Je mens, tu mens, il ment, nous mentons …

il ment ? Pinocchio en boisJe ne peux pas faire confiance à mon enfant : il ment !

Les mensonges sont un sujet souvent abordé par les parents. C’est un sujet qui provoque beaucoup d’inquiétudes pour l’avenir des enfants et qui suscite des réactions souvent très vives, quel que soit l’âge de l’enfant.

C’est vrai que, comme le souligne Haim G. Ginott dans « Between Parent and Child » :

C’est exaspérant d’entendre un enfant soutenir qu’il n’a pas touché au chocolat ou à la peinture alors que les preuves sont partout sur ses vêtements et son visage

Et oui il y a de quoi être en colère contre l’enfant quand il ment visiblement

Et quand il ment moins éhontément, nous sommes quand même choqués, notre culture voulant qu’il y a ait une vérité et une seule. Hors LA vérité, la seule l’unique – la notre autrement dit – point de salut.

 

Il ment … Mais qui ne ment jamais ?

Qui d’entre nous n’a jamais enjolivé – même un peu – la réalité ?

Qui d’entre nous n’a jamais évité de dire quelque chose pour éviter un sermon ?

Qui d’entre nous est sur en toutes circonstances que son point de vue sur les choses est LA réalité, la seule possible ?

Mais je suis persuadée que les enfants, comme les adultes, ne mentent jamais par hasard.
Ils ont toujours une bonne raison de le faire = s’ils mentent c’est qu’ils pensent que c’est la meilleure chose à faire.
C’est pour moi la première question à se poser :

De quel mensonge parle-t-on ?

Le mensonge « différence de point de vue »

Mon enfant a volé un jouet à un copain d’école. C’est la maman du copain qui est venu réclamer le jouet.Quand j’en ai parlé à mon enfant, il m’a répondu « non je ne l’ai pas volé, mon copain me l’a donné.

Pour un petit, la notion de propriété n’est pas très claire. Est à eux ce qu’ils ont dans les mains, ça leur appartient. Notre notion d’adulte de la propriété est un peu plus subtile et pas toujours facile à comprendre pour un enfant de 2, 3, 4 ans ou même plus !
C’est la même chose entre « prêter » et donner : le copain a prêté et l’enfant dit « il me l’a donné » et nous, nous pensons « il l’a volé ».

Bref, dans ce cas, le mensonge n’est souvent pas fait sciemment : l’enfant raconte SA version de la réalité qui n’est pas tout à fait la même que la notre. Mais il ne le fait pas volontairement et consciemment dans le but de nous tromper. Il ment … mais pas de son point de vue à lui.

Comment réagir ?
Essayer de prouver à l’enfant qu’il ment – et le gronder pour ça – n’est pas productif : l’enfant n’a pas conscience de mentir donc il ne comprend pas pourquoi on le gronde.
L’enfant a juste besoin d’une explication. :

tu as cru qu’il te l’avait donné mais apparemment ce n’était pas le cas.
En fait il veut le récupérer.

Il est possible aussi que le copain aie vraiment donné, qu’il aie changé d’avis et qu’il aie trouvé ce moyen – dire à sa mère que notre enfant lui avait volé son jouet et donc mentir – pour récupérer son bien et revenir sur sa parole.

Mais nous n’avons aucun moyen de démêler le vrai du faux dans cette histoire. C’est parole contre parole et la recherche de la vérité – si tant est qu’il en existe une seule – me parait impossible.

Et puis dans quel but chercher « la » vérité ?

Montrer à notre enfant qu’il a raison ou tort ? S’il y a besoin de faire une enquête pour rétablir la vérité, cela implique qu’on ne fait pas confiance à notre enfant pour nous la dire. Pas forcément signe d’une relation de confiance entre notre enfant et nous.

Rétablir la justice ? La vie est injuste et on y rencontre des gens malhonnêtes, mieux vaut s’en rendre compte en maternelle que plus tard ;-). Vivre ce genre d’évènements peut aider l’enfant à être plus prudent dans ses relations par la suite. Et cet apprentissage sera d’autant plus efficace que vous accompagnerez l’enfant dans sa frustration et sa déception d’avoir été trompé ou floué par son copain, sans en rajouter non plus dans le « bien fait pour toi ! » évidemment !

Le mensonge, preuve d’imagination

C’est le cas de l’enfant qui invente des histoires extra-ordinaires.

Mon enfant raconte qu’il fait des choses extra-ordinaires, que ses parents sont des super héros.
Il invente des histoires, il se passe toujours des choses incroyables dans sa vie.

