Je n’ai pas de désir. On fait quoi ?
« Je n’ai pas de désir » ou « je n’ai plus de désir« . Malgré tout l’amour qu’elles portent à leur partenaires, beaucoup de femmes ne peuvent que constater la baisse de leur désir sexuel. Et cette différence entre la libido masculine et la féminine perturbe les relations de couple, créant de la souffrance chez les deux partenaires. L’absence de désir est souvent considérée comme un trouble. Et s’il y avait d’autres solutions ?
A noter : si vous préférez regarder ou écouter plutôt que lire, la version vidéo de cet article est disponible tout en bas ⤵️
Avez-vous déjà remarqué à quel point le manque de désir sexuel est considéré comme anormal ?
Vous avez déjà remarqué à quel point on suppose « un problème » – hormonal, psychologique, de couple, etc – quand une personne manque de désir sexuel ?
Non ?
Abordez donc le sujet avec vos amis, votre médecin traitant, votre esthéticienne ou votre dentiste (non je rigole hein mais quand même vous pouvez tenter le coup) en prétendant vivre une faible libido, un désir qui se fait la malle.
Vous allez voir comme tout le monde va s’atteler à vous donner des tas de conseils sur comment la réveiller, cette fameuse libido.
On est dans une société où on aime bien se raconter la fable de la sexualité épanouie : tout le monde est censé avoir du désir sexuel, des envies, du plaisir.
Le défaut de ce désir ne peut venir que d’un « défaut », d’une maladie. Quelque chose a tourné de travers dans votre vie, quelque chose qu’il faut corriger.
Comme le dit très bien Jean-Claude Kaufman dans son livre « Pas envie ce soir : la question du tabou du consentement dans le couple » (achetable ici sur Amazon et ici chez LesLibraires.fr) :
« Masturbation, SM, expériences homosexuelles, plus rien n’est tabou dans les pratiques sexuelles. Plus rien sauf l’absence de désir. » – JC Kaufman
Je ne compte plus le nombre de femmes qui me disent avoir consulté – seule ou en couple – pour leur libido à 0. Et généralement, l’intervenant considère que oui, il faut avoir de l’appétit sexuel.
Et si la sexologie ne marche pas, il faut aller chercher du côté des hormones. Vite des traitements ! Vite remettre en cause la contraception !
(ah la fameuse libido sous pilule … On y a surtout gagné des grossesses non désirées sans preuve que notre manque de libido venait vraiment de là pour tout vous dire.)
L’absence de désir ou le faible désir deviennent des pathologies.
Toute cette agitation génère beaucoup de culpabilité et de tentatives de rétablir un désir sur les mécanismes desquels on évite soigneusement de se questionner.
Pourtant, on peut aimer les rapports de séduction, l’intimité affective mais ne pas apprécier pas les rapports sexuels (même quand ils procurent du plaisir physique).
Surtout quand on est une femme, j’y reviens dans la 2e partie de cet article.
Oui, je vous assure : ça se peut.
A aucun moment, l’asexualité n’est envisagée comme une possibilité de l’absence de désir (ou d’un faible désir).
(au passage, le A LGBTQIA+, c’est pour asexualité)
C’est un constat, pas un diagnostic. C’est un constat qui peut changer et évoluer.
Parce que s’il y a UNE chose dont on est sûr sur le désir féminin, c’est qu’il est variable, instable, volatil.
(qui a dit volatile ??? remarquez bien que j’ai écrit un article comparant le désir à un oiseau, à une période où. j’étais BEAUCOUP moins documentée et expérimentée dans l’accompagnement de couple que maintenant, comme quoi j’ai de la suite dans les idées)
Bref le désir féminin, il est là. Et puis il est plus là.
Parfois on arrive à se faire une idée du pourquoi. Mais souvent pas. Et il mieux vaut apprendre à faire avec ces variations de l’attirance sexuelle.
Reconnaitre cette réalité épargne du temps et de la souffrance aux couples (en tout cas à ceux que j’accompagne).
Ca leur laisse la possibilité de réinventer leur couple sur d’autres bases en diminuant la pression sur le désir du partenaire le moins désirant.
Parfois le désir revient quand on lui lâche la grappe. Parfois non.
(si on savait à coup sûr comment faire revenir le désir, je ne serai pas en train d’écrire cet article).
Il faut être préparé à l’éventualité qu’il ne revienne pas et discuter de ce qu’on fera si c’est le cas. Ca donne de la liberté.
(et pas en mode « aie du désir pour moi sinon tu vas voir ce que tu vas voir !« ).
