Les Vendredis des Parents : A propos d’alimentation, comment dire non à son enfant sans culpabiliser
Voici la question du jour. Pour une fois, il ne s’agit pas vraiment d’une question de parent mais d’une question de professionnel accompagnant des parents :
Etant diététicienne je suis confrontée très régulièrement à des problématiques liées à la parentalité et à l’éducation. Mes questions concernent plutôt ma pratique professionnelle :
Comment dire non à son enfant, sans culpabiliser ?
Comment laisser son enfant à la halte garderie sans remplir le sac de biberons et gouters en tout genre ?
Un exemple de situation :
I est 11h30 à la sortie de l’école, maman a, comme d’habitude emmené, le pain au chocolat pour manger sur le chemin du retour à la maison, car sinon c’est cris et pleurs…
Maman sait que le pain au chocolat c’est gras et sucré et que du coup l’enfant ne mangera pas les haricots verts équeutés et préparés avec amour… Mais elle ne dit pas non…c’est tellement habituel qu’elle n’a pas à dire non, puisqu’elle avait déjà prévu le pain au chocolat.
Est-ce que la maman a envie de tranquillité sur le chemin du retour, ou bien veut se faire pardonner son absence du matin ?
Dans le message qui m’a été envoyé, il y avait 2 autres situations mais je les aborderai dans d’autres articles car leur thème est un peu différent.
Le rapport à la nourriture
Le rapport à la nourriture est un sujet auquel je m’intéresse depuis très longtemps, bien avant d’avoir des enfants à vrai dire. J’ai beaucoup travaillé et réfléchi sur le sujet, au travers de lectures, d’échanges sur des forums, …
J’avais déjà abordé ce thème avec les enfants dans 2 articles, un paru sur ce blog « mon enfant ne mange pas » et son pendant plus complet sur les Vendredis Intellos, à lire ici.. Mais ces articles abordent plutôt la question de l’enfant qui ne mange pas.
Ici il s’agit plutôt d’enfants qui mangent trop – ou qui mangent mal.
Déjà la question de base pour moi est :
Est-ce que ces enfants ont vraiment besoin d’un accompagnement diététique ?
Je suis un peu provoc mais je trouve que parfois, on va un peu loin dans le suivi alimentaire. Des mamans avec des enfants qui vont très bien mais sont sur des courbes hautes se retrouvent à se focaliser sur l’alimentation de leur enfant, ce qui impacte le comportement de l’enfant.
La nourriture devient un enjeu relationnel, chose qu’elle ne devrait jamais être, et on met en place les ingrédients pour faire du rapport à la nourriture quelque chose de problématique.
A trop vouloir surveiller ou réguler l’alimentation, on crée parfois des difficultés qui n’auraient peut-être pas existées si on avait laissé les choses se réguler.
Pour aller plus loin dans cette réflexion, je vous invite à aller faire une petite visite sur le site du GROS, par ici et à parcourir les livres cités dans la bibliographie plus bas.
Allons voir maintenant du côté des situations évoquées …
Je vais essayer de les voir du point de vue des parents et de celui du professionnel qui intervient.
Mais un rapport « sain » à la nourriture, c’est quoi ?
La faim et la satiété – signalée par la diminution du plaisir gustatif et non par la sensation de remplissage – sont les signaux naturels dont nous disposons pour savoir quand manger et quelle quantité absorber.
Les enfants sont particulièrement bien équipés pour cela, dès la naissance. Et si on les laisse gérer, ils se régulent parfaitement bien. Le livre « Mon enfant ne mange pas » explique très bien ces mécanismes.
Lutter contre ces signaux ou les désapprendre en se forçant à manger pour d’autres raisons que la faim : parce que c’est l’heure, pour faire plaisir, par « raison », pour sa santé, … conduit à dérégler le système. Et à manger pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les besoins physiques.
Le méchant et le gentil professionnel 😉 …
A ce sujet, l’intervention n’est pas simple pour la diététicienne. Elle doit à la fois jouer le bon et le mauvais rôle. Le mauvais, c’est celui du rappel des règles du « diététiquement correct » qui envoie aux parents le message « vous ne faites pas ce qu’il faut pour votre enfant »
Et pour aider ces parents à changer, il est parfois nécessaire d’avoir aussi le « bon » rôle, celui du professionnel qui a confiance, qui soutient, qui encourage. Difficile de concilier les 2 en l’occurrence.
