline n’est pas encore coincée dans ce type de relation. Mais il y a quand même des choses à faire !
Dans le cas de Caroline le compagnon exprime sa tristesse son sentiment de manque par ses messages. Mais il n’y a pas de demande explicite assortie à ces messages : il ne demande rien à Caroline.
Peut-être n’a-t-il effectivement pas de demande. Mais il peut aussi y en avoir une tout à fait implicite.
Dans nos relations, nombre des règles qui régissent nos comportements sont en effet des règles non dites, qui se sont installées sans qu’on en aie vraiment conscience.
Il n’est ni utile ni possible d’expliciter toutes les règles de fonctionnement dans le couple : ce serait assez fastidieux, cela ferait perdre beaucoup de spontanéité à la relation.
Mais ça peut être utile de le faire quand on sent que quelque chose coince.
En effet parce qu’elles sont non dites – et que souvent on n’a pas même pas conscience qu’il y a une règle qui s’est installée – ces règles nous jouent des tours.
Ca peut expliquer notamment que Caroline ressente de la colère face à cette situation : elle se sent coincée, sans trop bien savoir pourquoi. « Après tout il ne me demande rien » me dit-elle
Mais en est-elle si sûre ? Ce n’est pas parce qu’une demande n’est pas dite qu’elle n’est pas exprimée.
D’ailleurs Caroline ajoute « quand il m’envoie ces messages, est-ce qu’il croit que je pourrais faire autrement ? Est-ce qu’il dit ça exprès pour que je me sente mal ? ». Elle soupçonne donc qu’il y a une demande finalement non ?
La métacommunication pour expliciter les règles et demandes implicites
Dans ce type de situations, quand on n’est pas sûr, la 1e des choses à faire est de métacommuniquer.
La métacommunication, c’est le fait de communiquer sur la communication ou la relation.
Cela permet d’expliquer ce qu’on ressent et de demander à l’autre de clarifier sa position en mettant en évidence les zones de flou ou de malaise.
Ici ça pourrait donner quelque chose comme : « quand tu m’envoies un message et que je suis pas disponible, je suis évidemment flattée et contente de savoir que tu m’aimes que je te manque.
Mais je me sens aussi mal parce que j’ai l’impression que tu me reproches de ne pas être assez disponible pour toi.
J’ai besoin que de savoir ce qu’il y a pour toi derrière ces messages ? Est-ce que tu veux me manifester ton amour ? Est-ce que tu attends quelque chose de moi ? est-ce encore autre chose ? »
Clarifier la demande peut aider à vivre le message différemment … et à être justement plus dans la compassion que dans la culpabilité (comme me le demande Caroline).
Cela peut aider aussi le partenaire de Caroline à prendre conscience de ses propres attentes pas forcément très claires. Il se peut très bien qu’il fasse ça pour faire plaisir à Caroline sans avoir réalisé que ça la mettait à mal.
Les 2 partenaires peuvent alors avoir une discussion sur les modalités pratiques et concrètes pour gérer cette situation :
- Est-ce qu’il envoie ces messages à un moment différent (quand les enfants sont couchés et que Caroline a plus de temps pour lui par exemple) ?
- Est-ce qu’il n’envoie plus de messages ?
- Est-ce que des choses doivent changer dans leur relation plus globalement pour qu’il n’ait plus besoin d’en envoyer ? etc
Mettre plus de conscience dans sa culpabilité
Ma 2e proposition s’adresse à Caroline. Il s’agit de mettre plus de conscience dans sa réaction à la culpabilité.
Pour le moment quand Caroline reçoit les messages, elle enclenche directement sur la culpabilité. Elle se sent mal. Elle se pose des questions.
Bien sûr, en théorie, elle pourrait faire plus …
En théorie on peut toujours faire plus et mieux … mais pas dans la réalité !
Caroline a réfléchi à son choix : elle a clairement posé qu’elle privilégie sa relation avec ses enfants pour être la mère qu’elle a envie d’être. Ce choix implique qu’elle est moins disponible pour son partenaire. C’est le prix à payer pour son choix.
Si vous vous sentez vous aussi coincé-e par la culpabilité, prenez le temps de conscientiser votre choix à vous avec ses avantages et ses inconvénients.