Et ça pose des vraies bonnes questions. Des questions qu’on sera très certainement amenés à se poser plus tard si on reste ensemble suffisamment longtemps.
Des questions comme : c’est quoi un couple sans relations sexuelles ? C’est quoi une sexualité sans pénétration ? … et d’autres encore que je vous laisse explorer.
A noter : j’ai déjà parlé du désir incompatible avec toute forme de pression, y compris celle qu’on se met à soi-même dans cet article : « Comment obtenir plus de sexe avec moins d’efforts ». Je vous invite à le lire si vous voulez mieux comprendre comment fonctionne le désir.
Mais il y a autre chose : le désir peut aussi être indépendant du sentiment amoureux. Chez les femmes comme chez les hommes.
Tiens d’ailleurs ça me fait penser à un paradoxe.
Le paradoxe du désir non lié au sentiment amoureux
L’idée généralement admise est celle-ci : les hommes ne lient pas amour et sexe. En gros, ils peuvent faire l’amour sans sentiments.
Pourtant, dans tous les couples que je vois, les hommes associent fortement la baisse de désir de leur partenaire avec une baisse de l’amour qu’elle leur porte.
Et c’est ce qui les fait souffrir.
Evidemment, les femmes à l’inverse sont réputées ne pas pouvoir dissocier amour et sexe. Pourtant elles continuent très souvent d’aimer leur partenaire tout en ne le désirant plus.
Pour se lâcher la grappe, il faudrait quand même que les hommes comprennent que la diminution du désir n’a rien à voir avec la diminution de l’amour.
Et que ce n’est généralement pas la différence de libido qui sépare les couples mais la dégradation de la relation qui s’ensuit.
Celle qui va arriver quand on n’a pas osé se poser les questions citées plus haut et que la pression s’installe entre les 2 partenaires.
Mais ce n’est pas tout.
S’il y a une maladie du désir qu’il faut corriger dans notre société, c’est la manière dont nos couples fonctionnent
J’accompagne des couples. Beaucoup (majoritairement des couples hétérosexuels mais pas seulement).
Ces couples hétérosexuels ne font pas mentir les statistiques générales : il existe une forte dissymétrie du désir entre les hommes et les femmes, écart qui finit par générer de la souffrance des 2 côtés.
C’est assez facile d’en conclure que les femmes ont « par nature » moins de désir sexuel que les hommes. C’est ce qu’on a fait pendant longtemps.
Mais visiblement, à lire les recherches sur le sujet, des travaux de sociologie et de biologie, ce n’est pas là qu’est le problème principal.
La biologie nous montre que le désir féminin est quasiment identique dans son fonctionnement au désir masculin.
Si vous ne me croyez pas, allez donc jeter un oeil sur le bouquin de Daniel Bergner « Que veulent les femmes » (ici sur Amazon et ici sur LesLibraires.fr)
Non. La question principale c’est :
que fait le COUPLE HETEROSEXUEL aux femmes pour briser leur désir à ce point là ?
Et plus encore : que fait la PARENTALITE au couple pour amener ce résultat là ?
Parce que les chiffres sont là : la baisse de désir des femmes EN COUPLE hétérosexuel est MASSIVE (et encore plus quand la femme devient mère).
C’est cet aspect massif qui laisse penser qu’il ne peut pas s’agir d’un problème INDIVIDUEL, mais bien de quelque chose de systémique.
Quelque chose dans nos règles de fonctionnement, dans la manière dont le couple – dont TOUS LES COUPLES ou presque – fonctionnent.
Quelque chose de tellement « normal » que ça se met en place à l’insu de notre plein gré comme dirait l’autre.
Tant que nous n’aurons pas résolu ce problème, nous ferons du bricolage individuel plus qu’autre chose.
Il vaut mieux le savoir pour ne pas tenter de résoudre individuellement un problème bien trop gros pour nous.
Et ça vaut le coup aussi que les intervenants auprès de couples – comme je peux l’être – aient conscience de ces mécanismes pour éviter de créer de la souffrance et de la culpabilité en tentant de répondre à une demande qui n’est pas totalement résolvable (ça se dit ?) au niveau individuel.
Cet article posant plus que questions qu’il ne donne de réponses, n’hésitez pas à me faire part de vos critiques / doutes / commentaires / questions / etc pour que nous puissions échanger à ce sujet.