Comment réagir ?

Essayer de prouver à un enfant dans cette situation qu’il ment, c’est lui donner des clés pour perfectionner ses mensonges à l’avenir, lui apprendre à mentir mieux.
Inventer des histoires, après tout c’est une preuve d’imagination ! On peut même en jouer avec lui.

Je me souviens du témoignage d’une participante à un atelier « Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour qu’ils parlent » : son fils était rentré du centre de loisirs en disant qu’il n’avait pas mangé son goûter, que les animatrices avaient tout mangé à sa place.
Le lendemain, la maman, faisant un clin d’oeil à son fils est allée voir les animatrices en souriant et leur a dit

quand même, vous êtes gonflées de manger les goûter des enfants comme ça hein 😉 !
Vous pourriez au moins leur laisser les miettes.

A son attitude non verbale (sourire, regards amusés, clins d’oeil, absence de colère, …), les animatrices – et l’enfant – ont compris que c’était une blague et ont joué le jeu en répondant – en riant elles aussi – que oui elles étaient vraiment des animatrices indignes mais que les goûters des enfants étaient vraiment trop bons.
L’enfant a souri à sa maman. C’était un joli jeu, il a compris qu’elle n’était pas dupe – et donc pas si facilement « trompable » – mais ils se sont bien amusés.
Un moyen subtil de faire passer le message

tu ne peux pas me mentir aussi facilement

Mais c’est quand même rigolo de mentir parfois.

Essayer de prouver à un enfant qu’il ment quand il le fait par plaisir du jeu ne le conduit généralement qu’à perfectionner son mensonge pour le rendre moins facilement détectable. Un excellent moyen d’améliorer les mensonges donc comme je l’ai dit plus haut …

Ce type de mensonge – inventer des choses extra-ordinaires – peut aussi arriver lorsque l’enfant a des soucis dans sa vie et que ces histoires sont une façon pour lui de s’échapper de la réalité. Une façon de s’inventer une vie plus satisfaisante que sa réalité.

Dans ce cas, le mensonge n’est qu’un prétexte, une façon – pas très efficace je vous l’accorde – de dire

aidez-moi, ça ne va pas

Rejeter le mensonge

Mais enfin, pourquoi tu racontes des bêtises pareilles ???!!!

sans faire entendre qu’on a compris qu’il y avait un problème sous-jacent, c’est comme faucher les mauvaises herbes sans toucher à la racine … Ca finira toujours par ressortir tant que les racines seront encore là.

L’enfant ne sait généralement pas très bien pourquoi il agit comme ça dans de pareilles circonstances. Lui poser la question n’est souvent pas très efficace. Par contre lui montrer qu’on est prêt à accueillir ses difficultés, se montrer disponible et à l’écoute pourra l’encourager à dire ce qui ne va pas.

Les mensonges de protection

Les plus courants !

Quand je pose la question :

Qui a pris mes ciseaux ???

sur un ton de colère
Il est quasi certain que l’enfant qui les a pris ne va pas dire « moi » parce qu’il sait que celui qui a pris les ciseaux va recevoir ma colère et que ce n’est jamais agréable.

Il est même probable que l’enfant va répondre que ce n’est pas lui, voire accuser quelqu’un d’autre.

Dans le cas cité plus haut : un enfant qui aurait vraiment volé un jouet peut mentir pour éviter de se faire gronder ou punir.
Ou même simplement pour éviter de se faire sermonner. Il ment pour se protéger.

Se faire sermonner ou se faire faire la morale est une conséquence suffisamment désagréable pour qu’un enfant se risque à mentir pour l’éviter.

Et ça, nous le faisons tous plus ou moins, même adultes. Quand j’ai préparé cet article, j’avais demandé des témoignages de petits ou grands mensonges sur la page Facebook de S Comm C. Et le 1er message que j’ai eu était celui-ci :

J’ai menti à mon ex en me cachant pour fumer, l’hiver je mangeais des mandarines dans la voiture pour cacher l’odeur, chewing-gums, crèmes pour les mains.

Cette personne n’était pas victime de violence conjugale. Non. Simplement son conjoint lui faisait la morale quand il la voyait fumer.
Et s’entendre dire qu’on ne fait pas ce qu’il faut, que ce n’est pas bien ce qu’on fait, … c’est juste pénible pour tout le monde, vous et moi y compris.

