Equilibre vie professionnelle / vie personnelle et gestion du temps : un témoignage

14.12.06 equilibre vie pro vie perso gestion du tempsJ’ai donné il y a quelques jours une interview pour le blog Egali-Mère décrivant mon parcour un peu atypique. Si vous êtes intéressés par les sujets d’égalité homme/femme, des difficultés d’entreprendre au féminin, je vous invite à parcourir le blog d’Egali-Mère : vous y trouverez des ressources et des témoignages très intéressants à ce sujet.

Mon interview parle donc des difficultés que peut rencontrer une mère qui entreprend, notamment concernant sa disponibilité et le besoin de soutien psychologique mais aussi matériel nécessaire pour réussir son projet professionnel . Vous pouvez retrouver l’intégralité de cette interview ici, sur le blog de d’Egali-Mère.

Je profite donc de cet article pour en écrire un autre concernant les petites astuces et les points clés qui me permettent de garder un semblant d’équilibre et de ne pas sombrer dans la folie face à tout le travail qui m’attend !!!

Il s’agit plus d’un témoignage sur la façon dont je gère personnellement cet équilibre vie perso/vie professionnelle que de conseils car chaque situation est particulière et demande des ajustements spécifiques. Le ton de cet article change un peu de la ligne habituelle de ce que j’écris mais je suis dit que ça pourrait être intéressant malgré tout.

Gérer son temps et équilibrer vie personnelle et vie professionnelle

Pour commencer une petite description d’une semaine typique de ma vie trépidante.

Je résume la semaine qui vient de s’écouler pour vous donner une idée je n’ai eu le temps de manger un repas correct et sain (pas une cantine ou un restaurant rapide) que pour 1 repas sur 2 ; j’ai sauté 2 repas dans la semaine ; j’ai été absente de la maison 3 soirs sur 5 et les 2 soirs qui restent je suis rentrée après 20h, généralement plutôt 20h30 ou 20h45 après être partie à 8h30 le matin ; je n’ai pu récupérer mes enfants à l’école que 2 fois sur 5 ; j’ai parcouru 1200 km dans ma voiture ; …

Le week-end n’est pas forcément plus cool car je travaille souvent les samedis, notamment le matin. Les enfants ont aussi des activités auxquelles il faut les amener et auxquelles j’aime aussi assister ! Je travaille aussi très souvent le week-end car j’ai des conférences ou des animations à préparer et je n’ai pas toujours le temps de le faire en semaine.

Mon travail demande aussi de l’énergie mentale et de la disponibilité, pas seulement du temps. Si je me laisse embarquer dans mes préoccupations, je fais mal mon travail. A noter d’ailleurs qu’un de mes outils de base est de remplacer le mot TEMPS par le mot ENERGIE.

Un exemple : au lieu de dire « je n’ai pas eu le temps d’appeler UNTEL », je dis « je n’ai pas eu l’énergie d’appeler UNTEL » parce qu’en réalité, j’ai fait le choix de faire autre chose à la place. Ce choix me demandait moins d’énergie et c’est pour ça que je l’ai fait. Je raisonne donc plutôt en termes d’énergie pour mieux gérer mon temps.

Ce thème me fait penser que je pourrais consacrer un article à ce point d’ailleurs ;-).

Je me suis donc fixé quelques règles pour préserver mon énergie dans les moments où je sens que ça dérape. C’est un peu mon écologie à moi ;-).

Règle n°1 : Se dépêcher de ralentir

Quand l’excitation monte et que j’ai l’impression que je n’arriverai jamais à tout faire, c’est le moment que je choisis pour me poser. Ne pas partir dans tous les sens mais garder la tête froide.  C’est un peu comme un ordinateur qui surchauffe : la surchauffe le rend moins efficace.

Si je me laisse aller à l’excitation, je ne fais rien correctement, mon cerveau tourne pour rien. Je prends donc le temps à ce moment là de réfléchir à mon organisation posément pour ne pas risquer de passer à côté de quelque chose d’important. Je prévois aussi dans mon organisation des temps plaisir qui, même s’ils peuvent sembler être une perte de temps sont indispensables (voir règle n°3).