Quelques ressources sur l’absence et la diminution du désir
Sur ce blog :
- le désir oiseau sauvage et délicat
- comment obtenir plus de sexe et de désir avec moins d’efforts
- pis je vais m’arrêter là parce que j’en ai écrit des tonnes sur le sujet et vous pouvez tous les voir ici
Les livres cités dans l’article (et quelques autres)
- « Que veulent les femmes » – Daniel Bergner : une recension des résultats de recherche scientifique sur le désir féminin
- « Pas envie ce soir : la question du tabou du consentement dans le couple » – Jean Claude Kaufman : un livre de sociologie (écrit par un homme) qui pose de très bonnes questions sur le consentement dans le couple
- « La charge sexuelle » – Clémentine Gallot et Caroline Michel : un livre qui parle de la sexualité comme une part importante de la charge mentale des femmes (santé, contraception, préoccupation de plaire, etc)
Vous ressentez le besoin d’être accompagné-e par rapport à votre situation de couple ?
Dans l’approche que je pratique (le modèle systémique et interactionnel de Palo Alto) plusieurs options sont possibles :
- je vous accompagne individuellement quand l’autre partenaire ne peut pas ou ne veut pas venir. On parle d’accompagnement autour d’un problème lié au couple et non d’un accompagnement de couple. Nous pourrons évaluer ensemble les changements que vous voulez et pouvez mettre en place par vous-même. Nous pouvons aussi travailler sur des manières plus efficaces de communiquer, que ce soit au quotidien ou pour inciter l’autre à venir aux rendez-vous
- Je vous accompagne en couple si vous êtes tous les 2 partants. Dans ce cadre, je vous verrai séparément à certains moments et ensemble à d’autre. C’est un accompagnement de couple assez classique finalement mais orienté sur le concret, parce qu’un changement dans la tête qui ne se traduit pas par des actes concrets n’est qu’une histoire qu’on se raconte 😉
Les rendez-vous peuvent se faire en présentiel (préférable pour les couples qui viennent à 2) à Aoste (Nord Isère) ou à Aix les Bains ou en visio. La prise de rendez-vous se fait directement en ligne via (toutes les infos sont accessibles via le lien ci-dessus)
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Très intéressant comme questionnements, merci
J’ai lu récemment « Jouir » de Sarah Barmak qui soulève également tous ses questionnements sur le désir et le plaisir féminin. Et oui plus de questions que de réponses tant le phénomène nous dépasse coincé entre une société pleine d’injonctions sexuelles : « Désirer et jouir tu devras pour être une bonne partenaire! » Et le devoir est bien évidemment l’ennemi des 2 premiers…compliqué
Comme la majorité des personnes ayant une baisse de libido au cours de leur vie sont des femmes, parler de troubles de la libido quand elle baisse revient à dire que le problème vient de la femme. En gros, puisqu’elle ne veut pas, c’est elle le problème, le pov’ monsieur lui il veut bien, c’est donc une victime. Le problème est peut-être dans cette vision engendrant une responsabilité non partagée de la vie intime ? Vision qui pourrait être issue de l’historique de la place de la femme, devant être au service des besoins de l’homme et donc de ses besoins sexuels ?
A propos du livre de Kaufmann, j’ai trouvé une critique très développée sur le site de Babelio (celle rédigée par Emiliec28): https://www.babelio.com/livres/Kaufmann-Pas-envie-ce-soir/1238471/critiques
Ca m’a fait passé l’envie de lire le livre ^^
Il y a des points avec lesquels je suis en accord mais pas avec tout :-).
Kaufman est un sociologue. Donc il ne propose aucune solution, il ne fait que faire des constats.
Partant de là, son livre ne m’a pas choquée outre mesure.
Idem : il ne fait que constater qu’il y a écart de désir. Là encore sa position de sociologue fait qu’il ne cherche pas de causes (je n’en ai pas vu dans son bouquin ni dans un sens ni dans un autre).
Ca me semble un peu extrapoler que de dire qu’il prend parti dans un sens ou dans l’autre, en tout cas à partir de son livre.
Dans ses interviews, il dit clairement que ces comportements se sont installés depuis des siècles (il ne parle jamais d’une cause biologique au désir) et c’est vrai que son point de vue est « il a fallu du temps pour que ça s’installe, ça ne peut pas changer rapidement. »
Et là je suis clairement en désaccord avec lui par contre.
Comme tous les livres de sociologie, ses bouquins sont intéressants pour la photographie qu’ils livrent d’une situation sous un angle donné (le genre, le sexe, la classe sociale, etc). Ne leur faisons pas dire ce qu’ils n’ont pas vocation à dire :-).
merci Sandrine pour l’angle d’éclairage ! c’est vrai que c’est important de situer le champ d’action de l’auteur.