Repensez-y : quand vous pensez qu’on va vous faire la morale si vous dites la vérité, alors vous mentez ou vous ne dites pas toute la vérité.

Repensez à la dernière fois que vous êtes allés chez le médecin et que vous aviez un peu abusé sur le plan diététique alors qu’il vous avait fait les recommandations d’usage sur les 5 fruits et légumes par jour lors de votre visite précédente …
Ou quand vous êtes allés chez le dentiste alors que vous aviez un peu négligé le brossage de vos dents ces derniers temps et qu’il vous a dit « vous vous brossez bien les dents 3 fois par jour ? »

Comment vous êtes vous sentis ?
Un peu honteux, un peu humiliés probablement.
Et du coup, vous avez peut-être cherché à minimiser votre conduite

heu … oui, oui docteur, j’ai eu quelques gros repas professionnels ces derniers temps.

Mais le printemps arrive et je vais me remettre au sport.

(alors que vous avez passé vos journées à grignoter et que vous avez fait la fête ces derniers temps et que votre résolution de vous remettre au sport date d’il y a 3 secondes)

ou chez le dentiste

heu … oui oui … enfin presque.

(c’est ça oui, on vous croit 😉 !).

Ces mensonges-là sont ce que j’appelle aussi des mensonges provoqués.

Il ment : évitons de provoquer les mensonges

C’est notre attitude d’adulte qui incite l’enfant à mentir : il anticipe que les conséquences de la vérité vont être douloureuses pour lui, alors il essaie de s’en protéger par un mensonge ou une semi vérité.
Dans le cas de mes ciseaux, dire simplement

j’ai besoin de mes ciseaux maintenant !

est beaucoup plus efficace que de chercher le coupable.
Car en m’entendant celui qui a les ciseaux va réaliser qu’il ne les a pas rendus et va venir mes les apporter, et même souvent s’excuser de les avoir pris et de ne pas les avoir ramenés.  Il ne le fera pas s’il pense qu’il va se faire gronder, sermonner, ou punir  en arrivant.

Par contre je peux – je dois ? – exiger par la suite que les ciseaux reviennent à leur place après usage, mais ça, c’est une autre histoire !

Donc si votre enfant ment à répétition pour éviter les conséquences de ses actes, posez-vous la question de savoir comment vous auriez réagi s’il avait dit la vérité.

L’arrêt des mensonges passe généralement par le fait de changer votre réponse face à la vérité :-D.

Haim Ginott le dit très bien, nous devons apprendre à ne pas encourager les mensonges en ayant des attitudes constructives et respectueuses avec nos enfants.

On peut très bien coopérer avec quelqu’un qui est en colère contre nous

à condition qu’il ne nous attaque pas personnellement.

Pour moi, un des messages primordiaux à faire passer à nos enfants, c’est qu’une bêtise, ça peut toujours se réparer.
La confiance par contre c’est beaucoup plus difficile à réparer.

Ce message ne passe pas uniquement par les mots mais aussi, et surtout, par les actes …

Quand le mensonge est avéré

Nous avons vu que faire la morale n’est pas forcément utile. Montrer que le mensonge a des conséquences me semble plus productif

Je me souviens d’une maman d’adolescente avec qui j’avais échangé il y a quelques temps. Sa fille lui avait menti sur plusieurs choses. Et du coup, elle avait du mal à accorder sa confiance à sa fille et remettait en doute ce que sa fille lui disait et vérifiait tout.
Sa fille le vivait mal et reprochait à sa mère de ne pas avoir confiance en elle et la maman répondait

Mais si, j’ai confiance en toi.

Mots et actes n’étaient pas cohérents : la maman agissait comme quelqu’un qui n’a pas confiance mais disait qu’elle n’avait pas perdu confiance. Messages contradictoires … et l’ado avait bien compris que sa mère n’avait plus confiance.

Ce que tu fais crie plus fort que ce que tu dis.

Donc en fait la maman avait bien perdu – à juste titre – une partie de la confiance en sa fille. Et il était juste et logique que sa fille l’entende pour savoir comment réparer.

Sinon, l’enfant est inquiet : il sait qu’il a perdu la confiance de son parent mais n’a aucun moyen de récupérer les choses.
Du coup, la tension devient palpable, l’ado devenant souvent de plus en plus pénible car il se sent impuissant à rétablir l’équilibre et il insiste pour trouver une solution.

Dans ce cas, pour rétablir l’équilibre, l’ado avait besoin d’entendre :

oui c’est vrai. J’ai perdu en partie confiance, parce que j’ai découvert que tu m’as caché des choses.
Tu ne peux pas me demander de te faire confiance si toi tu me trompes.

