« Une éducation sans punition » dans l’émission « De Parents à Parents » sur Lyon 1e

14.06.14 de parents a parentsJ’ai participé il y a quelques jours à l’enregistrement d’une nouvelle émission « De Parents à Parents ». La précédente  émission à laquelle j’avais participé portait sur les crises de nos enfants, émission que vous pouvez retrouver ici.

Le thème de l’émission de cette semaine, c’est « éduquer sans punir ». L’émission sera diffusée sur Lyon 1e mercredi 18 juin à 9h30. Elle est écoutable à la radio sur 90.2 à Lyon ou sur le web sur le site de Lyon 1e.

Si vous avez raté les émissions précédentes, vous pouvez retrouver toutes les vidéos en replay sur la chaine « De Parents à Parents » sur Youtube.

Donc, après Nannymel de Fantadys, c’est Charles Voilapapa qui a dû se coltiner la grande bavarde que je suis 😉 … Le pauvre, il a eu du mal à en placer une. Heureusement que Karine était là pour me remettre sur le droit chemin 😛 !

D’ailleurs si vous voulez en savoir plus sur tous les blogueurs qui participent à l’émission, une petite visite par ici s’impose …

Comme la dernière fois, le sujet est vaste pour un temps aussi court. Voici donc quelques compléments à ce que nous avons dit dans l’émission.

Quelles limites poser ?

Une des premières questions qui se posent aux parents, avant même de décider d’utiliser ou non la punition, c’est « quelle limite poser ? ». Charles la pose d’ailleurs dans la première partie de l’émission que vous pouvez visionner ici :

J’ai déjà parlé de ce sujet des limites dans des articles du Vendredi des Parents « A propos des limites et de leur effet sur les parents et sur les enfants » et « comment poser des limites à son enfant tout en le respectant »

Plus récemment, j’ai aussi abordé ce sujet de façon assez globale dans l’article « sans fessée ni punition oui mais comment ? »

Ce que je dis dans cet article de la fessée s’applique aussi à la punition car les 2 procédent du même mécanisme, à savoir une évaluation externe à l’enfant de la gravité de l’acte commis. Je l’explique aussi dans la vidéo ainsi que la distinction entre punition et sanction.

C’est d’ailleurs une des raisons qui fait que la punition ne fonctionne pas.

Pourquoi le système punition/récompense ne fonctionne pas sur le long terme ?

Là aussi, j’avais détaillé mon point de vue sur la question dans cet article qui, à mon avis, dit l’essentiel : « punir ça sert à quoi ? ».

La punition ne fonctionne pas justement parce qu’elle donne une évaluation externe à l’enfant, avec laquelle il n’est pas forcément d’accord et qu’il perçoit donc comme injuste. Du coup il se focalise sur cette injustice et sur la façon dont il va pouvoir y échapper plutôt que sur le problème réel.

C’est exactement la même chose avec la récompense : la récompense donne une motivation extrinsèque, extérieure à l’enfant. De multiples expériences de psychologie ont montré l’effet pervers de la récompense : tant que la récompense est là, l’enfant fait des efforts. Mais dès qu’on ne  donne plus de récompense, les sujets de l’expérience se démotivent rapidement. Alors que, dans les groupes à qui on ne donne pas de récompense, les sujets, adultes comme enfants – l’expérience ayant été menée dans différents cadres – poursuivent leurs efforts et réussissent mieux sur le long terme.

Les bénéfices cachés du problème pour l’enfant

Parfois aussi la punition ne fonctionne pas parce que nous nous trompons de problème. Les behavioristes ont montré qu’une punition ne fonctionne que dans des cas bien précis : que la punition soit juste par rapport au problème constaté – et nous venons de voir que c’est quasiment impossible, que le comportement qui pose problème soit systématiquement puni – ce qui est généralement impossible, et enfin que le comportement puni n’apporte pas à l’enfant des bénéfices supérieurs aux inconvénients de la punition.

Un exemple pour illustrer cet aspect :

La plupart du temps lorsque les efforts renforcés des parents n’ont pas porté leurs fruits, il s’avère que le comportement que les parents veulent faire disparaitre est utile à l’enfant.

Voici une illustration très concrète, qui m’a été fournie par une participante à un conférence que j’ai animée sur les relations entre frères et soeurs. Cette maman m’interpelle à propos de son fils qui tape sa soeur. Elle lui dit que c’est mal, le gronde, le punit, elle s’énerve mais rien n’y fait, il continue.