Cela implique aussi de faire des choix et de renoncer à certaines choses que je ne pourrais pas faire : le ménage à certains moments, la cuisine à d’autres, des sorties parfois, une activité personnelle, de faire des choix professionnels aussi et de dire non à certaines choses (l’aspect le plus difficile quand on débute car on est coincé par l’aspect financier)

Cette règle marche aussi très bien dans mon quotidien avec les enfants : quand je commence à m’exciter parce que nous risquons d’être en retard, je sais que c’est le moment de lâcher prise, de cesser d’insister pour qu’ils se dépêchent et de passer à autre chose. C’est redoutablement efficace.

Règle n°2 : une chose à la fois

14.12.06 carte mentale se concentrer webescenceCette règle est la suite de la précédente. J’ai besoin d’être efficace dans des temps courts. Si je pars dans tous les sens, je ne fais rien correctement et mon stress s’amplifie. Il s’agit donc de libérer mon cerveau pour qu’il soit pleinement disponible le moment venu. Si je multiplie les taches, j’ai moins d’énergie à consacrer à chacune d’entre elles et elles vont toutes moins vite.

La carte mentale ci-contre donne pas mal d’astuces pour mieux gérer son temps et mieux se concentrer. La concentration est une des clés de l’efficacité. Merci à Amandine de Webescence qui m’a fait découvrir ce précieux outil.

Mes outils pour « libérer mon cerveau » :

  • mieux gérer mes outils informatiques : ne relever mes mails que 3 fois par jour maximum et fermer les fenêtres des réseaux sociaux quand je travaille sur mon ordinateur pour ne pas être happé par les notifications, couper mon téléphone à certains moments

= quand je fais une tache, je ne fais que celle-là, mon cerveau sait ce qu’il a à faire sans hésitations

  • me fixer des temps de travail, indépendamment du résultat obtenu : je ne me fixe pas de résultat à obtenir mais simplement des plages de travail de 45 à 50 mn de travail « intellectuel » (préparation de conférence ou de formation par exemple) ou plus courtes pour d’autres taches genre 10 mn de ménage, …

= mon cerveau sait ce qu’il a à faire et s’y concentre entièrement et il n’est pas pris par la pression du résultat, il peut travailler qualitativement

  • faire des listes et noter mes préoccupations : dès qu’une chose à faire me passe par la tête, je la note. Si je ne le fais pas, mon cerveau va me la rappeler sans arrêt pour être sur que je ne l’oublie pas. Ces rappels incessants sont des perturbations qui gênent la concentration. Donc je note, je note, je note. Il existe des outils informatiques mais je suis une inconditionnelle de la bonne vieille liste papier pour plusieurs raisons. D’abord je suis obligée de la voir bien posée en évidence sur mon bureau alors que j’oublie régulièrement d’ouvrir mon application informatique de gestion des taches ! Ensuite parce que j’aime le plaisir de barrer proprement avec un gros feutre tout ce que j’ai déjà fait.

Il m’arrive parfois de me réveiller la nuit et de penser au travail. A ce moment-là – si je n’arrive pas à me rendormir dans un temps raisonnnable – je me lève et je note ce à quoi je pense sur le moment ou je me mets carrément au travail à ce moment-là. En général, je peux me rendormir très facilement lorsque je fais ça. Et si je dors moins, mon sommeil est de meilleure qualité, je suis plus reposée le matin que si j’avais lutté une partie de la nuit.

= mon cerveau sait que je tiens compte de ce qu’il a à me dire et il sait qu’il peut retrouver l’information notée. Du coup il est moins dérangeant.

Règle n°3 : Me faire plaisir

Le plaisir est le carburant qui alimente tout le reste.

Mon cerveau est comme un ordinateur portable : il a une batterie – des réserves – qui lui permettent de tourner en autonomie. Mais il a besoin de recharger ses batteries régulièrement. Les batteries se rechargent dans tous les moments de plaisir.

Pour moi ce sont les temps en famille : regarder la télé ensemble, assister à une compétition sportive de mes enfants, dormir avec eux le week-end, sortir avec des copines (quitte à se coucher à 6h du matin), aller au cinéma, passer du temps avec mon mari, … ou simplement boire un thé, s’arrêter au bord d’une route pour admirer un beau paysage, lire un livre, …

En période d’activité intense, ces moments sont plus particulièrement importants et je peux renoncer à travailler pour passer une soirée à regarder une émission débile à la télé avec mes enfants. Je sais que je serai d’autant plus efficace le lendemain que j’aurai fait ce choix.