Le pain au chocolat et l’enfant qui hurle
Que celui qui n’a jamais eu un enfant qui se met à huuuuurler à la mort parce qu’il a faim, qu’il est fatigué, sous tension en sortant de l’école lève la main …
Et gérer les cris de désespoir d’un enfant sous les yeux de toute la communauté : les autres parents, les enseignants, … hem hem comment dire … pas vraiment facile !
Donc déjà ça demande de voir si la maman se sent capable de gérer les cris et les hurlements de l’enfant s’ils se produisent, si elle a les outils pour cela.
Si elle ne peut pas, il vaut peut-être mieux que l’enfant mange un pain au chocolat plutôt que de se faire hurler dessus, voire taper, par sa maman. Et ça vaut peut-être mieux pour sa maman qui culpabilisera moins du coup.
Parce que là, la pauvre maman est coincée entre
Je donne un pain au chocolat.
Je suis une mauvaise mère parce que mon enfant se nourrit mal.
et
Je ne donne pas le pain au chocolat.
Je suis une mauvaise mère parce que mon enfant pleure et que je lui hurle dessus.
Elle n’a pas de bon choix possible et choisit sans doute simplement le moins pire à ses yeux. Tant pis pour la silhouette de mon enfant et son équilibre alimentaire, l’essentiel est qu’il se sente bien sur le moment.
Parfois simplement poser la situation en termes de choix aide :
Vous êtes coincée dans une situation difficile : soit vous lui donnez son pain au chocolat et vous savez que ce n’est pas bon pour lui et pour sa santé. Mais vous voyez bien que ça lui fait du bien après une dure journée à l’école. Soit vous ne lui donnez pas et vous voyez bien qu’il est mal, qu’il pleure, qu’il crie. Mais vous savez que c’est meilleur pour sa santé et son bien-être à long terme.
C’est un choix difficile à faire. Dans les 2 cas, il y a un moment où votre enfant souffre de la situation. Mais c’est à vous de voir ce que vous pensez être mieux pour votre enfant.
Poser les choses sous forme de choix permet déjà de reprendre confiance : ce n’est pas elle qui est nulle, c’est la situation qui est difficile. Et oui, l’enfant sera forcément déçu et insatisfait dans un cas comme dans l’autre.
Cela permet déjà de sortir en partie de la culpabilité et de permettre à la maman de se voir de façon plus positive, ce qui est une part importante du travail d’accompagnement.
Si, quelque soit ma décision, je suis une mauvaise mère je ne peux plus agir. Si quelque soit ma décision, je suis une bonne mère, alors c’est déjà plus facile de se mettre en mouvement.
Il y a aussi une part très culturelle à la nourriture. Dans certaines familles – et dans certains pays – la nourriture est quelque chose de très important, de primordial même. C’est par là que passe beaucoup de choses. Pour ces cultures-là, renoncer à donner de la nourriture est quelque chose d’extrêmement difficile.
C’est important de bien mesurer à quoi on demande aux parents de renoncer. Renoncer à quelque chose d’accessoire, c’est simple. Renoncer à quelque chose d’essentiel demande bien plus que juste quelques conseils.
Et quand nos enfants hurlent comme ça, on fait quoi ?
Déjà faire la part des choses : oui un enfant qui sort de l’école a essayé de se contrôler, de se tenir pendant plusieurs heures et il a envie de se défouler. Oui un enfant qui sort de l’école a faim.
Lui amener quelque chose à manger n’est pas forcément un problème en soi. On peut choisir d’amener un pain au chocolat, du pain, un fruit, … Finalement pourquoi pas ?
Après tout si l’enfant avait mangé un pain au chocolat en dessert de son repas, quelle importance s’il le mange avant le repas plutôt qu’après ?
Mettre du sens pour simplifier les choses
Si on sait POURQUOI on fait tel ou tel choix, il est beaucoup plus facile de tenir, même si l’enfant fait une crise.