Quand je lui demande dans quelles circonstances il tape sa soeur, cette maman m’explique que généralement la grande soeur organise un jeu à sa sauce : ils jouent à l’école, elle est la maitresse et lui dit quoi faire. Le petit garçon râle et manifeste que ça ne lui convient pas. Sa soeur poursuit le jeu. Au bout d’un moment, il attrape un jouet et en flanque un grand coup sur la tête de sa soeur qui part en pleurant se plaindre auprès de sa maman que son frère l’a tapée.

Dans cette situation, le comportement du garçon est parfaitement fonctionnel : en tapant sa soeur, il obtient ce qu’il n’a pas réussi à faire autrement = que sa soeur le laisse tranquille. C’est le bénéfice pour lui du comportement qu’il produit = taper lui permet de faire cesser une situation désagréable pour lui.

Le punir et le gronder ne sert à rien car il n’a aucun autre moyen de s’en sortir avec sa soeur. Et il continuera à la taper aussi longtemps qu’il ne pourra pas gérer cette situation autrement. Insister pour qu’il arrête de taper sa soeur peut conduire à le mettre en échec et à culpabiliser. Il peut même se mettre à en vouloir à sa soeur qu’il risque de juger responsable des punitions qu’il reçoit.

Dans cette situation, c’est plutôt sa soeur qui a à comprendre qu’elle doit respecter le refus de son frère de jouer avec elle. La punition du frère est donc inutile.

Dans de très nombreuses situations, le même cas de figure se reproduit : quand l’enfant n’a pas les capacités émotionnelles pour se contrôler alors qu’on lui demande de ne pas râler, quand l’enfant a des difficultés scolaires non perçues – ce qui arrive souvent aux enfants DYS (dyspraxique, dyslexique, …) et qu’on le punit parce qu’il ne fait pas d’effort. Dans ces cas-là, certains enfants peuvent manifester des comportements difficiles en classe – être facilement déconcentré, s’amuser, faire les imbéciles avec les autres, … – qu’on punit, repunit et re-repunit alors qu’en réalité l’enfant a besoin d’aide. Sa façon à lui de gérer son « incompétence » dans un domaine est de trouver un autre domaine où il réussira mieux. Mieux vaut souvent se concentrer sur autre chose que le problème et travailler positivement, la punition devenant alors inutile.

Parfois aussi la tension autour d’un seul sujet – le travail scolaire par exemple – est tellement forte que cela dégrade la relation avec l’enfant dans son ensemble. Les tensions sont alors telles que, simultanément, l’enfant s’oppose systématiquement et le parent impose systématiquement, ce qui amène à des systèmes très punitifs.

J’avais déjà abordé ce sujet dans l’article « Ce que tous les parents devraient savoir ».

Les messages implicites que nous véhiculons

Dans la 2e partie de l’émission, nous abordons aussi des situations plus concrètes qui nous ont été rapportées par les internautes. A voir ici :

Pour ce qui est du coin, de la chaise à réfléchir, et d’autres outils, l’idée est que l’enfant ne perçoive pas la situation comme humiliante. S’il y a humiliation, l’enfant n’est pas dans une position pour apprendre sur le long terme. Parfois, comme je l’explique dans la vidéo, simplement poser la question à l’enfant :

A ton avis, quel est le problème pour moi ?

suffit largement à amorcer la discussion et la prise de conscience sans moraliser, ni sermonner outre mesure. La chaise, le coin ou tout autre isolement est alors parfaitement inutile.

Le problème avec la communication, avec ou sans punition, est  que nous véhiculons des messages implicites sans nous en rendre compte. C’est-à-dire que l’enfant reçoit un message inverse à celui que nous voulons envoyer. Ca, c’est le paradoxe de la communication : celui qui fait le sens du message, c’est celui qui le reçoit, pas celui qui l’envoie.

C’est particulièrement vrai avec la punition. J’avais abordé ce sujet à propos du bisou dans cet article : « fais un bisou au monsieur ». Ca peut être vrai aussi avec le fameux « privé de dessert ». Je m’explique : lorsque le « privé de dessert » est donné en rapport avec autre chose que la nourriture, l’enfant trouve cela injuste parce qu’il ne voit pas le rapport avec le problème constaté. Comme nous le disons dans l’émission, le sentiment d’injustice invite à la rébellion, voir à la dissimulation. Ce qui n’est évidemment pas le but recherché.

Si la privation de dessert fait suite à des difficultés pour manger d’autres aliments – le fameux « si tu ne manges pas tes légumes, tu n’auras pas de dessert – le  message implicite qui est sous-tendu peut être assez contre-productif là aussi. Parce que le dessert devient alors une récompense, donc un aliment à privilégier. Pire encore : on obtient une récompense quand on a fait quelque chose d’exceptionnel, de difficile. Donc on fait passer le fait de manger des légumes pour quelque chose de difficile et d’exceptionnel. Ce qui, là encore, n’est pas vraiment le but recherché.