J’ai aussi la très grande chance d’avoir un travail qui me nourrit et qui représente une grande source de plaisir pour moi, ce qui fait que j’ai une certaine énergie « renouvelable » en quelque sorte ;-).

 

Evidemment, rien de tout cela ne serait possible sans le soutien matériel de mon conjoint en particulier et de ma famille en général. Les taches familiales – ménage, courses, cuisine, paperasserie familiale, … – passent à la trappe la plupart du temps (elles ne sont pas importantes à mes yeux) mais il faut bien que quelqu’un les fasse. Cela démontre une fois de plus que, dans l’égalité homme/femme, le rôle de celui/celle qui reste dans l’ombre dans la réussite de celui qui travaille est essentiel.

Je pense qu’on ne peut pas réussir professionnellement si on n’a pas un support familial derrière soi, surtout si on a des enfants.

Chez nous, nous sommes 2 à être entrepreneurs et à travailler à notre compte – oui nous sommes des dingues ! … Autant vous dire que le ménage n’est pas fait souvent, que c’est le souvent le vrai bings dans la maison et que nos enfants ont appris par la force des choses à être très autonomes. Nous essayons de nous consacrer à ce qui est plus important pour nous : des temps en famille et manger à peu près sainement.

Pas toujours simple … mais on s’en sort plutôt pas mal il me semble 😉 …

Et vous, comment faites-vous ? Quelles sont vos astuces pour mieux gérer temps et énergie ? Comment conciliez-vous vie personnelle et vie professionnelle ?

Cet article vous a plu ? Vous avez envie de recevoir plus d’informations à ce sujet ? Alors cliquez ici !

Crédit photo : Angela_Waye via Bigstock

Un livre pour aller plus loin :

Un livre qui m’a beaucoup aidée pour la gestion du temps, celui de David Allen « Getting things done, s’organiser pour réussir »:

Sandrine Donzel

Parentalité, couple, communication, développement personnel ? Votre vie ne ressemble pas à ce qui est décrit dans les livres ? Pas de panique et bienvenue dans la VRAIE VIE, celle qui est abordée sur ce blog ! Je vous y propose des outils concrets, pragmatiques et REALISTES pour répondre à vos interrogations. Bonne lecture !

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7 thoughts on “Equilibre vie professionnelle / vie personnelle et gestion du temps : un témoignage

  • 6 décembre 2014 à 13:13
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    Effrayant.
    Et passionnant.
    Je dois réfléchir, avant de répondre à vos questions…

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  • 6 décembre 2014 à 14:17
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    Alors voilà! Difficile de vous expliquer mes choix sans raconter un peu ce qui a précédé.
    J’ai commencé un peu comme vous, en bien pire (mais sans votre bagage d’intelligence!) : stress, course en voiture, hystérie du matin, cris pour qu’ils se dépêchent encore plus, jusqu’à la gifle, ce matin où le bol de chocolat s’est renversé, une fois de plus. Parce qu’il se dépêchait…

    Cette gifle, je me la suis donnée à moi-même. Et bizarrement, je suis tombée enceinte! (ne riez pas, tout est vrai!)
    Congé parental, je mûris, saute la barrière des 40, la sagesse se dessine!
    Et donc, vous attendez la suite?
    J’ai quitté mon job pour un autre, et je travaille chez moi, en gardant les enfants des autres, mais aussi les miens!

    J’assure les courses, les repas, les trajets, les activités, les rendez-vous, et cela prend toute mon énergie.
    Mon conjoint prend sa part, gère les fins de repas pendant que je couche les petits, fait du ménage et du repassage (rappelez-vous, tout est vrai!).
    Nous sommes partenaires, il est capable de me remplacer pour tout, et réclame souvent que je lui délègue quelques corvées. On négocie!

    Je groupe les déplacements par secteur géographique, je fais des listes.
    Le Salut est dans la liste, si on ne l’oublie pas sur le coin de la table…
    Mes capacités intellectuelles ne sont pas trop sollicitées (les leçons des enfants m’aident à garder le niveau minimum), seule la mémoire fonctionne à plein régime, et ma capacité d’organisation est au top.

