Comment éduquer sans fessée ?
Cet article est un SOS S Comm C. Un petit rappel du principe de ce rendez-vous : vous m’envoyez des questions par mail à l’adresse sandrine@scommc.fr en précisant bien « QUESTION POUR LE SOS« . Je choisis une question ou un thème et je le traite dans une vidéo de 15 à 30 minutes diffusée en direct sur la page Facebook de S Comm C (puis disponible en replay).
La question de la semaine : sans fessée, comment éduquer nos enfants ?
Voici la question choisie cette semaine :
J’anime un café des parents les mardis matin et j’ai une question venant des parents : « on ne sait plus comment faire avec nos enfants, on nous a dit que la fessée n’est pas autorisé, que nous devons appliquer l’éducation non violente. On ne s’y retrouve plus, nous parents ! »
Comment éduquer sans fessée, ma réponse en vidéo
Pour celles et ceux qui préfèrent l’écrit, voici quelques éléments que je développe dans la vidéo :
Au sujet de la parentalité et de l’éducation, comment éduquer ses enfants sans fessée ?
Il y a TELLEMENT de choses à dire sur le sujet. Commençons par la fessée et son interdiction … et faisons un peu d’histoire.
Nous avons été des enfants. Notre éducation nous a transmis des automatismes : elle a ancré en nous des manières de faire qui nous paraissent « normales » ou « adaptées », que nous le fassions en adhésion ou en opposition à ce que nous avons vécu. Tout cela nous semble tellement logique que nous avons l’impression que l’éducation à laquelle nous croyons est intemporelle.
Pourtant un style d’éducation est souvent caractéristique d’une société donnée. Taper ses enfants à coup de bâton ou de ceinture était tout à fait courant il n’y a pas si longtemps. Par exemple, refuser qu’un enseignant tape ses enfants à coup de bâton était vu comme progressiste au début du 20e siècle !
C’est vrai que taper les enfants, utiliser des méthodes violentes – gestes physiques, privations importantes, paroles humiliantes – est de moins en moins autorisé. Ce courant ne remonte pas aux hippies des années 60 ! L’évolution de la vision de l’enfant a commencé il y a bien longtemps, notamment au 18e siècle avec les Lumières mais sans doute bien avant ça encore.
Le gros changement, c’est que, pendant longtemps on a considéré l’enfant comme un être « mauvais » qu’il fallait discipliner. Ses « bêtises », ses « mauvais comportements » sont alors des preuves qu’on n’a pas corrigé sa mauvaise nature. Maintenant – et depuis déjà longtemps – l’enfant est plutôt considéré comme un être en développement.
Dans ce cadre, il n’a plus à être discipliné par la force. Il a simplement besoin d’apprendre des compétences (intellectuelles, relationnelles, émotionnelles, etc). Ces compétences lui permettront de se comporter d’une manière qui fera dire aux gens autour de lui « il est éduqué » (notons bien que l’éducation est relative à un contexte donné, à un temps donné, à une société donnée)
Prenons un apprentissage purement intellectuel comme la lecture : vous ne mettriez pas une fessée à un enfant parce qu’il n’arrive pas à déchiffrer les lettres ? Vous vous demanderiez ce qui coince : est-ce qu’il connaît les lettres ? est-ce qu’il voit bien ? etc. Evidemment, supprimer la fessée paraît logique si on considère l’enfant comme un être apprenant.
Problème : les apprentissages émotionnels et relationnels se font souvent de manière impensée et spontanée contrairement aux apprentissages intellectuels. Nous ne les voyons pas comme des apprentissages, mais comme des provocations ou des fautes intentionnelles. D’où l’idée que la fessée ou toute autre approche punitive pourrait être une solution.
Vous aurez compris : je partage l’idée que taper sur ses enfants n’est pas éducatif du tout (même si ça peut arriver quand on déborde émotionnellement). C’est cette idée qui sous-tend certains courants éducatifs comme l’éducation non violente ou bienveillante. A ce sujet, vous pouvez lire mon article « Education bienveillante : le grand malentendu ».
Don oui la fessée est interdite et c’est plutôt une bonne chose de mon point de vue. Ca nous force à nous questionner et à apprendre d’autres manières de faire. Mais je conçois que ce soit perturbant parce que vous vous sentez démuni-e face à certaines situations.
Et là, je lis dans la question « on nous dit que nous DEVONS appliquer l’éducation non violente » … Heu mais NON : vous ne DEVEZ RIEN 😱. Si vous vous forcez à appliquer quelque chose qui ne vous correspond pas, vous courez droit à la catastrophe.
Repartons du départ : aucun parent n’a envie de taper son enfant par plaisir. Quand vous êtes tentés d’utiliser la fessée ou les punitions, c’est généralement que quelque chose coince = que, malgré vos efforts, l’enfant n’a pas encore intégré les compétences dont il a besoin pour respecter la règle fixée.