Si, en tant que parent, vous êtes convaincu que le sucre est un poison, votre enfant aura beau se rouler par terre, vous ne lui donnerez pas de bonbon parce que ce serait l’empoisonner. Impossible de céder.
En tant que parent, si je décide d’opter pour ne pas donner le pain au chocolat, je sais pourquoi je le fais : parce que je pense que je préserve la santé de mon enfant sur un plus long terme. Il me sera plus facile d’accompagner mon enfant dans sa frustration à partir de là.
Cela suppose aussi de savoir comment accompagner la frustration d’un enfant, d’entendre sa tristesse de devoir renoncer à ce dont il avait envie, sa colère contre nous de ne pas lui donner ce qu’il veut.
En gros, quand je refuse quelque chose à mon enfant, cela signifie que je suis prêt à accepter que mon enfant me déteste, au moins temporairement.
Comme le dit Christophe André :
Quand on n’est pas prêt à affronter la contrariété de l’autre, ce n’est jamais le moment de s’affirmer.
Faire des choix éducatifs
La nourriture, c’est comme la télé, en tant que parent, on l’utilise parfois pour avoir la paix …
Le tout est d’être conscient du choix qu’on fait et de l’assumer.
Et ce n’est pas parce qu’on donne un pain au chocolat à son enfant à la sortie de l’école qu’on est un mauvais parent :-D. Peut-être est-il préférable de s’épargner la crise pour passer un meilleur moment ensemble ensuite.
Quand on fait des choix conscients, on culpabilise moins car on sait pourquoi on a pris telle ou telle décision.
Pour aller plus loin :
Et l’excellent « Mon enfant ne mange pas » en français ici !
Et aussi un roman de thérapie brève où le cas d’un enfant que la mère surnourrit est abordé (ce n’est qu’une petite partie de l’histoire mais c’est très intéressant !) :
je pense que dans le cas présent le soucis est que la situation se répète 4 jours par semaine, et c’est là que le bas blesse (et donne un passage chez la diététicienne)
perso je suis la version maman qui assume les bougonnements et pleurs en tout genre (et je passe pour un monstre à la sortie de l’école, oui je ne donne pas de goûter industriel à ma fille et toutes les préparations maisons ne sont pas forcément mangeable à la sortie de l’école), maintenant une poignée de tomate cerise peut aussi aider à passer le cap du je rentre à la maison, l’enfant mange juste l’entrée sur le chemin, une compote à boire sera aussi moins mauvaise niveau santé, les premiers jours vont être rudes, mais l’enfant aussi va s’adapter
Et c’est là où la résolution des problèmes avec l’enfant peut intervenir : proposer un roulement de gouters, demander à l’enfant ce qu’il veut et quel jour, …
Ce qui permet de répondre aux besoins des 2 parties, l’enfant et son besoin immédiat de faim et de plaisir et la maman sont besoin de savoir que l’enfant mange « correctement ».
Perso je n’ai pas trop de soucis avec mes filles, ayant découvert Zermati quand mon ainée avait 1 an environ, ça m’a permis de lacher-prise sur les « conventions sociales » sur le « bien-mangé », par contre avec ma nièce s’est plus compliquée, c’est une ado et du coup plus de « mauvaises habitudes », elle n’arrive pas du tout à se réguler et donc est en surpoids (enfin c’est surtout elle que ça gêne !)
Je suis très tentée d’acheter des bouquins, penses-tu que je puisse prendre les mêmes pour elle ?
Moi je n’ai rien acheté, je me suis servie d’internet, je ne fais pas tout dans « les règles de l’art » mais ça m’a permis de trouver mon poids de forme et de m’y tenir depuis 18 mois, malgré des lacunes parfois mais je pense qu’il faudrait pour L plus de précisions, un vrai travail (et en même temps elle ne peut pas faire tout de front !!)
Pour les bouquins, il y a longtemps que je ne les ai pas relus. Ca dépend de son âge et de sa maturité mais ça ne peut pas lui faire de mal ;-).
J’ai bien aimé le « maigrir sans régime » de Zermati et « maigrir c’est dans la tête » d’Apfledorfer mais il y en a de nouveaux qui sont sortis, à voir.