    De ce que j’ai su faire, être, autrefois, je garde une fierté nostalgique : c’est parfois un choix difficile, de devenir nounou.
    Je n’ai pas de portable, je ne connais pas les réseaux sociaux (pour ne pas perdre mon temps), j’allume le PC en fin d’après-midi : mails, démarches en ligne, commandes, Drive une fois par mois, pour gagner du temps!
    Quand le petit fait la sieste, parfois je regarde un film « de grand » avec les deux premiers. J’essaie de leur ouvrir l’esprit au monde.

    Mon confort personnel passe en dernier, après ma santé, quand il reste un peu de temps et surtout un peu d’énergie.
    Je ne sors pas sans mes enfants, et le cinéma pour l’instant, c’est toujours la séance de 17h le dimanche.
    Il y a peu, j’ai emmené mon grand voir « Samba » à la séance de 20h30 un mardi soir ; cela me permet d’entretenir un peu de dialogue avec l’ado introverti….
    Ma vie perso n’est pas aussi « équilibrée » que cela semble l’être pour vous. Je n’ai pas de véritable règle, c’est à plutôt à l’instinct!
    Pour l’instant, je ne me sens ni malheureuse, ni frustrée, je pense même vivre les plus belles années de mon bonheur : mon foyer, mon couple, mes enfants, mon jardin.
    Le jardinage est un calmant, un loisir qui me relaxe la tête mais pas forcément le dos. Il faut choisir, encore!

    Je vous lis régulièrement, cela me pose parfois question. Comme disait Jean-Luc, ça se discute!
    Je ne sais si ma réponse a un réel intérêt, finalement. Tant pis, je l’ose!

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  • 6 décembre 2014 à 21:08
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    Moi aussi je ralentis quand tout s’accélère.

    Quand l’adrénaline m’inonde, je me pose, et heureusement !

    J’ai un métier très stimulant mais très stressant, qui use énormément, alors je dois me ménager pour durer et rester efficiente.

    En plus je ne peux pas m’empêcher de m’engager dans la vie associative, d’aussi loin que je me souvienne je collectionne les bénévolats, ça fait partie de moi.

    J’ai longtemps travaillé avec des horaires de dingue, me ruinant en nounous ou en gazole (doubles domiciliations), actuellement je finis souvent tard mais au moins je rentre tous les soirs (il est rare qu’un « placement »- quel mot horrible- ou une urgence me retienne toute la nuit) mais je me saigne encore aux 4 veines pour que mon fils ait accès aux services de la ville (nous habitons à la campagne sans transports en commun et je travaille trop pour pouvoir faire le taxi) et à un enseignement de qualité.

    Je fais beaucoup de kilomètres sur des routes de montagnes enneigées ou dangereuses dans un secteur au climat très rude, pour me confronter seule à des situations très dures et parfois très violentes, alors avoir du sang froid est vital.

    De plus je suis mère célibataire, je porte tout, je suis relativement isolée, alors je souffre d’un stress bien précis : et s’il m’arrive quelque chose ?

    Alors j’anticipe beaucoup, on a des plans pour tout, le plan A, le plan B, le plan C, …. Et depuis qu’il sait marcher mon titi sait appeler les pompiers et la famille et gérer l’urgence. On répète régulièrement les manoeuvres et les check list pour qu’il ne soit pas en panique et démuni en cas de pépin.

    Et évidemment les listes, avec des couleurs, le orange pour les priorités, le rouge pour l’important, le vert pour l’indispensable, le bleu pour le reste et le marron pour ce qui peut attendre.
    Pas le temps pour les RDV perso et médicaux. Se soigner est un luxe car le temps (l’énergie, quelle belle idée !) n’est pas extensible, alors je me traine mes bobos jusqu’à n’en plus pouvoir avant de consulter, et je n’ai pas mis les pieds chez un pédicure ou les jambes chez une esthéticienne depuis des années)
    Au bureau je suis souvent noyée par la paperasse, que je règle par crises. Ca me prend comme une colique, boum, je m’y met et en quelques heures je dégomme des semaines de retard.

    Mon gros défaut, je ne fais pas assez de pauses. Je peux taffer non-stop des heures durant sans décrocher. Mais je m’améliore en vieillissant.