Il va falloir du temps pour que les choses se rétablissent et que je puisse à nouveau te faire confiance.

Perdre la confiance de ses parents quand on leur ment est une conséquence logique du mensonge.
En prendre conscience permet à l’enfant d’apprendre quelque chose de primordial :
Il a le droit de nous mentir s’il veut.
Mais il doit en assumer les conséquences.

Et quand la maman a tenu ces propos à sa fille, la situation s’est grandement apaisée entre elles, l’adolescente ayant compris qu’elle devait agir en conséquence pour regagner la confiance de sa mère.

Quand on assume la perte de confiance, on peut alors donner des clés à l’enfant pour qu’il sache comment rétablir une bonne relation avec nous. Et c’est à lui de le faire.

De notre côté, il est important de nous demander ce qui, dans notre attitude, a conduit l’enfant à nous mentir …

Il ment : des ressources pour aller plus loin :

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Sandrine Donzel

Parentalité, couple, communication, développement personnel ? Votre vie ne ressemble pas à ce qui est décrit dans les livres ? Pas de panique et bienvenue dans la VRAIE VIE, celle qui est abordée sur ce blog ! Je vous y propose des outils concrets, pragmatiques et REALISTES pour répondre à vos interrogations. Bonne lecture !

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9 thoughts on “Je mens, tu mens, il ment, nous mentons …

  • 1 avril 2013 à 13:19
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    Merci merci merci, il tombe à pique celui-là, à croire qu’il a été écrit spécialement pour moi !! (mais tu ne dors pas le matin ??)
    Ca va me permettre d’aborder ma nièce différement ce soir ou demain, et finalement l’avantage qu’elle ne soit pas là quand j’apprends son comportement n’est pas un mal, la déception et la colère sont retombées et me laisse de la place pour être sur la compréhension et la recherche de solutions.

    Merci, je vais relire et relire cet article pour m’en imprègner et être sûre de bien le comprendre !

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    • 1 avril 2013 à 16:14
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      Coucou !
      Il n’a pas été écrit exprès pour toi mais c’est vrai que j’ai pensé à toi ce matin et j’étais sur le point de t’envoyer le lien par mp quand j’ai vu ton commentaire ;-).

      (et pour l’heure de publication, rassure-toi : les articles sont généralement programmés à l’avance et publiés automatiquement … Donc si, ce matin à 6h45, je dormais tranquillement :-D).

      Sandrine

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  • Ping :Education | Pearltrees

  • 5 septembre 2013 à 15:07
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    Merci pour cet article, très construit et très constructif!

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  • 17 septembre 2015 à 22:22
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    Bonjour.

    Article très intéressant et je retrouve enfin le mensonge qui me déstabilise. Le mensonge qui est une preuve d’imagination.
    Je m’en arrache les cheveux parfois. Je ne sais absolument pas comment réagir.
    Quand c’est « le maitre a fait de la magie en classe », pourquoi pas, c’est mignon, on écoute. Mais quand c’est quelque chose qui réclame une réaction de notre part, chacun y réagit différemment dans la famille.
    Et elle étai experte des phrases du genre  » machin m’a tapé » Et ça faisait très bien réagir ses grands parents par exemple qui s’offusquaient ou son père qui lui donnait des conseils. Et moi je ne savais pas trop quoi dire. Ne pas minimiser car si c’est vrai, il faut peut-être y prêter attention mais ne pas en faire une montagne afin qu’elle ne pense pas qu’il n’y ai que ça qui nous intéresse. Et puis il y a les mensonges moitié vérité.  » Machin a étranglé machine », bon, apparemment il y a eu question d’étranglement, mais peut-être que c’était une histoire et peut-être que c’était en vrai mais pas machin et machine… En tout cas ça me fait cogiter…
    Et son père qui entend l’histoire car elle re-raconte avec d’autres protagonistes et qui me dit, « tu te rend compte, truc a étranglé notre fille, c’est inadmissible, etc… » Et là en plus de comment réagir face à ma fille, je me demande comment réagir face à lui, ne pas minimiser, etc…

    Vous voyez, que de questions !

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    • 18 septembre 2015 à 06:10
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      Avant de réagir, il serait intéressant de savoir dans quel but elle dit tout cela. Et peut-être de simplement lui poser la question : « Et tu attends quoi de moi quand tu me dis ça ? » ou quelque chose du genre.

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