En le faisant pas, vous entretenez la croyance qu’une solution parfaite existerait … Ce qui ne fait qu’alimenter la culpabilité.
Dans tous les cas retenez bien que :
AUCUNE OPTION N’A QUE DES AVANTAGES.
Mais revenons-en à Caroline : elle a donc fait un choix.
Dans sa situation, le prix à payer pour être la mère qu’elle veut être, c’est d’être moins disponible pour son amoureux. Et de ressentir de la culpabilité quand il ressent du manque.
Caroline me dit qu’elle voudrait ressentir de la compassion et non de la culpabilité. C’est un peu comme si elle ne voulait pas payer le prix de son choix. C’est un peu aussi comme si elle voulait rejeter sa culpabilité, ce qui ne marche pas très bien : la culpabilité est toujours là !
(je vous renvoie ici au début de mon article sur les parts de soi et leur boulot à chacune, et l’image des amies qui viennent toquer à la porte)
Désolée, c’est raté et voué à l’échec : on ne décide pas de ces émotions mais seulement de ce qu’on va en faire.
D’ailleurs la situation agace Caroline. Mais ce qui l’agace, ça peut être aussi de ne pas avoir le contrôle sur son émotion ! Foutue émotion qui ne veut pas se plier à ce qu’elle aimerait !!!
Pour aider Caroline à mieux gérer cette culpabilité, je lui proposerai donc plutôt de prendre sa culpabiité au sérieux au lieu d’essayer de la remplacer par autre chose et de la fuir.
Pour cela, elle peut se préparer à ce qu’elle va ressentir : « quand mon chéri va m’envoyer un message, je vais certainement culpabiliser ».
En se préparant, on subit moins.
Mais il faut aller plus loin : « quand je vais culpabiliser, ce sera le signe que je me préoccupe de mon compagnon et de notre relation. Combien de temps et d’énergie suis-je d’accord d’accorder à la réflexion sur cette relation ? 5 mn, 10 mn, 30 mn ? »
Quand la culpabilité arrivera, Caroline pourra alors prendre le temps prévu pour se poser et réfléchir aux questions suivantes :
- Mon compagnon se sent mal. Y a-t-il quelque chose que je pourrais faire pour qu’il se sente moins mal ?
- Si oui, quoi ? Est-ce tout de suite ? ou plus tard ?
- Suis-je d’accord pour le faire ?
Ce temps de réflexion peut être mené quand la culpabilité se manifeste au fil de l’eau.
On peut aussi prendre un rendez-vous avec sa culpabilité à certains moments prévus pour cela (plus longs alors) et se poser honnêtement et sincèrement les mêmes questions.
Cela permet de concentrer ses réflexions à des moments où on est vraiment disponible pour ça. Mais vous aurez alors intérêt à être présent-e au rendez-vous, faute de quoi votre culpabilité va s’énerver !
Oui on peut donner rendez-vous à ses émotions comme on donne rendez-vous à des amies (rappelez-vous l’image des émotions comme des amies insistantes mais bien intentionnées) ! C’est même très efficace.
En prenant au sérieux sa culpabilité, celle-ci devient souvent moins encombrante.
Comme si d’elle-même elle se rendait à la raison et qu’elle constatait effectivement qu’on ne peut vraiment pas faire mieux.
Et ça peut aussi nous permettre de construire d’autres façons de réagir ou faire évoluer notre relation dans un sens qui nous convient mieux.
Peut-être qu’on va se rendre compte qu’on ne peut rien faire au moment des messages mais qu’on peut réagir différemment à d’autres moments par exemple : au moment des retrouvailles, dans la façon dont on passe du temps ensemble, etc
Pour résumer :
Ne chassez pas votre culpabilité mais prenez la au sérieux, ce qui ne veut pas dire vous précipiter pour agir et changer votre comportement sans réfléchir !
Des ressources complémentaires autour de la culpabilité
Quelques articles sur ce blog :
- Le guide des émotions : la culpabilité, compagne indésirable
- Comment dire non sans culpabiliser ?
- Comment arrêter de culpabiliser ?
- et bien d’autres dans la catégorie « couple »
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