    Le ménage, c’est 5 minutes par ci, 3 minutes par là, la paperasse itou, les repas c’est un luxe parfois de pouvoir simplement manger, j’essaie de ne pas en sauter mais je me retrouve souvent à grignoter un bout de pain à 14h30 ou 16h parce que je n’ai pas eu le temps de déjeuner.

    De toute façon si j’ai pris le temps de me préparer un truc maison, soit je l’oublie au frigo, soit j’ai pas le temps de déjeuner.

    Alors quand je peux prendre 5 minutes pour me faire chauffer un plat tout prêt au bureau, c’est byzance !

    Sinon je déjeune avec des enfants que je « suis », ou des collègues aussi préoccupés que moi par les situations que nous « suivons », et c’est pas du tout reposant.

    La semaine ressemble à un long tunnel où je circule aussi vite qu’un TGV, cuisiner n’est possible que sur mes jours de repos et encore !

    Etre réveillée par le travail, c’est une habitude. (et parfois une torture)

    Me lever pour noter, continuer même la nuit à noircir des carnets comme je le fais à longueur de temps, parfois même taper des memento et des bouts de rapports, voire des textes persos, et me les envoyer sur mes boites mails pour pouvoir les retravailler au cas où ….

    Se réserver des plages de détente et de plaisir, c’est indispensable quand on a ce genre de rythme (et quand on encaisse ce que j’encaisse), et sans me vanter je me sens la reine des féline en ce domaine. Cloisonner et décrocher, perdre mes téléphones, déguster une pile de bouquins planquée sous ma couette, pendant que je laisse mitonner quelques ragù ou freezer un tiramisù, …..

    Je dis beaucoup « oui », je donne beaucoup dans tous les sens du terme, alors je m’accorde de plus en plus, en vieillissant, le droit de dire « non » sans aucun remords.

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  • 7 décembre 2014 à 12:11
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    Quel genre de mère je pense être ? Trop absente !

    Ce n’était pas prévu au programme (je n’ai jamais été taraudée par un désir d’enfant ni par un « instinct maternel ») mais un accident de contraception m’a fait choisir de tenter cette formidable aventure humaine de la parentalité.

    Au vu des contraintes professionnelles inouïes et des dangers auxquels je m’exposais dans le cadre de mon travail, j’ai choisi d’arrêter de travailler jusqu’à ses 3 ans, mais j’ai porté des évènements familiaux lourds pendant cette période, qui m’ont beaucoup occupée et rendue mentalement peu disponible.

    On a beaucoup manqué d’argent pendant cette période, mais Yann ne s’en est jamais rendu compte, et puis j’avais quelques économies dans lesquelles j’ai pioché pour m’en sortir.

    J’ai quand même pris le temps de faire toutes sortes de choses avec lui, notamment voyager, et de l’inscrire dans des activités collectives où je l’accompagnais, si bien que son entrée à l’école a été facile.

    Ensuite, j’ai retravaillé et je me suis rapidement retrouvée à m’éloigner du domicile sur de longues périodes, si bien que de 4 à 7 ans, Yann a été élevé par des nounous et mes parents.

    Je gérais tout à distance (emploi du temps, école, cantine, loisirs, vêtements) et le voyais moins qu’avec un droit de visite classique (un WE/2 et même pas la moitié des vacances scolaires)

    Ca m’a rendue profondément malheureuse et dépressive alors j’ai changé de voie.

    Je fais encore un métier très prenant mais je suis là matin et soir, et s’il m’arrive de quitter la maison très tôt j’ai le temps de lui faire un câlin avant de partir.

    Presque tous les soirs je lui fais des pâtes au pesto ou al pomodoro, et si vraiment il est trop tard c’est pizza du camion ou croque-monsieur maison.

    Le W.E. je cuisine souvent, sauf quand on court dans tous les sens entre les compètes sportives, les évènements associatifs et les fêtes de famille. Mais bon, 2WE/3 on est relativement tranquilles, c’est surtout en mai-juin que ça n’arrête pas !

    Yann a une petite santé alors je prends autant de jour enfant malade que nécessaire, et actuellement j’ai la chance d’avoir une convention collective qui me les accorde (encore) en illimité.