On en revient là aussi au problème du système punition récompense : l’enfant ne fait pas parce qu’il a compris l’intérêt, il fait par peur de la punition ou par envie de la récompense. Le jour où il n’a plus peur, le système ne fonctionne plus ; le jour où la récompense lui semble insuffisante, le système ne fonctionne plus.

Une question intéressante à se poser quand on est tenté de punir nos enfants :

Quelle motivation ai-je envie que mes enfants aient pour faire ce que je leur demande ?

Si je veux qu’ils fassent les choses par peur, par obligation, par envie d’une récompense, alors je peux utiliser le système punition-récompense.

Si je veux qu’ils fassent parce qu’ils ont compris l’importance de ce que je leur demande, alors je suis obligé-e d’avoir recours à une attitude plus pédagogique.

Certains professionnels préconisent aussi le retrait de l’attention lorsque l’enfant a des comportements inacceptables pour nous. Le risque c’est que l’enfant reçoive le message « si tu n’es pas conforme tu n’es pas aimable« , ce qui peut contribuer à lui mettre la pression pour se tenir « comme il faut » et le mettre en échec et donc se dévaloriser s’il n’y arrive pas.

Evidemment, il y a encore des tas et des tas de sujets que je n’ai pas abordés dans cette émission qui sont relatifs à la punition, je crois qu’un livre entier n’y suffirait pas (d’ailleurs si vous connaissez une maison d’édition qui serait intéressée par ma plume, je prends :-D) :

  • pourquoi les punitions semblent parfois fonctionner …
  • comment gérer les différences éducatives dans le couple

J’essaierai d’aborder tout cela dans de prochains articles.

Passer d’une éducation punitive à une éducation responsabilisante

La difficulté de sortir de la punition, c’est donc que cela oblige à réfléchir en termes pédagogiques pour l’enfant : quelle compétence manque à mon enfant pour réussir ce que je lui demande ? Qu’a-t-il besoin de comprendre/d’acquérir ?

Mais il n’y a pas que ça : parfois il ne s’agit pas de compétence manquante à l’enfant. Mais nous sommes juste partis dans un conflit de pouvoir et plus personne ne veut lâcher. La question dans cette situation revient donc à choisir entre ce qui peut sembler être « céder » à court terme ou résoudre le problème à plus long terme. Vous pourrez trouver quelques éléments de réponse dans les articles « fuir ou taper » et « quelles sont les causes des conflits ? »

Il n’existe aucune recette miracle ou attitude qui ferait de nous des « bons parents » à coup sûr.

Ni l’écoute, ni la fermeté ne sont des attitudes qui marchent dans 100% des situations. Chaque situation demande réflexion, prise de recul, adaptabilité et pédagogie et souvent aussi un changement de point de vue sur la situation, notre ancien point de vue pouvant nous bloquer pour résoudre le problème. Un vrai travail de longue haleine.

Si vous n’êtes toujours pas convaincu par tout cela, je n’ai qu’une seule et unique question à vous poser ?

si vous pouviez faire autrement que punir pour éduquer votre enfant, continueriez-vous à punir ?

Si vous souhaitez cesser de punir, alors il y a des solutions et vous pouvez en trouver quelques-unes en flânant sur ce blog ou au travers des quelques livres dont vous trouverez les liens ci-dessous (si vous ne voyez pas les liens, c’est parce que votre navigateur les considère comme de la publicité).

Le retour des Questions du Vendredi

C’est cette émission qui m’a donné envie de remettre en route les réponses à vos questions sur ce blog comme je l’ai annoncé hier.

Je vais tenter – je dis bien tenter car je ne maitrise pas tous les aspects de mon emploi du temps – de faire renaitre les Vendredis des Parents mais en abordant des thèmes plus larges. Vous trouverez toutes les infos à propos des « Questions du Vendredi » par ici …

En effet, il est impossible, dans l’éducation et le soutien à la parentalité comme dans d’autres domaines, de donner des « trucs » qui fonctionnent pour tous et tout le temps. Il me semble donc plus approprié de donner des réponses qui correspondent à des situations plus concrètes.

Je ferai donc le plus souvent possible un article basé sur une question envoyée par l’un d’entre vous, article qui sera publié le vendredi.

La Bibliographie




Sandrine Donzel

Parentalité, couple, communication, développement personnel ? Votre vie ne ressemble pas à ce qui est décrit dans les livres ? Pas de panique et bienvenue dans la VRAIE VIE, celle qui est abordée sur ce blog ! Je vous y propose des outils concrets, pragmatiques et REALISTES pour répondre à vos interrogations. Bonne lecture !

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