La fessée est dans le domaine des punitions au sens comportementaliste du terme = j’applique une conséquence désagréable à l’enfant dans l’espoir que la sensation désagréable vécue sera suffisamment pénible pour qu’il évite à l’avenir de reproduire ce comportement.
Par exemple, vomir après avoir mangé des fruits de mer avariés est une punition.
La punition est un outil très utilisé pour faire changer les comportements des enfants. Mais c’est malheureusement un outil assez peu efficace et avec lequel il y a des effets secondaires importants (colère et rebéllion, culpabilité, apathie/retrait, et surtout risque d’escalade). Les conditions pour qu’une punition fonctionne sont assez restreintes au final.
Si l’approche punitive est votre seule arme quand l’enfant ne respecte pas les règles, vous allez très vite être démuni (et donc probablement avoir envie de taper).
Pour remplacer la fessée, nous avons besoin d’apprendre, de connaître d’autres façons de gérer les comportements. Je partage beaucoup à ce sujet sur le blog donc vous trouverez des tas d’outils. Vous pouvez trouver des ressources à des tas d’endroits. En ce sens, les outils de l’éducation positive, de l’éducation bienveillante ou non violente élargissent votre panel d’outils et c’est super. Ca m’a fait penser à une image :
Penser que les approches punitives sont LE moyen d’éduquer un enfant, c’est comme si vous essayiez de bricoler avec seulement un marteau. Vous risquez d’être vite limité-e et le résultat ne sera pas beau à voir.
Par contre, si en plus de votre marteau, vous avez aussi une pince, un tournevis, une lime, une scie, une ponceuse, et des tas d’autres choses, vous allez bricoler bien plus efficacement et plus simplement. L’éducation c’est la même chose : plus on a d’outils, plus c’est facile.
J’utilise le terme « bricolage » pour une autre raison. Je l’ai entendu récemment dans la bouche de Béatrice Kammerer (dans le podcast « Méta de Choc », les épisodes sur l’éducation positive à découvrir ici).
Parce que oui, l’éducation c’est du bricolage !
L’éducation, c’est le résultat de ce que nous (les parents et l’ensemble de la société !) faisons avec nos enfants = les compétences et connaissances acquises par l’enfant devenu adulte, compétences et connaissances qui lui permettront d’arriver à un équilibre entre son individualité et la société dans laquelle il s’insère.
Sauf que … nous ne connaissons pas encore vraiment la société dans laquelle l’enfant va s’intégrer puisque par définition c’est celle du futur ! (celle dans laquelle vivrons nos enfants). Elle aura sans doute des points communs avec maintenant mais lesquels ?
Comme le dit Alison Gopnik : « Nous ne pouvons pas connaître les défis auxquels les enfants du futur devront faire face. Façonner nos enfants à notre image ou à l’image des idéaux du moment pourrait en réalité les empêcher de s’adapter aux changements à venir. »
L’éducation c’est une sorte de pari sur l’avenir. Donc forcément on fait du bricolage (dans ma bouche, le mot bricolage n’est pas péjoratif).
Je ne vais donc pas vous dire QUOI faire exactement … parce que le QUOI faire dépend de vous, de l’enfant, du contexte familial, du comportement visé et de tas d’autres choses, de vos valeurs, de votre histoire et de tas d’autres choses. Je n’ai pas de mode d’emploi.
(d’ailleurs toute personne qui prétend vous dire COMMENT éduquer vos enfants est une arnaque !)
Par contre, je vous invite à réfléchir régulièrement sur l’ETHIQUE de votre pratique de parent, sur la manière dont vous pouvez élargir vos connaissances et vos compétences de parent.
En vous documentant, en testant des choses, en réfléchissant à plusieurs (comme vous le faites dans votre café des parents).
Vous pouvez vous questionner sur :
- l’équilibre entre répression et éducation du point de vue de l’enfant (je l’explique dans la vidéo)
- ce que vous voulez transmettre exactement : compétences, valeurs, etc
- l’équilibre de vos ressources (un parent épuisé, même avec des méthodes dites non violentes ne sera pas bienveillant)
- les limites de l’éducation (je vous propose un support de réflexion avec l’article « comment juger de l’éducation que nous donnons à nos enfants »)
Besoin d’une aide supplémentaire : vous pouvez prendre rendez-vous avec moi ou découvrir les ressources de la boutique.
Chaque semaine, vous pouvez aussi recevoir ma newsletter, avec des ressources complémentaires gratuites.
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Comment éduquer sans fessée, quelques ressources complémentaires
Voici les liens vers les livres dont je parle dans ma vidéo. Ils constituent une excellente base pour avancer sur le « comment faire sans fessée ? » :
- « Entre parents et enfants » – Haim G. Ginott
- « Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour qu’ils parlent » – Faber et Mazlish
- « Parler pour que les tous petits écoutent » (idéal pour les moins de 7 ans mais très parlant pour les plus grands aussi) – Faber et King
- « L’éducation vraiment positive » – Béatrice Kammerer