    Je n’abuse pas et j’envoie souvent Yann en convalescence chez ses grand-parents (qui habitent à 1h30 de chez nous, 3h aller-retour en évitant les radars), ils le dorlote et il adore ça, mais si je dois prendre 6 ou 10 jours hé bien je le fais !
    (bon, c’est arrivé une seule fois que je m’absente près de 10 jours pour enfant malade, mais si demain je dois le refaire, même pendant des mois,c’est pour moi une priorité incontournable)

    Du point de vue de mon fils, je donne plus aux enfants des autres qu’à lui.
    Il ne m’en fait pas souvent le reproche mais je sais qu’il s’en plaint à ses profs, amis, animateurs, ….etc…

    En même temps, il se rend compte aussi qu’il est privilégié par rapport à d’autres, et il est du genre généreux (trop), alors tout ça doit être compliqué dans sa petite tête.

    Je ne lui parle pas du travail mais il découvre régulièrement que j’ai amené tel enfant du quartier ou du village ou tel camarade de son école, au restaurant, à la piscine ou au cinéma, au musée ou en randonnée, alors que je ne peux pas prendre un seul mercredi pour faire des choses avec lui, et que je le confie à des animateurs et d’autres professionnels pour ses activités à lui, avec un emploi du temps de ministre, alors que j’accompagne partout les enfants des autres, tout ça ne doit pas être évident à encaisser.

    On va au cinoche ou au resto le soir en semaine, à la piscine le dimanche matin (rarement), on se mate des star trek et des comédies débiles en boucle, on partage tout durant les W.E., du jardinage au nettoyage de la voiture, en passant par le shopping, l’accrobranche ou les sports de glisse, mais ça n’est jamais assez pour lui, et je le comprends.

    Comme il est enfant unique, j’essaie d’inviter des camarades ou des voisins à la maison le plus souvent possible, mais Yann a des centres d’intérêts très différents des autres enfants et je me rends compte que plus il grandit, plus cet écart s’accroit.
    Et finalement je me retrouve à m’occuper de ses copains avec lesquels il ne partage pas grand chose, ou pas longtemps, pendant qu’il se fait sa petite sauce tout seul.
    Heureusement, il commence à trouver d’autres gamins comme lui via internet : ce n’est pas comme avoir un ami proche mais il ne se sent plus « seul de son espèce ».

    Je suis de plus en plus calme et posée en vieillissant, et s’il m’est arrivé de m’énerver contre lui le matin quand c’est la course, ça doit faire au mois 2 ans que ça n’est plus arrivé.

    Mes coups de nerfs, je m’en suis toujours excusée en lui disant que ce n’était pas sa faute si je suis speed et grognon le matin d’une part, que c’est à cause du travail et pas de lui si je suis stressée et fatiguée d’autre part, et qu’il n’est pas obligé de me pardonner si ça l’a blessé.

    Les sanctions sont rares, Yann est un enfant qui se montre gentil et respectueux, se sent sécurisé par les règles communes de la vie en société, en comprend l’intérêt car il éprouve un besoin de calme et de paix.

    En général je lui explique pourquoi je ne suis pas contente et lui demande de réparer ou d’assumer (par exemple je ne cours pas partout à chercher auprès des camarades s’il a oublié ses devoirs, il se démerde avec ses profs et il se prend une colle ou une sale note s’il le faut).

    Parfois je limite l’accès aux écrans en lui expliquant pourquoi (il a tendance à négliger beaucoup de choses s’il passe trop de temps devant des écrans), parfois il s’agit d’effectuer un « travail d’intérêt familial » exceptionnel (passer l’aspirateur dans le salon si une de ses négligences a porté préjudice au fonctionnement de la maison), mais dans l’ensemble y’a aucune raison de s’énerver chez nous, et s’il m’arrive de m’énerver j’en suis la seule responsable.

    Son père est aux abonnés absents. En fait son père a lui-même besoin d’une maman, et comme je ne veux pas remplir ce rôle …..
    J’essaie de positiver : au moins je n’ai pas de problèmes de séparation douloureuse et violente, Yann ne souffre pas d’un conflit de loyauté, mais il pourra nous reprocher d’avoir été trop absents l’un comme l’autre et il aura raison.

    Je suis aussi présente que possible mais je ne peux pas nier cette dimension de ma parentalité, et de celle du père que je lui ai choisi (ben oui, j’aurais pu faire d’autres choix, alors j’assume, pour deux).

