« Mon chef ne me fait pas confiance ! », « mon collaborateur me cache des choses », la danse systémique …
« Mon chef ne me fait pas confiance, il ne sait pas déléguer. La dernière fois, ma collègue et moi avions bien travaillé sur un projet, nous avions vraiment ficelé le programme, prévu les aléas. Et bien notre chef n’a pas arrêté de nous poser des questions du genre « et vous avez bien pensé à ça ? », « et vous aviez bien prévu ça ? », …
C’est énervant et ça montre bien qu’il ne nous fait pas du tout confiance !
Il s’immisce dans tous nos projets, il faut toujours qu’il mette son grain de sel partout, comme s’il voulait s’accaparer tous nos projets et les mettre à sa sauce. Il veut savoir tout ce qu’on fait et trouve toujours quelque chose à redire.»
Du coup, la réaction logique de ce salarié est d’en dire le moins possible pour préserver son espace d’autonomie. Lorsque le chef commence à poser des questions, le salarié se braque, le ressentant comme une tentative de s’immiscer dans son travail. Il se tait, il montre son agacement, se ferme.
Et évidemment, puisque le salarié a l’impression que son chef ne lui fait pas confiance, il a tendance à vouloir montrer à son responsable qu’il n’est pas parfait lui non plus. C’est une façon de se défendre de l’attaque ressentie, de prouver qu’on peut faire bien son travail même si on fait des erreurs.
Le responsable est donc sous l’oeil de son collaborateur qui cherche à le prendre en faute et ne manquent pas une occasion de lui montrer que cela lui arrive …
« Mon chef ne me fait pas confiance ! », « mon collaborateur me cache des choses » : Que se passe-t-il d’un point de vue systémique ?
Le collaborateur ressent les questions de son responsable comme intrusive et démontrant un manque de confiance. Il cherche à se protéger de 2 façons :
- il en dit moins à son chef, menant les projets à sa façon en en parlant le moins possible
- il cherche à montrer à son responsable qu’il se trompe lui aussi.
Voyons maintenant les choses du point de vue du responsable :
Il voit un collaborateur qui lui cache des choses, qui lui fait parfois des réflexions du genre :
« ah tiens ! tu as oublié de faire ça ? »
ou encore quand le chef est débordé
« on te l’avait bien dit que ça ferait trop … ».
Il se sent remis en cause dans sa position, son autorité.
Que voit le responsable donc ? un salarié vindicatif, qui fait des choses dans son dos, qui essaie de le prendre en faute sans arrêt, …
« Mon chef ne me fait pas confiance ! », « mon collaborateur me cache des choses » : Et que fait le responsable ?
D’une façon tout à fait logique selon son point de vue, pensant que des choses lui sont cachées, il commence à avoir peur que les projets ne soient pas menés à bien correctement, il doute de son salarié qui lui parait bien négatif à son égard. Il pose donc des questions, cherchant à découvrir ce qui lui est caché.
Et se voyant mis en cause par les réflexions de son collaborateur, il devient de plus en plus exigeant face à cet employé qui commence à l’agacer. Il cherche la petite bête dans les projets de ce collaborateur. De plus, devant la pression dûe au fait que le collaborateur est à l’affût de ses erreurs, il devient de plus en plus tendu car il craint de ne pas faire son travail correctement et de se voir pris en faute.
Sa tension le conduit logiquement à être plus exigeant, plus pressant, à vérifier encore plus ce que chacun fait.
Le collaborateur est alors confirmé dans sa vision des choses et poursuit donc ses propres comportements.
Chacun des 2 voit la situation de son point de vue et a une réaction parfaitement logique DE SON POINT DE VUE … mais qui ne permet pas de résoudre le problème, voir même l’aggrave puisqu’elle augmente les comportements qui posent problème.
Ces actions faites par chacun DANS L’INTENTION DE RESOUDRE LE PROBLEME – cacher des choses, faire des réflexions, poser des questions, chercher la petite bête, … – est ce que nous appelons dans l’approche interactionnelle des TENTATIVES DE SOLUTIONS.
Il ne s’agit évidemment pas de savoir qui a tort et qui a raison ni de savoir qui a commencé.
Cela n’aurait aucun sens dans une vision systémique et ne permettrait pas de résoudre le problème de façon constructive. Oui il est possible que le responsable aie commencé à poser des questions parce qu’il était anxieux et qu’il avait du mal à faire confiance ; oui il est possible que le salarié aie commis une erreur justifiant que son patron vérifie derrière lui.
Mais savoir cela ne permet pas de résoudre le problème une fois qu’il en est arrivé au point que j’ai décrit.
Les comportements des 2 personnes – ou plus – en cause sont, comme le dit Bradford Keeney, comme les faces d’une pièce de monnaie, l’un entrainant l’autre qui à son tour entraine l’un et ainsi de suite.
Il s’agit donc d’interrompre la danse et d’amener l’un des 2 protagonistes AU MOINS (et les 2 si possible) à interrompre leurs tentatives infructueuses pour que la relation se rééquilibre d’elle-même par la suite.
La 1e étape est d’abord d’amener l’une des 2 parties – les 2 idéalement – à réaliser que le mode de régulation actuel ne fonctionne pas :
« et quand vous cachez des choses à votre responsable, il est plutôt plus confiant ensuite ou plutôt moins confiant ? »
« et quand vous posez des questions à votre collaborateur, il est plutôt ouvert et confiant ou plutôt sur la défensive ? »
Nous avons déjà ici amorcé le 1er mouvement d’un coaching stratégique et interactionnel : permettre aux personnes de réaliser l’impact de leur comportement sur l’autre. Chacun est tellement pris dans sa vision des choses qu’il lui était difficile avant cela de prendre le recul nécessaire pour prendre conscience de cela.
Et c’est souvent cette prise de conscience qui déclenche le changement, ou en tout cas permet d’amorcer un changement.
Et vous, quelle danse relationnelle avez-vous engagé avec votre entourage ?
« Mon chef ne me fait pas confiance ! », « mon collaborateur me cache des choses » : pour aller plus loin
Sur ce blog :
- Le manager qui voulait devenir assertif
- Les causes des conflits
- les articles de la rubrique « Management »
- les articles de la rubrique « Psychologie »
Quelques livres :
Qu’est-ce que ça me parle ! Sauf que c’est allé tellement loin que je n’ai plus envie de faire d’effort pour retourner la situation et que maintenant, je FUIS !
Oui c’est le risque si la situation n’est pas réglée de façon constructive suffisamment tôt :-/.
En s’y prenant avant que la confiance soit sérieusement entamée et avant qu’une rancoeur trop importante soit là, on peut prendre une décision émotionnellement plus facile : soit rester si les choses changent, soit partir mais en n’ayant pas l’impression de fuir.
Je te souhaite du positif pour la suite !
Ça décrit tellement bien la situation que je vis actuellement, et comme Rompich, je n’ai plus la force de rétablir la situation! Lire cet article m’a fait du bien car je me sentais coupable jusqu’à maintenant…
Merci 🙂