Où on découvre que poser des questions n’est pas forcément la bonne façon d’obtenir des réponses … Développer l’autonomie d’un enfant
L’un des outils de Faber & Mazlish pour développer l’autonomie – dans « Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour qu’ils parlent » – est d’arrêter de poser des questions …
Ce qui, à première vue, parait illogique mais devient un peu plus logique quand on s’intéresse aux enfants de près : en situation de dépendance presque totale quand ils sont petits – pour la satisfaction de tous leurs besoins primaires : sécurité, alimentation, abri, … – les enfants ont, comme tous les êtres humains, besoin de sentir qu’ils ont un minimum de contrôle sur leur vie, qu’ils ont des espaces d’intimité, des endroits et des temps où ils peuvent décider par eux-mêmes, préserver LEUR espace.
Le paradoxe des questions dans le développement de l’autonomie de l’enfant
Or poser des questions implique qu’on doit répondre … Cela signifie qu’un enfant – ou un adulte – qui veut un peu d’autonomie est coincé par une question dans un paradoxe de la communication :
Soit il répond à la question et donc il n’est pas autonome puisqu’il obéit à un ordre implicite ;
Soit il ne répond pas, il est alors autonome mais désobéit à un ordre implicite ce qui peut poser problème dans la relation au parent ce qu’il ne souhaite pas non plus …
Qui plus, est le manque de contrôle sur sa vie, l’impression de subir tout le temps les décisions des autres, est une des causes principales de souffrance psychique, qu’on soit adulte ou enfant.
Pourquoi les enfants mentent ou disent des choses illogiques
Cela explique souvent que l’enfant va répondre aux questions d’une façon qui va à la fois préserver son autonomie et satisfaire son parent : il va donner une réponse qu’il pense logique pour la personne qui lui pose une question tout simplement 😉 … Il va dire qu’il ne se souvient pas, ou alors inventer quelque chose. L’adulte interprète parfois cela comme des « mensonges », des « inventions » … alors qu’il ne s’agit que d’une façon de protéger son indépendance.
Je reviendrai sur le sujet du mensonge à l’occasion car ce n’était pas l’objet de ce billet initialement (mais quand je commence à écrire, je sais où je commence, je ne sais jamais où je finis :-D).
Donc certains enfants choisissent de mentir, de travestir la réalité … et d’autres utilisent des méthodes plus « expéditives » pour expliquer à leurs parents que les questions, ça va bien 5 minutes …
Comment faire alors ?
Voici une anecdote que je trouve très chouette, racontée par une maman lors d’un atelier « parler pour que les enfants écoutent, écouter pour qu’ils parlent » :
« Ma fille a 4 ans. L’année dernière, elle est rentrée en petite section de maternelle. J’avais très hâte de savoir tout ce qu’elle faisait à l’école, comment ça se passait, ce qu’elle faisait. Tous les jours, en la récupérant, je lui demandais :
« Alors tu as fait quoi aujourd’hui ? »
Et invariablement, elle répondait :
« j’me souviens plus ! »
Ca a duré toute l’année et ça ne m’a pas servi de leçon parce que cette année, elle a fait sa rentrée en moyenne section et le jour de la rentrée, je lui ai demandé à nouveau ce qu’elle avait fait durant la journée.
Mais ce jour-là, elle m’a répondu :
« Maman, je ne m’en souviens plus … et toute l’année je ne me souviendrai plus ! »
Bon là je crois que j’ai compris le message ! »
C’est sur qu’en tant que parent, nous avons très envie de savoir ce qui se passe dans la vie de nos enfants, très envie de découvrir avec eux, non pas pour les envahir mais simplement pour partager les plaisirs.
Mais poser des questions n’est pas forcément la bonne façon de s’y prendre …
En posant moins de questions, les enfants se sentent respectés et plus libres de parler …
Et nous découvrons alors souvent que nous obtenons beaucoup plus de réponses qu’avant ;-).
Retrouvez les livres d’Adele Faber et Elaine Mazlish sur Amazon (lien sponsorisé) :
Hier ma fille de 4 ans m’a dit: « bon, je sais que c’est toi qui commande mais des fois j’aimerai bien que tu t’occupes de tes affaires et que tu me laisses m’occuper de mes affaires. Moi, j’ai envie de décider, c’est toujours toi qui décides. Ça m’énerves. Tu as compris? »
Remarquable ! Merci…
J’adore en particulier le paradoxe que tu soulèves Sandrine et j’en rajoute un autre :
Comment trouver le juste positionnement entre le sur-questionnement d’un trop de contrôle (même avec les meilleures intentions du monde) et le silence synonyme de désintérressement avec un possible sentiment d’abandon à la clé ?
D’où la nécessité de se positionner en permanence, si possible, de manière « juste », entre ces 2 postures du « trop » et du « pas assez ».
Un équilibre est fait de déséquilibres qui se compensent 😉 …
Comme je l’ai expliqué dans ma conférence de mercredi dernier, tout est dans le feed-back que je reçois de mon environnement : est-il positif ou négatif ? m’éloigne-t-il ou me rapproche-t-il de mon objectif ?
Ce qui suppose d’être au clair sur son objectif quand on adopte tel ou tel comportement = qu’est-ce que je cherche à faire passer comme message par ce comportement.
Et ce qui suppose aussi ensuite de se poser régulièrement la question de l’efficacité = est-ce que ce que je fais me rapproche ou m’éloigne de cet objectif ?
Et on réajuste ensuite les choses au fur et à mesure.
Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de faire en soi ; il n’y a que des façons adaptatives au contexte ou pas et des façons +/- efficaces.
L’attention au feed-back est donc primordiale …
Et aussi cesser de croire que si quelque chose ne fonctionne pas, c’est parce qu’on ne l’a pas fait assez bien 😀 …
Peut-être que c’est juste parce que ce n’est pas la bonne chose à faire tout simplement …
Sandrine