    Sans éprouver une culpabilité insurmontable, je reconnais que j’ai beaucoup usé des relais, organisant la vie de mon fils pour qu’il ait accès à l’affection d’autres personnes que moi, aux bons soins d’autres que moi, à l’accompagnement par d’autres que moi.

    Ca n’est pas que négatif, il n’est pas hypercouvé par une mère poule, il vit des choses plus intéressantes qu’un tête à tête avec sa mère, il a le droit d’aimer plein de gens et accès à l’affection d’autres personnes que ses parents, même si je constate que ça ne l’a pas socialisé de la façon que je souhaitais pour lui.

    A savoir qu’il reste un « cérébral » et un « bisounours » alors que j’espérais que la collectivité et l’ouverture le rendrait plus agressif (dans le sens noble du terme, aller vers les autres et s’affirmer) et sociable (les autres enfants lui semblent être fous, il ne comprend par leur besoin de s’agiter et de chercher des noises et faire des histoires tout le temps, et les adultes lui semblent injustes et illogiques, trop stressés, énervés et distants).

    Il a été victime de violences de la part d’une nounou, de violences à l’école, de violences de la part d’une instite, et je ne l’ai pas assez protégé ou pas assez tôt, de ces faits.
    J’ai réagi dès que j’ai su ou compris ce qu’il se passait, mais c’était souvent trop tard, il avait souvent bien morflé avant que je ne mette un stop.
    Je culpabilise, je me dis que si j’avais été plus attentive j’aurais vu quelque chose, j’aurais su plus tôt, j’aurais pu le protéger mieux.

    Ca l’a fragilisé, et il vraiment acquis de gros besoins en termes de sécurité relationnelle, alors je suis très (trop ?) attentive à la qualité des personnes qui sont en contact avec lui.

    Je suis donc consciente de n’avoir pas répondu à tous ses besoins d’attention, d’affection, et je suis prête à en assumer les conséquences.

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  • 7 décembre 2014 à 17:19
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    Merci pour ce témoignage. Je vais essayer de me concentrer sur le « une chose à la fois » : mon cerveau a du mal à l’accepter la plupart du temps, c’est fatigant. Mais c’est un point-clé, assurément.
    Ce que je retiens, c’est qu’il est impossible et préjudiciable de vouloir être sur tous les fronts. C’est important de l’accepter et de choisir ses priorités. J’ai enfin trouvé mon équilibre pour les soirées par exemple, quand je dois faire à manger et occuper 2 enfants en bas âge fatigués. Pour moi, les écrans sont à limiter mais j’ai fait le choix de leur mettre 1 ou 2 dessins animés pendant que je cuisine un truc fait maison parce que l’alimentation est un point très important pour moi… Et ça évoluera sûrement mais voilà, c’est le choix du moment.
    Je vais aller lire ton interview maintenant.
    (et merci pour la mention)
    A plus !

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  • 8 décembre 2014 à 10:16
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    Bonjour,
    merci pour ce témoignage personnel (et ceux postés dans les commentaires !) et ces outils. Ce que je retiens, c’est qu’au final, tout est une question de choix, de priorité. Et qu’en ne hiérarchisant pas ces priorités, on va vite au casse-pipe…
    J’aime aussi la nuance « je n’ai pas le temps » – « je n’ai pas l’énergie ». Ca me parle ! Et hop…je file lire l’itw ! merci pour votre partage !

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  • 13 décembre 2014 à 22:04
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    Si j’ai témoigné aussi longuement c’est pour faire comprendre que bien qu’étant une professionnelle de l’éducation, je ne suis pas parfaite et j’ai les mêmes problèmes que tout le monde. De plus, j’ai dû faire des choix (arrêter de travailler longuement pour accueillir mon fils, le confier à d’autres au risque qu’il en souffre pour remettre du beurre dans les épinards et m’accomplir socialement, changer de voie pour mieux « concilier » (même si je ne concilie rien du tout) vie pro et vie privée. Je remarque cependant que ça reste (encore !) une préoccupation majoritairement féminine, maternelle, et que bien souvent encore les mères s’arrangent pour être sur tous les fronts. C’est pourquoi le témoignage de Sandrine est précieux : les pères impliqués autant que les mères sont encore très rares (10% à tout casser), quand ils sont vraiment présents ils font la différence (pour les enfants c’est manifeste !) Seule, c’est vraiment très très dur, surtout pour les enfants !

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